Red Amnesia et les fantômes du passé

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Red Amnesia et les fantômes du passé

Messagepar laoshi » 25 Mai 2016, 13:18

, [chuǎng rù zhě], tel est le nom chinois de Red Amnesia, « rouge amnésie », de Wang Xiaoshuai.

Les deux titres se complètent admirablement. Le premier caractère du titre chinois,
, représente un cheval lancé au galop, [mǎ], faisant irruption sous une porte, [mén] (n’oublions pas que le chinois se lisait traditionnellement de droite à gauche : le cheval est vu de profil avec sa tête réduite à un trait dans le prolongement du corps, sa queue et ses pattes repliées sous le ventre) ; le deuxième caractère, [rù], signifie « entrer » « à la maison », « à l’intérieur » ; [chuǎng rù], c’est donc « faire irruption à l’intérieur » ; le dernier caractère, [zhě], est un quasi-pronom qui permet de substantiver le verbe qui précède ; le titre tout entier signifie donc, « celui, celle, qui fait irruption à l’intérieur » ou « ce qui fait irruption à l’intérieur » ; on pourrait le traduire par « l’intrus » mais on manquerait alors la dimension dynamique du caractère chinois et l’ambiguïté entre la personne et l’impersonnel, voire l’indifférenciation chinoise entre le masculin et le féminin. Il vaudrait donc mieux, peut-être, traduire par « l’intrusion ».

Significativement, le jeune garçon à la casquette rouge qui s’introduit bel et bien dans l’appartement de Mme Deng apparaît, comme le cheval du caractère
[chuǎng], encadré sous une porte (d'abord sous une porte de lune puis sous une porte dont l'armure métallique reproduit quasiment le caractère [mén]), invisible pour les caméras de surveillance mais bien visible aux yeux de la vieille dame.

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le garçon à la casquette rouge encadré sous une porte de lune

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le garçon à la casquette rouge encadré sous une porte dessinant le caractère

Car ce qui fait brutalement irruption dans la vie de Mme Deng est tout à la fois une personne et un phénomène psychique : ce jeune homme est pour elle le fantôme du vieux Zhao, qui vient de mourir au Guizhou, et le visage de son propre passé. L’image de la vieille dame prenant place à son tour sous la porte est très symbolique à cet égard. Ses vieux amis ont beau lui dire que « le passé, c’est du passé » (过去是过去), selon une formule tautologique que l’on entend très souvent en Chine, ce passé-là ne passe pas.

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La vieille dame encadrée sous la porte de lune

En écho à Zhang Yimou, qui symbolise l’interdit de la mémoire pesant sur la société chinoise à travers l’amnésie de son héroïne, victime de la maladie d’Alzheimer dans Coming Home, Wang Xiaoshuai fait d’un souvenir obsédant le symptôme d’une maladie collective : privée de mémoire historique, la Chine « souffre de réminiscence », comme disait Lacan de l’hystérique. Ce passé qu’elle ne veut pas regarder en face lui revient sans cesse de manière fantomale. Malgré le déni des autorités, qui veulent absolument que Mme Deng soit frappée, justement, de la maladie d’Alzheimer, la vieille dame ne délire pas : 我没做梦, 我跟你们说的都是真的, « je n’ai pas rêvé, tout ce que je vous dis est la pure vérité » ! Sans doute Mme Deng est-elle un peu sourde (elle ne sait plus de quelle oreille, la droite ou la gauche, surdité symbolique, bien entendu) mais elle sait parfaitement que le téléphone (rouge, comme il se doit !) ne cesse de sonner chez elle et qu’aucune voix ne lui répond.

