Voici la présentation du film par Télérama. On peut le voir en ligne, en chinois ici ; il est sous-titré en mandarin. Le film est également disponible en DVD en version originale sous-titrée, à un prix très abordable.
Résumé : Dans la Chine des années 1920, le vieux Yang Jin-Shan, propriétaire d'une teinturerie, vient d'acheter une jeune épouse dont il exige qu'elle lui donne un garçon : sans héritier mâle, comment pourrait-il accéder lui-même, dans la mort, au statut d'ancêtre ? Il n'a, pour l'heure, qu'un neveu d'une quarantaine d'années, Tianqing (qui est peut-être d'ailleurs son fils adultérin), dont il a fait son fils adoptif pour respecter les usages du clan, et qu'il traite quasiment en esclave.
Lorsque Tianqing, de retour d'une tournée de livraison, découvre la jeune femme, il comprend que celle-ci est en danger car Yang Jin-Shan, quasiment impuissant, cherche dans les raffinements sadiques de la sexualité la jouissance que lui interdit son infirmité : son épouse précédente, elle aussi achetée, est morte sous les coups. D'emblée, entre ces deux personnages qu'unit une communauté de destin, se noue un amour indéfectible. Mais Jú Dòu, dont le prénom évoque non seulement le soja mais aussi un vase sacrificiel contenant les offrandes de viande, n'a pas une mentalité de victime ! Elle a un furieux désir de vivre, d'aimer et de rire. Rire libérateur et éminemment symbolique dans la Chine de 1990 comme dans la Chine ancestrale : on ne rit pas au Parti, on ne rit pas dans la Chine qui vient de massacrer les étudiants de la place Tian'Anmen, on ne rit pas sous la loi du clan !
A la faveur d'un voyage du vieillard, Jú Dòu devient la maîtresse de Tianqing qu'elle arrache à la résignation ancestrale des fils soumis à un père castrateur. De cette union naît bientôt un fils que le vieillard prend pour le sien. Mais cet aveuglement ne durera pas : paralysé à la suite d'une chute dans un ravin, Yang Jin-Shan est condamné à voir ce qu'il ne voulait pas voir, sa propre impuissance et le bonheur insolent de ceux qu'il humiliait. Enfermé dans un tonneau à roulettes, comme un petit enfant, il assiste, impuissant, à leurs ébats amoureux.
Mais on ne bafoue pas impunément la loi ancestrale et les rouages qui tournent inlassablement dans l'atelier, écrasant les tissus de leurs lourds marteaux, sont aussi ceux qui broient les individus pris dans un engrenage terrifiant. Le fils de Jú Dòu, dont le vieillard a pris symboliquement la place, prend la place de celui-ci pour punir les amants. Curieusement, cet enfant, né des amours joyeuses de Jú Dòu et de Tianqi, semble en effet avoir hérité du caractère ombrageux de Yang Jin-Shan, son père social : en retard pour sourire, en retard pour parler, Tian Bai est quasiment mutique. Or la violence, véritable retour du refoulé, commence là où bute la parole : dans l'inconscience de l'enfance, il tuera d'abord, par accident, le vieillard ; puis adolescent, habillé d'un costume qui évoque irrésistiblement celui des gardes rouges, il tuera aussi Tianqing, coupable à ses yeux de lui avoir ravi sa mère et d'avoir enfreint la loi du père.