Nankin : la mémoire et l'oubli

Nankin : la mémoire et l'oubli

Messagepar laoshi » 13 Déc 2011, 07:43

13 décembre : la Chine commémore les massacres de Nankin qui ont commencé le 13 décembre 1937 et qui devait durer six semaines.

Le film de Florian Gallenberger, John Rabe, le juste de Nankin, a fait resurgir cette page oubliée de nos manuels d'histoire ; 300 000 victimes, les unes tombées dans des fusillades massives, d’autres enterrées vivantes par milliers, d’autres encore violées (20 000 au bas mot), sans compter les pillages des maisons particulières, des monastères et des bibliothèques…

Alors que l'histoire de la deuxième guerre mondiale est au programme d'histoire des classes de lycée j’ai constaté que, dans l'esprit de mes élèves, le Japon n'avait jamais rien été d'autre qu'une victime de l'arme atomique. Le savoir est le seul moyen que nous ayons pour combattre l’oubli, je regrette d’autant plus les silences de l’histoire scolaire sur cette question qu’un révisionnisme quasi-officiel sévit au Japon. Il me semble presque aussi inquiétant que celui le poison négationniste concernant les chambres-à-gaz.

Outre John Rabe, le juste de Nankin, vous pouvez voir, également en DVD, City of life and death, j’ai vu le premier au cinéma (je vous le recommande), je vais regarder le second en DVD ce soir…. Je vous en dirai plus demain si possible.
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Re: Nankin : la mémoire et l'oubli

Messagepar laoshi » 13 Déc 2011, 22:31

Je viens de regarder City of life and death ; difficile d'écrire après le choc ; je vous renvoie au site de Télérama, qui propose des analyses et des commentaires intéressants
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Re: Nankin : la mémoire et l'oubli

Messagepar mandarine » 14 Déc 2011, 09:56

faute de vidéo pour l'instant ,
je voulais néanmoins faire connaitre nos réactions à mon mari et moi suite à la visite du mémorial du massacre de Nanjing
nous n'avons pas pu terminer la visite du musée , comme d'autres d'ailleurs ,
tant les photos et exposition d'objets et récits nous ont rendus malades ,
c'est Oradour sur Glane puissance 10 !
nous ne sommes pas prêts d'oublier et ceux qui s'y rendent non plus !
Les autorités de votre pays,qui elles aussi pensent forcément à leurs intérêts,ne manqueront pas de comprendre combien le type de célébrité que leur vaut la persécution de personnes telles que vous les dessert Vaclav Havel à Liu Xiaobo
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Une symbolique chrétienne ?

Messagepar laoshi » 14 Déc 2011, 13:23

J'imagine, en effet, que cela est insoutenable, Mandarine. En attendant votre vidéo, voici les permières réflexions que m'a inspirées City of life and death :

La première image du film, un visage nimbé de la lumière du soleil levant, m’a profondément intriguée. L’homme, un Japonais, est couché par terre ; il porte un casque qui, filmé en contreplongée - vu par en dessous donc -, semble une couronne d’épines d’acier posée sur sa tête. Le plan est long, très long, la lumière fait comme une auréole. Image christique ? Je ne comprenais pas… Quand enfin le soldat se lève pour rejoindre ses camarades en marche vers Nankin, on comprend que ce qui semblait des épines acérées à la lumière du grand soleil n’est en réalité que le filet protecteur qui entoure le casque d’une résille d’acier…

Pourtant, cette symbolique chrétienne – totalement inattendue chez un réalisateur chinois -, m’a semblé parcourir, de manière souterraine, tout le film. Le visage du soldat japonais, Kadokawa, dont le spectateur épouse le regard tout au long des massacres, apparaît constamment auréolé de la lumière intérieure dont il est porteur dans cet univers de ténèbres, filmé en noir et blanc.

Le noir et blanc, qui aurait pu être mis au service d’un manichéisme facile (les bons Chinois aux uniformes blanc-sale et les mauvais Japonais aux uniformes plus sombres) est donc d’emblée utilisé à contre-emploi. Lu Chuan dit l’avoir choisi pour éviter de montrer le sang de manière trop complaisante, trop ostentatoire (mais, même ainsi, les images de massacres sont insupportables) : « En noir et blanc, le sang est noir, ce qui confère à l’imagerie un caractère solennel et permet de réduire les stimuli sensoriels infligés au public. » Ainsi, au lieu de donner au film - qui évite les images trop directes de victimes démembrées, éventrées, mutilées -, la couleur des archives d’époque, le noir et blanc l’inscrit dans une dimension spirituelle qui transcende la réalité historique.