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le téléphone rouge, les photos anciennes et les appels du passé

Ces coups de téléphone anonymes et silencieux se réduisent à « un souffle » (notion essentielle dans la psychologie chinoise) : 有时候能听见人喘气, « à certains moments, on peut entendre quelqu’un haleter », dit la vieille dame, comme si un esprit, une âme, voulait entrer en communication avec elle. Derrière elle, les photos du temps passé donnent corps à sa hantise. Bientôt, elle parlera explicitement de fantôme, [guǐ hún]. Car ce n’est pas parce que les caméras officielles n’ont pas enregistré la présence du garçon à la casquette rouge sous la porte de lune (là encore, on ne peut s’empêcher de penser qu’il s’agit d’une cécité très symbolique) qu’il n’existe pas !
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Red Amnesia et la hantise du Guizhou

Messagepar laoshi » 26 Mai 2016, 08:34

Mme Deng, qui ne craint rien tant qu'un court-circuit, prend d'infinies précautions avant de mettre les pieds dans l'eau de son pédiluve de massage, elle prend bien soin de débrancher son téléphone avant d'allumer la télévision comme si elle voulait, symboliquement, cloisonner le temps, éviter l'irruption du passé dans le présent comme elle a circonscrit l'espace des souvenirs photographiques soigneusement enfermés dans leur cadre.

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les photos du passé enfermées dans leur cadre

Elle a pourtant l’habitude de vivre avec les fantômes, celui de son mari, d’abord, auquel elle raconte ses journées et qu’elle invite à table, au grand étonnement de son petit-fils : en digne enfant d’une Chine matérialiste, celui-ci veut croire que les morts sont morts une fois pour toutes. Mais les âmes mortes ne cessent de revenir dans le présent. Mme Deng a beau s’étourdir dans une suractivité de tous les instants, faire la cuisine pour son jeune fils homosexuel (et pas n’importe quelle cuisine, des « têtes de lion » qui demandent une énorme préparation), faire les courses pour son fils aîné, aller chercher son petit-fils à l’école, s’occuper de sa vieille mère à la maison de retraite, elle reste hantée par la culpabilité comme en témoigne la première image du film, le paysage de friche industrielle qu'elle parcourt inlassablement dans ses rêves :

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la friche industrielle du Guizhou

Déplacée au Guizhou, sur le « Troisième Front » - en chinois 线建设 [sānxiàn jiànshè] -, avec des millions de ses semblables, soit avec ses parents vers 1964 soit en tant que "jeune instruite" en 1967, Mme Deng a traversé la Révolution Culturelle en enragée du maoïsme. Avec son mari et ses voisins, les Zhao, elle a été l'une des tortionnaires les plus redoutables du village ; elle a donc, littéralement, du sang sur les mains mais, après la chute de la Bande des Quatre, quand il s’est agi de postuler pour le retour à Pékin, elle n’a pas hésité à dénoncer ses comparses pour leur souffler la place à laquelle eux aussi pouvaient prétendre. Bien qu’ils aient eu « un meilleur passé politique » qu’elle, les Zhao sont donc restés à croupir dans cette lointaine province montagneuse où Mao avait décidé de délocaliser l’industrie de pointe après sa rupture avec Moscou.

Considérant Pékin et les villes côtières industrielles comme trop vulnérables en cas de guerre, Mao avait en effet réédité à grande échelle la stratégie mise en place par le Guomindang pendant la guerre sino-japonaise : abriter l’industrie lourde et les usines d’armement au cœur de la Chine profonde : le Shaanxi, le Gansu, le Ningxia, Qinghai au nord-ouest, le Sichuan, Chongqing, le Yunnan et Guizhou au sud-ouest. En quelques mois, des cités ouvrières étaient donc nées au beau milieu de nulle part, des dizaines de millions de travailleurs, d’ingénieurs, de cadres, d’intellectuels, de soldats, avaient été « déportés » dans ces régions inhospitalières qui ont aussi servi à l’accueil des « jeunes instruits » quand Mao a voulu se débarrasser des « gardes rouges » et des « rebelles » qu’il avait instrumentalisés pour reprendre le pouvoir. Mais les infrastructures routières étant défaillantes, les productions étant subdivisées entre trois ou quatre unités de production très éloignées les unes des autres (selon le principe du
散、 [kàoshān, fēnsàn, yǐnbì] « adossées à la montagne, dispersées, cachées »), la stratégie du Troisième Front, qui donnait à l’industrie lourde la priorité sur l’agriculture et sur les produits de première nécessité, s’est révélée, comme celle du Grand Bond en avant, catastrophique à bien des égards. La plupart de ces usines, vouées à la clandestinité, ont été ruinées par la politique de l’Ouverture tandis que les villes d’origine de ces exilés de l’intérieur, submergées par la croissance démographique, ne pouvaient accueillir qu’au compte-goutte les candidats au retour (en l’occurrence, il n’y avait qu’une seule place à Pékin).

