"Nuit de cristal à Pékin"

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"Nuit de cristal à Pékin"

Messagepar laoshi » 08 Déc 2017, 18:00

Non, ce n'est pas le titre officiel de ce documentaire sur l'expulsion des mingong(s) de Pékin, c'est le nom sous lequel Zhang Zhulin a judicieusement rendu compte du racisme anti-peuple du PCC. Rebaptisés pour l'occasion "population de mauvaise qualité" ou "population bas de gamme", les migrants de l'intérieur qui ont construit le nouveau Pékin habitaient le quartier de Daxin, à une vingtaine de kilomètres du centre, un quartier suffisamment bien placé sans doute pour accueillir une population de meilleure qualité... Les choses n'ont pas traîné. Après un incendie qui a fait 19 morts, sous couvert de rénovation urbaine et pour raison de sécurité, les autorités ont nettoyé le quartier. En 5 jours, ce sont des centaines de milliers d'habitants (entre 250 000 et 350 000) dont il s'agissait de se débarrasser. Après avoir coupé l'eau, l'électricité et le chauffage en plein hiver, les démolisseurs sont entrés en action ; bon gré, mal gré, les indésirables ont dû plier bagage. Pour aller où ? on ne sait...

Le PCC renoue par là avec la plus pure tradition maoïste car il ne faut pas oublier que la "libération", qu'on nous présente toujours comme une époque de joie et de délivrance, s'est accompagnée de "nettoyages" urbains de moindre ampleur mais du même style : les "parasites" ou les "déchets" (dans la langue du PCC de l'époque) ont été chassés des villes et déportés en camps de rééducation par le travail : tireurs de pousse, colporteurs, marchands ambulants, mendiants, pauvres, prostituées, tire-laine et autres petits délinquants mais aussi les millions de réfugiés qui y avaient cherché refuge pendant la guerre civile, tous mis dans le même sac, ont fait les frais de cette mesure... A Pékin, à la fin de 1949, 16 000 indésirables avaient ainsi été exilés au Xinjiang et au Gansu pour y édifier le socialisme : ils durent vivre dans des trous creusés à même la terre pour s'abriter du froid (Voir Dikötter, The Tragedy of liberation, pp. 37-39).

Rien de nouveau sous le soleil du Parti, donc. La population de "qualité inférieure"
低端 [dī duān rén kǒu], taillable et corvéable à merci, est bonne à jeter aux ordures quand il plaît à l'élite rouge !

Le peintre Hua Yong, qui habitait lui aussi le quartier, a osé filmer les expulsions et les destructions ; il est maintenant la cible des autorités. Il avait osé en appeler aux amis de la liberté pour qu'ils "fassent quelque chose".

Dans une vidéo désespérée, il s'adresse au pouvoir qui lui a envoyé la police : "je n'ai rien fait de mal", plaide-t-il. Il aurait quitté Pékin pour échapper à l'arrestation.
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Re: Nuit de cristal à Pékin

Messagepar laoshi » 09 Déc 2017, 08:31

La presse anglophone a massivement rendu compte de cet événement ; voici quelques-uns des articles que l'on peut lire en ligne :

China: 'ruthless' campaign to evict Beijing's migrant workers condemned dans le Guardian

In Beijing, a mass eviction leads to a rare public display of rage dans le Los Angeles Times

Beijing: How Does a Tragic Fire Turn Into the Mass Eviction of Migrant Workers? dans The Diplomat

Migrants Evicted in Crackdown After Deadly Fire dans le China Digital Times

Why Parts of Beijing Look Like a Devastated War Zone dans le New York Times

Mass evictions in freezing Beijing winter sparks public outrage but little official remorse dans le Washington Post

BEIJING MIGRANT WORKER EVICTIONS: THE FOUR-CHARACTER WORD YOU CAN’T SAY ANYMORE dans le South China Morning Post

Le Global Times, bien sûr, justifie les évictions ; son éditorail, Eviction no hallmark of an open Beijing

Beijing justifies eviction as safety measure

dans la presse francophone : cet article du Point, qui m'avait échappé. Il donne une précision glaçante sur la vidéo : "On y voit un haut responsable municipal appeler à "agir fermement, sans pitié et rapidement". Ceux qui résistent à l'expulsion doivent être accusés de "mise en danger de la sécurité publique", affirme-t-il." C'est ce qu'on appelle "servir le peuple" dans la novlangue du Parti
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Hua Yong dit craindre pour sa vie

Messagepar laoshi » 12 Déc 2017, 10:35

Hua Yong, dont la dernière vidéo montrait un groupe d'une centaine de mingong(s) bloquant une autoroute pékinoise pour protester contre leur éviction du quartier de Daxin,
à vingt kilomètres du centre de Pékin, n'a plus donné signe de vie depuis hier. Il disait dans la vidéo vouloir se protéger et protéger sa famille de la police.
Des heurts violents ont éclaté avec la police lors de cette manifestation qui avait réussi à interrompre la circulation sur l'une des autoroutes les plus fréquentées de Pékin. Hua Yong a filmé la manifestation à la demande des mingong(s) traités comme des sous-hommes par les autorités.