Significativement, la section d’assaut à laquelle appartient Kadokawa pénètre d’abord dans la cathédrale de Nankin où se sont réfugiés civils et militaires chinois en détresse. Lorsque tous lèvent les mains devant les fusils de leurs bourreaux, on a le sentiment d’un geste de prière, d’oblation et de dévotion plus encore que d’un geste de reddition. Et c’est dans ce lieu sacré que commencent les crimes de guerre : voyant remuer la porte d’un confessionnal de manière suspecte, Kadokawa, qui se croit menacé, tire une rafale de mitraillette et la porte cède sous le poids des enfants cachés là qui viennent de s’écrouler sous les balles : « je n’ai pas voulu cela », dit le jeune soldat qui va devenir l’emblème de la mauvaise conscience japonaise.

Tandis que la plupart de ses camarades violent, pillent et massacrent sans état d’âme, lui ne peut se départir de l’humanité qu’il partage avec tous les autres, qu’ils soient Chinois ou Japonais, hommes ou femmes, honorés ou réprouvés. Devant la prostituée japonaise du bordel qui le dépucèle, Kadokawa, comme le Christ devant Marie-Madeleine, voit en elle une figure du sacré à laquelle nul ne saurait « jeter la pierre » plutôt qu’une âme irrémédiablement déchue. A la grande surprise de la maquerelle, il lui donnera même une sépulture à la fin du film. C’est aussi dans la cathédrale que se réuniront les réfugiés de la « zone de sécurité » contrôlée par John Rabe pour sélectionner les cent femmes « volontaires » qui partiront comme « femmes de réconfort » dans les bordels de l’armée japonaise, comme si Lu Chuan voulait souligner le lien entre le déni d’humanité qui se déchaîne dans la violence des massacres et la question du refoulement sexuel.

Lu Chuan, qui avoue lui-même avoir toujours été habité par la question du « salut » et avoir voulu donner à ses images, avec le noir et blanc, un impact « presque religieux », dit s’être inspiré du « journal intime d’un soldat japonais » en sa possession. Celui-ci était-il chrétien ? C’est possible. Lors d’une incursion dans la zone de sécurité, Kadokawa aperçoit un chapelet sur un guéridon ; c’est celui d’une enseignante du pensionnat qu’abrite la zone de sécurité : « moi aussi j’ai été élevé dans une école chrétienne », dit-il en demandant à celle-ci de le lui abandonner. Kadokawa repart avec le chapelet et son rôle dans le film semble bien, tel l’agneau christique de l’eucharistie (présente dans le film à l’occasion de la messe de Noël), de racheter la faute de l’armée japonaise.

La cérémonie de triomphe japonais oppose enfin, de manière éminemment symbolique, la danse rituelle des massacreurs païens à la logique de l’expiation chrétienne. Kadokawa est là qui porte sur ses épaules, avec d’autres, la lourde plateforme du Taiko, le tambour géant frappé en rythme par deux Japonais, devenu, pour le réalisateur, « la métaphore du sacrifice chinois ». Mais c’est au sens le plus profond du terme, au sens religieux du terme, qu’il faut entendre ici, selon moi, le mot « sacrifice ». Tel le Christ des Chemins de croix, Kadokawa, filmé en gros plan avec la traverse de bois sur l’épaule, vacille sous le fardeau. La dernière scène le montrera libérant les deux seuls survivants du massacre originel et se mettant une balle dans la tête, rachetant de sa modeste vie, tel l’agneau du sacrifice, l’iniquité de l’armée de son pays.

J’ai été tellement frappée par cette symbolique chrétienne que j’ai cherché si par hasard le réalisateur n’était pas chrétien – ce qui, en Chine, n’est pas très bien vu -, et si d’autres spectateurs n’avaient pas décrypté eux aussi cette symbolique. Rien de tel dans mes recherches mais je ne crois pas me tromper (et je précise que je ne « prêche » pas « pour ma boutique »).
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Re: Nankin : la mémoire et l'oubli une symbolique chrétienne

Messagepar mandarine » 14 Déc 2011, 14:16

j'entends bien , Laoshi , que vous ne prêchez pas pour votre boutique , mais vous le faites aussi bien que si vous en étiez
la boutiquière et je vous en félicite
je n'ai pas encore vu ce film mais je viens de le vivre au travers de mes souvenirs et de votre récit

je voulais simplement ajouter que les japonais n'ont pas hésité ,à l'époque , à envoyer les femmes de soldats japonais devenues veuves , pour "servir de réconfort " aux soldats japonais eux-mêmes ,
c'est dire le degrés de perversité dans le lequel ce conflit était tombé ! il fallait gagner à tout prix !