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la balançoire dans la friche industrielle du Guizhou

Enceinte de son deuxième enfant, soucieuse de lui procurer le hukou (le certificat de résidence) qui lui ouvrirait les portes de la réussite, Mme Deng a donc tout fait pour accoucher à Pékin et c’est au prix d’une trahison doublée d’une ignominie qu’elle a obtenu « le grand appartement » qui fait rêver le jeune homme à la casquette rouge. Lui, le déshérité, est né au Guizhou. Rentré à Pékin en « mingong », en travailleur migrant privé de tous les droits, il garde dans la peau, avec le paysage de montagne tatoué sur le dos, les stigmates de l’injustice dont sa famille a été victime. Par ce tatouage, il s’apparente aux grandes figures des bandits redresseurs de torts de la littérature classique chinoise qui, elle aussi, fait retour dans le film.

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Une image emblématique de la littérature chinoise : le redesseur de torts

Venu à Pékin en justicier pour « tuer toute la famille » de Mme Deng, le jeune homme à la casquette rouge vit en hors-la-loi. Il s’est installé dans un appartement vacant dont il n’hésite pas à tuer le propriétaire, revenu inopinément à son domicile. Il garde pourtant au fond de lui la marque de l’éducation traditionnelle qu’il a reçue, malgré la tragique parenthèse de la Révolution culturelle : appelant respectueusement la vieille dame [nǎinai] (« grand-mère paternelle »), l’aidant à monter son caddy dans le bus et portant pour elle le lourd pédiluve électrique qu’elle veut faire réparer, il se conduit comme un parfait petit-fils. Sans doute compare-t-il, involontairement, sa propre grand-mère, enlaidie par les épreuves, sale, dépeignée, négligée, à cette femme au visage lisse apparemment si distinguée… L'image de Mme Deng, faisant irruption chez la vieille Zhao encadrée sous sa porte, est cruelle :

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la grand-mère Zhao, encadrée sous sa porte

Entre le garçon à la casquette rouge et Mme Deng se noue une curieuse relation d’amour-haine. Sans qu'il ait eu besoin de le lui dire, elle sait qu'il vient du Guizhou et c'est ainsi qu'elle le présente à son mari (présent-absent) quand elle l'invite à sa table pour manger les « têtes de lion » qu'elle cuisine ordinairement pour son deuxième fils :

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是从贵州来的 [shì cóng Guìzhōu lái de] « C'est du Guizhou qu'il vient »

Lové à ses côtés comme un petit enfant, dans la position du fœtus, il semble compenser dans les rêves de la veille dame un besoin d’affection que ne lui donnent ni ses deux fils - l’un, accaparé par ses affaires, l’autre, homosexuel, auquel elle n’a jamais pardonné la faute qu’elle a commise « pour lui » -, ni son petit-fils, trop occupé par ses jeux vidéos…. Mais le garçon à la casquette rouge lui apparaît aussi prêt à l’assommer avec son pédiluve ou à la tuer avec le hachoir qui sert à préparer la farce des têtes de lion ou à trancher les pastèques. Il quitte pourtant Pékin sans avoir fait autre chose que de déchirer les photos de son « exil » au Guizhou et celles de sa famille… comme si la vengeance n’avait plus de sens après que la vieille dame a reconnu ses erreurs : « Si tu ne dis rien, c’est que tu es le fantôme du vieux Zhao », finit-elle par dire à l’importun qui reste muet au téléphone, « tout cela est de ma faute. »

à suivre...
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Une fenêtre ouverte sur l'oubli

Messagepar laoshi » 30 Mai 2016, 17:51

Déterminée à "payer sa dette", Mme Deng retourne au Guizhou et subit sans protester les reproches de ceux qu’elle a abandonnés à leur sort.

