L'un des derniers feuilletons de CCTV, L'Etoile du bonheur sonne à notre porte témoigne du rôle de propagande que le régime fait jouer aux séries télévisées en Chine.
Il y est question d'une chanteuse d'opéra qui retourne en mission dans son village sur ordre du maire d'une ville appartenant à un échelon adminsitratif supérieur ; ce village est classé comme "village civilisé de petite aisance" et semble devoir servir de modèle aux autres villages du coin.
Le mot employé pour désigner cette bourgade est 村 [cūn]. Le chef du village explique que la population a un niveau de revenu satisfaisant mais que cela n'empêche pas certains comportements asociaux ; le premier épisode en montre un exemple : un marginal vole une tortue à une de ses voisines pour la manger ; la chanteuse doit apparemment résoudre les différends entre les habitants et semble investie d'une autorité légitime pour le faire. Dès le deuxième épisode, elle arbitre ainsi une bagarre entre le marginal et le richard du coin, un entrepreneur qui se croit tout permis.
Je ne sais si ce genre de mission est réellement confié à des citoyens ordinaires "détachés" de leur travail habituel. Il s'agit ici de construire par l'émulation « une civilisation spirituelle et une société harmonieuse » dans le village des Tian (Tian Cun), où la jeune actrice d'opéra note qu'elle appelle tous les paysans « oncle » ou « tante ». La mission lui est donc confiée parce qu'elle est proche de ceux qu'elle va littéralement convertir à "l'harmonie" sociale, mot-clef de la Chine actuelle.
Pour ce faire, l'héroïne décide de distribuer des étoiles aux villageois ; une étoile pour la bonne entente entre mari et femme, une pour la bonne entente entre mère et bru, une pour la piété filiale, une pour le fait d'être un « villageois civilisé » ; le modèle est celui des « fleurs rouges de la crèche » !
Tous les villageois votent, à bulletins secrets : certains villageois obtiennent d'emblée les 10 étoiles que l'on vient solennellement accrocher à leur porte, chef du village en tête !
Au-dessous de trois étoiles, les familles ne sont pas nommées au palmarès. Ceux qui n'ont rien sont humiliés. Il suffit de dire des « gros mots » pour ne pas être honoré. Cela déclenche évidemment rancoeurs et rancunes. Mais la jolie cadre a une solution : dépêcher des membres du Parti chez les malheureux qui ont échoué à décrocher des étoiles pour les « aider à se rééduquer » et à gagner ainsi les récompenses tant convoitées. Etonnant, non ?
Ce feuilleton édifiant me semble très révélateur d'un volontarisme politique allant de pair avec la conversion du PCC à l'économie de marché capitaliste ; il a été diffusé en Chine en 2007 ; on peut le voir en français ou en chinois sur le web.