par laoshi » 17 Jan 2015, 11:20
Avant d'aller plus loin dans l'analyse du film, un résumé de l'intrigue.
Le scénario de Coming Home, 歸來 [guī lái], inspiré des trente dernières pages du livre de Yan Geling, Le criminel Lu Yanshi, est on ne peut plus simple. On est en pleine Révolution Culturelle. Lu Yanshi s’est évadé du laogai. Sa femme, Feng Wanyu, et sa fille, Dandan, sont convoquées par le Parti qui les informe de l’évasion, leur ordonne de refuser de le voir et de le dénoncer au cas où il les contacterait. Devenue suspecte, Dandan se voit privée du rôle de danseuse-étoile dans Le Détachement rouge féminin (le ballet fétiche de l’époque, créé en 1964) au profit d’une danseuse moins talentueuse mais politiquement « pure ». Lorsque Lu Yanshi frappe à sa porte, Feng Wanyu, la mort dans l’âme, reste coite mais Lu Yanshi ne se résigne pas : il griffonne un mot sur un papier arraché aux sentences parallèles collées au mur et le glisse sous la porte. Il y donne rendez-vous à Feng Wanyu le lendemain à la gare. Cette fois, Feng Wanyu n’hésite plus. Elle passe la nuit à cuire des pains à la vapeur - 馒头 [mán tou] -, pour le fugitif. Mais Dandan, ulcérée de l’injustice qui lui est faite, révèle le rendez-vous à l’agent de la police spéciale chargé de surveiller le domicile de sa mère. Lu Yanshi, arrêté manu militari, est renvoyé au laogai tandis que Feng Wanyu, blessée lors de l’interpellation, crie son désespoir...
Trois ans plus tard, au lendemain de la mort de Mao, Lu Yanshi, réhabilité, rentre chez lui. Il découvre alors que Dandan, privée du droit de danser, vit dans le dortoir de l’usine textile dans laquelle elle travaille comme simple ouvrière. Feng Wanyu, qui ne lui pardonne ni d’avoir dénoncé son père ni d’avoir découpé toutes les photos sur lesquelles il figurait, l’a chassée de la maison. Il découvre aussi que Feng Wanyu ne le reconnaît plus : elle le prend pour un certain M. Fang, un cadre du Parti qui a abusé d’elle en son absence. Dès lors, il n’aura de cesse que d’essayer de guérir sa femme, prisonnière de son attente obsessionnelle, et de reconstituer les liens familiaux.
Les années passent. Lu Yanshi, conseillé par un médecin, multiplie en vain les stratagèmes pour réveiller la mémoire de Feng Wanyu : tour à tour, il s’improvise accordeur de piano pour faire entendre à sa femme un air qu’il avait coutume de jouer avant son arrestation, il lui fait livrer une caisse pleine des lettres qu’il lui a écrites clandestinement pendant sa détention et les lui lit sans que s’accomplisse le miracle souhaité. Pour Feng Wanyu, il est devenu « le monsieur qui lit les lettres ». Il parvient pourtant, en mêlant de nouvelles lettres aux anciennes, à convaincre Feng Wanyu de pardonner à sa fille comme il l’a fait lui-même. Il s’improvise enfin conducteur de cyclopousse pour conduire Feng Wanyu à son rendez-vous mensuel avec l’absence, avec sa propre absence : sur la foi d’une lettre reçue du camp des années auparavant, Feng Wanyu s’accroche à l’espoir qu’il lui reviendra « le 5 » du mois…. La scène finale, en écho à la dispersion des « mantou », apporte une touche d’espoir à ce film de la désespérance : c'est le nouvel an, Feng Wanyu apporte des raviolis à Lu Yanshi qui a réussi, sinon à se faire reconnaître, du moins à l’apprivoiser...
laoshi