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les oubliés du Troisième Front

Car les anciens du Troisième Front ont tout perdu. Exilés de l’intérieur, ils ont perdu leurs racines sans pouvoir faire souche ; "jeunes instruits" privés d’études supérieures par la Révolution cultuelle, condamnés au travail manuel, ils sont aussi devenus les parias d’une société dans laquelle les ouvriers, encensés du temps de Mao, sont méprisés (comme le dit joliment le dialogue,
吃香 [zhǎo jiù bù chī xiāng] "cela fait bien longtemps qu'ils ne mangent plus de l'encens". Ils vivotent dans cette friche industrielle, à l’écart de tout ce qui fait la Chine moderne, celle des villes prospères et des hommes d’affaires plus ou moins véreux, comme le fils aîné de Mme Deng, celles des nouveau-venus de l’industrie du loisir et du bien-être comme son fils cadet, qui tient un salon de massage avec, peut-être, tout ce que cela implique en matière de "prestations sexuelles"….

C’est toute l’amertume de ces laissés-pour-compte de l’Ouverture, privés de porte-parole, qui s’exprime à travers le dialogue (je le traduis à partir du film qu’on peut voir intégralement en chinois sur youtube) :


dialogue :

Le vieux Huang : - Depuis ton départ pour Pékin, je t’ai écrit plusieurs lettres, tu habites dans la capitale, j’aurais aimé que tu parles un peu de notre situation à nous qui sommes restés au fin fond de la province, mais tu n’as rien dit !
- sa femmme : Vieux Huang ! qu’est-ce que tu racontes ? Qu’aurait-elle pu dire ?
- Bon, alors, je me tais
- Un autre : « au fond, maintenant, tu viens nous dire que tu n’en as rien à faire, nous avions espéré qu’après ton départ tu arriverais à dire quelques mots pour l’équité ! Aya ! n’en parlons plus ! je l’ai dit à mon fils : quand je serai mort, je ne veux pas qu’on m’enterre à Shanghai et je ne veux pas non plus qu’on m’enterre ici, je ne veux être enterré nulle part.


Wang Xiaoshuai évoque ainsi discrètement la Chine des pétitionnaires, des "fangmin", de ces protestataires qui croient pouvoir réclamer la justice au Bureau central des Lettres et visites de Pékin en vertu d’une coutume impériale et de la constitution même de la Chine communiste quand ils sont victimes d’un préjudice à l’échelon local. L’errance de Mme Deng, cherchant "réparation" pour son pédiluve électrique, évincée par le magasin, renvoyée à l’usine de fabrication et découvrant que l’usine a été effacée du paysage par les bulldozers, symbolise la détermination de ces fangmin qui s’épuisent à faire valoir leurs droits et qui sont éconduits par les juridictions successives auxquelles ils s’adressent s’ils ne disparaissant pas purement et simplement dans les "prisons noires", les prisons du pouvoir.

Les deux faces de l’oppression se lisent en effet à travers le destin de Mme Deng. Hantée par son passé, elle est en quelque sorte son propre fantôme. Victime du maoïsme, elle se fait complice du bourreau. Dénonciatrice, elle l’a été, elle l’est et elle le restera. Portant le brassard rouge des auxiliaires de police comme elle portait celui des gardes rouges, elle participe au réseau répressif qui introduit l’œil du Parti au cœur de tous les quartiers de Pékin et jusque dans la vie intime des familles.

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Mme Deng portant le brassard des auxiliaires de police

C’est d’ailleurs avec un sens typiquement communiste de son bon droit qu’elle "fait irruption" dans la vie de son jeune fils. Sous prétexte de lui apporter des "têtes de lion", elle s’impose dans le ménage qu’il forme avec un "camarade" (sobriquet des homosexuels en chinois) : "Je suis ta mère, je viens chez toi quand je veux et si je veux" ; le Parti n’est-il pas censé être "la mère" de tous les Chinois et avoir le droit, à ce titre, de s’immiscer dans leur vie privée, voire dans leurs pensées les plus secrètes ?

