Le Dernier Loup de Jean-Jacques Annaud

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Le Dernier Loup de Jean-Jacques Annaud

Messagepar laoshi » 24 Fév 2015, 07:20

Le Dernier Loup, de Jean-Jacques Anneau, sort demain dans les salles. Jean-Jaques Anneau était invité sur France Inter hier matin. Vous pouvez l'écouter ici.

Réputé "ennemi de la Chine" après L'Amant, il dit avoir été sollicité par les Chinois eux-mêmes et avoir été laissé entièrement libre pendant le tournage... Le sujet, l'envoi d'un jeune instruit en Mmongolie pendant la Révolution Culturelle, est pourtant doublement sensible... A voir donc !
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Re: Le Dernier Loup de Jean-Jacques Annaud

Messagepar laoshi » 14 Sep 2015, 15:35

Je n'ai pu voir Le Dernier Loup que très tard, au mois de juin... Le film venant d'être sélectionné pour concourir aux Oscars en 2016 sous les couleurs de la Chine, je vous en dis quelques mots maintenant.

Evidemment, c'est une œuvre très spectaculaire et l'on ne peut qu'admirer le travail de Jean-Jacques Annaud, la beauté des paysages, l'audace des prises de vue, la maîtrise parfaite des loups par le dresseur et le courage des acteurs. Le tournage, pratiquement sans effets spéciaux, était une gageure et les techniciens ont dû avoir quelques sueurs froides.

J'ai lu le roman-témoignage de Jiang Rong, Le Totem du loup,
狼图腾 [láng túténg] (rebaptisé Le Dernier Loup pour l'occasion) pendant ces vacances. Les morceaux de bravoure du film sont aussi ceux du roman : la chasse aux gazelles puis aux chevaux, qui meurent prisonniers du marécage gelé, le travail héroïque des Mongols sous une formidable tempête de neige, le face-à-face du jeune instruit désarmé et du loup dans la steppe, la légende des "loups volants", les "funérailles célestes" des vieux bergers rendant leurs corps aux loups qu'ils ont chassés de leur vivant, la rébellion du loup refusant de suivre la charrette à laquelle son maître l'a attaché pour la transhumance...

Souci des ventes oblige : l'intrigue amoureuse, à peine esquissée dans le roman, est longuement développée dans le film au détriment des questions idéologiques qui sous-tendent l'œuvre de Jiang Rong et qui lui doivent la vindicte des ultra-nationalistes chinois : pour les champions de la "race supérieure" que seraient les Han, Le Totem du loup est une insupportable "trahison" : glorifier les "barbares" Mongols, mépriser les agriculteurs sédentaires chinois au nom des valeurs nomades des pasteurs, est inacceptable ; car, ce qui est en jeu, c'est finalement l'esprit de soumission ancestrale dont font preuve les Chinois face à la dictature, qu'elle soit communiste ou impériale, et la liberté indomptable des fils du loup...

D'emblée, les conditions de départ des "jeunes instruits" pour la Mongolie intérieure m'avait fortement indisposée.... Joyeuse ambiance de kermesse ou d'aventure de boys scouts ; rien sur la Révolution culturelle et sur la mise au pas d'une jeunesse qui avait été manipulée au service de la plus grande dictature du XX° siècle. J'ai eu l'impression que Jean-Jacques Annaud abdiquait tout esprit critique pour complaire à ses bailleurs de fonds chinois. La lecture du roman l'a en partie lavé de ce soupçon à mes yeux puisque c'est en effet à sa demande que le jeune héros, Chen Zhen, part pour ces contrées lointaines qui lui permettent d'échapper au camp militaire dans lequel il aurait risqué d'être enrôlé de force.

Mais, au-delà du message politique, c'est l'engagement écologique de l'auteur qui exaspère ceux qui réclament l'interdiction du livre : car les Chinois, ignorant le fragile équilibre de la steppe, sont responsables d'un désastre dont ils sont eux-mêmes les victimes, affirme le romancier. En éradiquant le loup de la steppe, ils ont favorisé le développement anarchique des gazelles et des rats qui disputent l'herbe aux troupeaux mais aussi celui des marmottes et des lapins ; ils poussent, par ailleurs, à l'élevage intensif des bœufs et des chevaux pour répondre à la demande croissante de viande des populations urbaines : les sabots des gazelles et du bétail déterrent les racines des fragiles herbages qui couvrent la steppe, les rongeurs creusent des galeries, tous détruisent le couvert végétal qu'une prudente gestion des populations animales, faisant la part du loup, permettait de préserver depuis des millénaires. La désertification et les tempêtes de sable qui défigurent Pékin sont le résultat de cette politique désastreuse, de cette entreprise de colonisation intérieure menée par des cadres incultes, tout imbus de leur prétendue supériorité, sédentarisant de force les populations dans des villages qui ressemblent plus à des camps de travail qu'à d'authentiques lieux de vie. Sédentarisation absurde, puisque les champs qu'ils cultivent et qu'ils enclosent de fils de fer barbelés se transforment bien vite en déserts de sable.... Et le cauchemar ne s'arrête pas à l'éradication du loup, après lui, ce sont les marmottes qui sont décrétées nuisibles et qui sont exterminées alors que leur graisse est indispensable pour protéger les cuirs des éleveurs et tout est à l'avenant... La chasse n'épargne pas les oiseaux, oies sauvages, cygnes, aigles royaux... Jean-Jacques Annaud, dira-t-on, ne fait pas totalement l'impasse sur cet aspect essentiel du livre, sans doute mais... presque. C'est pour le moins dommage.
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