peut-être aussi pour inciter les soldats japonais à se" débrouiller"pour ne pas se faire tuer ; ils n'avaient surement pas envie de voir leur veuve
"servir " le pays dans ces conditions ....
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propos négationnistes

Messagepar laoshi » 22 Fév 2012, 18:20

Le négationnisme de certains milieux japonais est abject ; un haut fonctionnaire japonais vient de s'illustrer en niant l'existence des massacres de Nankin, provoquant le mécontentement légitime de la Chine :

Xinhua a écrit:La Chine "fortement mécontente" de la négation du Massacre de Nanjing par un maire japonais

Un responsable du gouvernement chinois a exprimé mercredi son fort mécontentement concernant la négation du Massacre de Nanjing par un maire japonais.

Luo Zhaohui, directeur du département des affaires asiatiques du ministère des Affaires étrangères, s'est ainsi exprimé lors de sa rencontre avec le directeur général des affaires asiatiques et océaniques du ministère japonais des Affaires étrangères, Shinsuke Sugiyama.

Takashi Kawamura, maire de la ville de Nagoya, a affirmé que le Massacre de Nanjing "ne s'était probablement jamais produit", lors de sa rencontre avec une délégation de Nanjing, ville qui a été témoin de massacres, de génocide et de viols à l'encontre de sa population civile après l'invasion japonaise de la ville en 1937.

Les propos irresponsables de ce maire ont déformé les faits historiques et profondément blessé les sentiments de la population chinoise, a critiqué M. Luo.

Le massacre de Nanjing fut une atrocité commise par l'armée japonaise dans le cadre d'une guerre d'agression contre la Chine, a affirmé M. Luo, ajoutant que la communauté internationale était depuis longtemps parvenue à sa propre conclusion sur ce sujet.

M. Luo a exhorté la partie japonaise à reconnaître correctement l'histoire de son agression contre la Chine, à la lumière des principes établis dans les précédents accords entre les deux pays pour sauvegarder la base politique des relations bilatérales.

M. Sugiyama a affirmé que les propos de ce maire étaient son "opinion personnelle" et ne représentaient pas la position du gouvernement japonais.

Le gouvernement japonais n'a pas changé de position sur ces affaires historiques, a souligné M. Sugiyama.

Il a souligné que le Japon était sincèrement conscient de ses torts passés et était déterminé à poursuivre une voie de développement pacifique.

La partie japonaise est prête à travailler avec la Chine pour faire du 40e anniversaire de la normalisation des liens bilatéraux une opportunité de renforcer les échanges et la coopération, de traiter de manière appropriée les sujets concernés et de promouvoir le développement des relations bilatérales sur une voie saine et stable.

Le Massacre de Nanjing est survenu en décembre 1937, alors que les troupes japonaises occupaient la ville qui était à l'époque la capitale chinoise. Plus de 300 000 Chinois ont été tués par les envahisseurs, et de nombreuses femmes ont été violées.
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Re: Nankin : la mémoire et l'oubli

Messagepar mandarine » 22 Fév 2012, 19:32

les japonais n'ont pas autre chose à faire que de nier les atrocités perpétrées à Nanjing ?
c'est comme si le monde entier niait la catastrophe nucléaire qui a suivi le tremblement de terre !
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Re: Nankin : la mémoire et l'oubli

Messagepar laoshi » 22 Fév 2012, 22:18

Fort heureusement tout le personnel politique japonais ne partage pas l'attitude de Takashi Kawamura mais force est de constater que le négationnisme a encore de beaux jours devant lui au Japon !
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Re: Nankin : la mémoire et l'oubli

Messagepar mandarine » 23 Fév 2012, 08:55

négationnisme: la loi en france aurait pu passer ,puisqu'il faut en arriver là pour "bouter" les négationnistes !
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Re: Nankin : la mémoire et l'oubli

Messagepar Yushan » 03 Mars 2012, 07:26

Oui, cette "affaire" sino-japonaise est très mal connue hors de la Chine, j'ai l'impression. Quand on en parle, la réaction de la personne en face est souvent: "Ah bon?", avec une absence de considération car elle croit sans doute que les Chinois inventent cette histoire.

Pour que cette page de l'histoire soit un peu plus transparente, il faudrait tout d'abord que le Japon lui-même le reconnaisse nettement et clairement.

Je ne sais pas quels sont les critères de "choisir le contenu" pour un manuel scolaire de l'histoire.
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