Image

Hua Yong a quitté la manifestation sous protection : "je ne pensais pas que les choses iraient aussi loin, a déclaré l'artiste. Il semble que je coure des risques majeurs, la mise en détention secrète et même l'assassinat mais je ne veux pas quitter le pays. Si je suis arrêté, autant mourir,et je veux que mon sang, mon corps et mes cendres soient dispersées sur la terre de ma patrie. J'espère qu'elles se transformeront en poussière d'étoile et qu'elles éveilleront plus de consciences encore en faveur des droits civiques des Chinois."

Le poète Wang Zang, résident, comme Hua Yong, du village d'artistes de Songzhuang, pense que son ami ne fera pas de vieux os s'il refuse de quitter la Chine. Il ajoute que la Chine, avec son système de détention dans les prisons noires et les moyens dont elle dispose, fera tout pour faire payer à Hua Yong son audace : "La Chine ne déteste rien tant que les incidents de masse, puisque c'est ainsi qu'elle les appelle, et elle met tout en oeuvre pour qu'ils restent inconnus du public". Hua Yong pourra bien échapper à la police pendant quelques jours, mais elle ne mettra pas longtemps à le rattraper. Il ferait mieux de quitter la Chine tant qu'il a encore des amis pour l'y aider".
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Re: "Nuit de cristal à Pékin"

Messagepar laoshi » 12 Déc 2017, 18:16

Les images des manifestations sont de plus en plus nombreuses sur la toile.

Le 10 décembre, journée internationale des Droits de l'Homme, les expulsés, soutenus par des artistes, ont manifesté au "village" de Feijia 费家 aux cris de 暴力驱赶,侵犯人权, "les évictions violent les droits de l'homme". Plus de 100 intellectuels ont protesté publiquement et les médias d'Etat eux-mêmes se sont montrés exceptionnellement critiques : CCTV, après avoir déclaré qu'une telle campagne devait être menée "avec détermination", a ajouté que les autorités devraient quand même faire preuve d'une "certaine compassion" et témoigner de "chaleur humaine". "Il est vrai qu'on pourrait faire diminuer les risques en poussant les habitants à quitter leurs immeubles propices aux incendies. Mais comment les migrants pourraient-ils trouver en si peu de temps un abri sûr pour échapper aux rigueurs de l'hiver" De nouvelles manifestations, filmées par Hua Yong ont eu lieu à Pékin.

Nouvel article du Guardian sur la gentrification de Pékin The gentrification of Beijing: razing of migrant villages spells end of China dream. On y trouve le témoignage d'une femme originaire du Shandong qui n'a eu d'autre solution que de se creuser un abri en forme de tombeau pour survivre... Comme au bon vieux temps de la déportation des migrants vers le Xinjiang.

Nouvel article du New York Times montrant que beaucoup de jeunes diplômés se trouvent aussi parmi les expulsés et que l'éviction des mingong(s) a des conséquences catastrophiques sur l'industrie, le commerce (en particulier dans les livraisons) et, à terme, sur la démographie (par le vieillissement de la population).

A lire et à voir aussi Sky Views: Has the 'China Dream' been shattered?

Le Monde a enfin publié un article A Pékin, « il y a une volonté de faire place nette » mais il n'est que très partiellement en accès libre.

J'apprends à l'instant que l'atelier de Hua Yong a été détruit par les autorités. Cela en dit long sur le rapport du "rêve chinois" à la vérité... Comme le dit l'un de ses défenseurs sur Twitter,
il a été assez courageux et assez élégant pour poster toutes les preuves de ses crimes sur Twitter. Il est pourchassé par la police pour avoir fait ce qu'un authentique journaliste se doit de faire. Le PCC récompense les voyous et la racaille et persécute les héros authentiques.
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Hua Hong a été arrêté

Messagepar laoshi » 16 Déc 2017, 12:01

Hua Yong a été arrêté. Dans sa dernière vidéo, filmée alors que la police était déjà de l’autre côté de sa porte, il souhaite un bon anniversaire à sa fille de trois ans. "Mon bébé, Papa t’aime. Bon anniversaire, Mange bien. Apprends l’anglais avec ta maman et un jour, quand Papa sera libre, il t’emmènera partout dans le monde. Je t’aime. Papa fait cela pour ta génération, pour que tu ne connaisses pas l’oppression comme ton papa et ton grand-père. Le peuple chinois doit se lever, je veux consacrer ma vie à cette cause. Si je vais en prison, advienne que pourra. On n’y peut rien. Je fais tout cela pour mon enfant, pour mon droit à être une personne, mon droit à dire la vérité. Peu importe ce qui m’arrivera. Cela en vaut la peine.

La vidéo pour sa fille s’arrête là. Il reprend le tournage alors qu’il parle à la police à travers la porte. « Et maintenant, tu crois que quelqu’un va venir te sauver ? » lui dit un policier.
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Hua Yong libéré sous caution.

Messagepar laoshi » 18 Déc 2017, 18:44

J'apprends à l'instant que l'artiste Hua Hong a été libéré sous caution mais il reste sous investigation. J'ai grand-peur que la police chinoise ne l'arrête à nouveau plus tard, quand l'émotion soulevée par ces destructions scandaleuses sera retombée.
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Re: "Nuit de cristal à Pékin"

Messagepar laoshi » 31 Mars 2018, 09:55

Les évictions de masse continuent et se répandent dans toute la Chine, lire, à ce sujet, l'article de RFA
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