Lorsqu’elle comprend que le jeune homme à la casquette rouge est le petit-fils de Mme Zhao, sa comparse en atrocités, le premier réflexe de Mme Deng est celui de la délation : elle fait le 110, le numéro de la police. Interrompue dans son projet par "l’intrusion" de la vieille amie chez qui elle loge, elle se ravise mais il est trop tard. Le garçon est recherché.

Dans une ultime tentative de rachat, la vieille dame court à perdre haleine dans les ruelles désertes de la cité abandonnée ; elle se prosterne devant sa rivale, Mme Zhao, supplie l’adolescent de s’enfuir tandis que la police investit l’immeuble branlant. La course poursuite dans les étages se termine sur l’image terrifiante de la chute du jeune homme par la fenêtre.

Ce dénouement atroce a valeur de pictogramme : pendant exact de l’irruption sous la porte figurée par le caractère
[chuǎng], qui donne son titre au film, il semble accomplir le désir secret de la vieille dame indigne : rejeter dans l’oubli les fantômes du passé qui ont fait irruption dans son présent.

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Entré par la porte, 闯 [chuǎng], le jeune homme tombe par la fenêtre 窗 [chuāng], un pictogramme

Que le cinéaste ait choisi cette image alors que le mot "fenêtre"
, [chuāng], en chinois, est un paronyme du mot [chuǎng], dont il ne diffère que par le ton, n’est sans doute pas un hasard et c’est le cadre vide de la fenêtre qui s’inscrit sur l’écran, comme une épure du vide !

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une épure du vide

Libre au spectateur de méditer sur cette béance et sur la "rouge amnésie" de la Chine communiste qui chante avec nostalgie les "chants rouges" et dévore ses enfants, génération après génération :

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les chants rouges

le jeune homme à la casquette rouge – une casquette de joueur de base-ball - n’est-il pas, par-delà le délinquant que recherche la police, l’incarnation symbolique de la jeunesse éprise de culture occidentale et de liberté, assassinée, il y a 27 ans, place Tian’Anmen ?

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le fantôme du jeune homme à la casquette rouge et les "âmes errantes" de Tian'Anmen

Son fantôme apparaît dans un ultime face-à-face avec la vieille dame indigne au moment même de sa chute….
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les chants de Red Amnesia ?

Messagepar laoshi » 02 Juin 2016, 12:59

L'errance de Mme Deng à travers Pékin d'abord, à travers la friche industrielle du Guizhou ensuite, est ponctuée de chants dont le rôle symbolique me semble fondamental. Malheureusement, ils ne sont pas traduits dans la version sous-titrée... Je les ai transcris et je les traduits à partir de la version chinoise qu'on peut voir en ligne.

Entendant les échos d'une chorale alors qu'elle court les rues de Pékin, Mme Deng s'encadre dans le cadre de la porte (motif récurrent du film) pour écouter un chant qui célèbre la puissance de la Chine et qui me semble contemporain. Mais... je vais essayer de vérifier.

我们迎着初升的太阳 Nous allons à la rencontre du soleil levant
走在崭新的道路上 nous marchons sur le chemin de la nouveauté
我们是优秀的中华儿女 nous sommes l’élite des fils et des filles de la Chine
谱写时代的新篇章,nous écrivons le poème des temps nouveaux (littéralement, le nouveau poème de notre époque)
我们迎着风雨走向前方,nous allons au-devant de la tempête, nous montons au front
万众一心挽起臂膀,d’un même élan nous relevons nos manches (littéralement, nous levons les bras)
我们要把亲爱的祖国 nous voulons que notre mère patrie tendrement aimée
变得更加美丽富强”。devienne encore plus belle, plus riche et plus puissante
前进 前进 向前进 En avant, en avant, nous allons de l’avant
挺起胸膛,何惧风浪, nous restons fermes dans les vagues et dans le vent
前进,前进,向前进, en avant, en avant, nous allons de l’avant
肩负民族的希望, les espoirs de notre nation reposent sur nos épaules
我们迎着灿烂的阳光, Nous allons à la rencontre du soleil levant
飞向太空驰骋海洋, nous nous envolons dans l’espace, nous sillonnons les mers et les océans
我们是英雄的中华儿 Nous sommes les héros de la Chine

De retour dans le Guizhou, elle retrouve les chants du passé et la nostalgie de sa jeunesse :

一条小路弯弯细又长 un petit sentier qui serpente longuement
一直通向迷雾的远方 d’une traite se dirige vers une lointaine contrée perdue dans le brouillard
我要沿着这条细长的小路 je dois (veux ?) parcourir ce petit sentier long et étroit
跟着我的爱人上战场 pour rejoindre mon aimé sur le champ de bataille
我要沿着这条细长的小路 je dois (veux ?) parcourir ce petit sentier long et étroit
跟着我的爱人上战场 pour rejoindre mon aimé sur le champ de bataille
纷纷雪花掩盖了他的足迹, les flocons de neige, abondants, ont recouvert ses pas
没有脚步也听不到歌声, je ne vois plus ses traces et je n’entends plus son chant
在那一片宽广银色的原野上 dans cette vaste campagne couleur d’argent
只有一条小路孤零零 il y a seulement ce petit sentier désolé
在那一片宽广银色的原野上 dans cette vaste campagne couleur d’argent
只有一条小路孤零零 il y a seulement ce petit sentier désolé
在这大雪纷纷飞舞的早晨 en ce matin de neige abondante, de flocons voltigeant pêle-mêle

Et c'est une troisième romance qui semble donner la clef des relations qu'elle a eues avec le vieux Zhao. Curieusement, en effet, Mme Deng, venue se recueillir sur la tombe du disparu, s'adresse à celui-ci avec le terme 老头子 , [lao touzi] qui signifie "vieux mari" ou "chef des canailles" ... Une trahison amoureuse redoublerait-elle la trahison politique ? C'est ce qu'on peut se demander en écoutant la chanson (les points d'interrogation correspondent à mes doutes sur la traduction) :

歌声轻轻荡漾在黄昏水面上 au crépuscule, les chants ondoient doucement à la surface de l’eau
暮色中的工厂己发出闪光 à la nuit tombée, des flammèches étincelantes sortent des ateliers
列车飞快地奔驰 les trains sont lancés à toute vitesse
车窗的灯火辉煌 Les lumières brillent aux fenêtres des wagons
山楂树下两 青年在 sous l’églantier, se tiennent deux jeunes gens
把我盼望 ??? me donnent de l'espoir ??
啊茂密的山楂树呀 ah ! l’aubépine luxuriante
百花满树开放 les fleurs blanches dont l’arbre est couvert s'ouvrent
啊可爱的山楂树 ah ! l'aubépine que j’aime
为何要悲伤 ?pourquoi faut-il que je sois triste ?
当那嘹亮的汽笛声刚刚停息 quand le son strident de la sirène s'est tu
我就沿着小路向树下走去。J’ai parcouru le petit sentier pour aller me promener sous les arbres
轻风吹拂不停,un vent léger ne cessait de les agiter
在茂密的山楂树下,sous l’églantier touffu
风吹乱了青年旋工和铁匠的头发。le vent soufflait, ébouriffant les cheveux de la jeune fileuse et du forgeron
啊茂密的山楂树呀 ah ! l’aubépine luxuriante
百花满树开放 les fleurs blanches dont l’arbre est couvert s'ouvrent
啊可爱的山楂树 ah ! l'aubépine que j’aime
为何要悲伤 ?pourquoi faut-il que je sois triste ?

Wang Xiaoshuai restitue par-là même à son héroïne, formidablement interprétée, l'individualité qui lui a été déniée par toute son histoire...
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