Un attentat place Tian'Anmen ?

la chasse à CNN est ouverte

Messagepar laoshi » 05 Nov 2013, 06:14

Comme d'habitude, les autorités chinoises ont recours au vieux réflexe nationaliste et xénophobe pour souder la population autour d'elles. S'interroger, comme un journaliste de CNN, sur les motivations des auteurs de cet attentat, y voir l'expression d'un désespoir lié à "la politique ethnique et religieuse de la Chine", c'est déjà, selon Pékin, faire preuve "de connivence" avec les terroristes ! Que "toute personne dotée d'une conscience se doive de condamner" ceux qui attentent à la vie d'innocents, c'est une évidence. Que cela interdise de se poser des questions politiques, c'est une autre paire de manches.
Voyant qu'il ne pourrait pas cacher la réalité de l'attentat, le PCC a visiblement décidé, en tout cas, de l'instrumentaliser : une pétition a été mise en ligne pour "chasser du pays les terroristes du Xinjiang et CNN" ; elle comptait déjà quelque 20.000 signataires hier soir.
Il serait intéressant de connaître le vocabulaire employé par les internautes à ce sujet : il est encore très fréquent, dans les messages nationalistes publiés sur le net, de trouver la rhétorique en vigueur pendant la guerre sino-japonaise : le mot
[yáng guǐzi] "diable étranger", "fantôme d'au-delà des mers", est régulièrement employé dans les messages de propagandistes zélés du PCC.

Le Figaro avec L'AFP a écrit:Tiananmen : Pékin furieux contre CNN
Le ministère chinois des Affaires étrangères s'en est pris aujourd'hui aux médias étrangers qui ont laissé entendre que l'incendie d'une voiture lundi dernier place Tiananmen, un attentat des séparatistes ouïghours selon Pékin, pouvait avoir des motivations ethniques ou sociales.

Le véhicule a foncé sur la foule qui se trouvait sur la célèbre place du centre de Pékin et a pris feu, tuant ses trois occupants ainsi que deux touristes, et faisant une quarantaine de blessés.

Les autorités y voient un attentat soigneusement planifié par le Mouvement islamique du Turkestan oriental, un groupe séparatiste ouïghour. Les représentants en exil de cette minorité turcophone du Xinjiang, les groupes de défense des droits de l'homme et certains spécialistes mettent en doute cette version des faits.

Les Ouïghours dénoncent régulièrement les restrictions imposées par les autorités à leur religion, leur langue ou leur culture.
"Certains ont lié cet acte terroriste violent (...) à la politique ethnique et religieuse de la Chine (...). C'est de la connivence avec les terroristes", a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Hong Lei. "Nous exprimons notre forte désapprobation", a-t-il dit. La Chine demande aux médias de prendre une position "objective et juste", a-t-il ajouté, estimant que "toute personne dotée d'une conscience se doit de condamner" cet incident.

Hong Lei ne cite pas directement CNN mais une tribune publiée par la chaîne d'information américaine sur son site internet a particulièrement irrité les autorités et a été dénoncée par plusieurs organes de presse officiels.

L'auteur de cet article se demandait si l'incident n'était pas, plutôt qu'un acte terroriste minutieusement planifié, "un cri de désespoir préparé à la hâte par des gens vivant dans les marges extrêmes de la monstrueuse machine de développement de l'Etat chinois". Dans un communiqué, CNN a précisé que cet article reflétait uniquement la position de son auteur et non celle de la chaîne d'information en continu.

Une pétition mise en ligne en Chine pour "chasser du pays les terroristes du Xinjiang et CNN" avait recueilli quelque 20.000 signatures lundi en fin de journée.
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Re: Un attentat place Tian'Anmen ?

Messagepar laoshi » 06 Nov 2013, 18:33

Un article de fond du Monde permet de distinguer la menace réelle que font peser les organisations terroristes présentes au Xinjiang, en particulier le MITO, "inscrit sur la liste des organisations terroristes des Etats-Unis et de l'ONU", des artifices de la propagande chinoise. Je sélectionne le passage les plus important, à mes yeux de cet article, dont je vous recommande la lecture intégrale par ailleurs :

Le Monde, a écrit:Attentat de Tiananmen : la piste djihadiste "n'arrange pas la cause ouïgoure"

Les autorités chinoises emploient de manière récurrente le terme de "Dongtu" (Turkestan oriental) et en font une entité fictive qui réunirait le MITO et le reste de la scène militante ouïgoure. L'idée, c'est de donner l'impression que l'opposition ouïgoure est unifiée au sein du Dongtu alors que la ligne de démarcation est très claire entre la majorité pro-occidentale et laïque de l'opposition, représentée par le Congrès mondial ouïgour (CMO) [dont la présidente, Rebiya Kadeer, est à Washington, ndlr], et la minorité qui navigue dans les zones tribales du Pakistan et essaie de mettre en place ou de réactiver de nouvelles cellules au Xinjiang.
Pour les islamistes aussi, la logique a changé : du temps du MITO, il y avait un projet d'Etat islamique au Xinjiang. Après la fusion avec le Mouvement islamique d'Ouzbékistan, le projet de grand califat à l'échelle de l'Asie centrale a pris une place de plus en plus importante dans leur discours.
Ce qui pouvait éventuellement lier certains cercles de la diaspora en exil au MITO n'existe plus : les militants du TIP sont des néo-fondamentalistes djihadistes qui pensent de moins en moins l'organisation politique à travers l'échelon national et de plus en plus à travers celui d'un vaste califat. Ils n'ont plus les mêmes objectifs. Et ils n'ont surtout pas de programme sociopolitique en partie compatible avec la modernité occidentale des cercles nationalistes.
Avant 2001, les Chinois mettaient tout sur le dos de la diaspora et évoquaient beaucoup moins le rôle des islamistes. Aujourd'hui, le seul événement récent pour lequel Pékin a incriminé les nationalistes, c'est les troubles d'Urumqi (2009). Le pouvoir les décrit comme un soulèvement ourdi par le Congrès mondial ouïgour alors que, visiblement, il n'en est rien.
La stratégie non violente de Rebiya Kadeer, la présidente du CMO, gêne beaucoup le gouvernement chinois, il lui fallait essayer de montrer qu'elle complote. Or, le CMO n'encourage pas les actes de violence. Les Chinois ne peuvent donc pas attribuer la violence au CMO. Ils ne peuvent communiquer que sur la violence du MITO, qui en plus est lié à Al-Qaida, ennemi attitré d'un Occident dont les nationalistes veulent capter le soutien.
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une réponse à la démolition d'une mosquée ?

Messagepar laoshi » 09 Nov 2013, 07:01

Où l'on voit comment les vexations imposées par l'Etat central chinois aux habitants du Xinjiang poussent des hommes et des femmes a priori pacifiques vers l'activisme djihadiste...

Brice Pedroletti a écrit: Les Ouïgours de la place Tiananmen auraient agi pour venger la démolition d'une mosquée

Le Ouïgour qui s'est immolé par le feu dans une voiture place Tiananmen avec son épouse et sa mère aurait agi en représailles de la démolition d'une partie de la mosquée de son village exactement un an avant l'attentat du 28 octobre 2013. C'est le service en ouïgour de Radio Free Asia (RFA, financé par le Congrès américain) qui a révélé l'information sur son site ce matin.

Originaire du village de Yengi Aymaq, dans le comté d'Akto (ouest du Xinjiang), Usmen Hesen, 33 ans, faisait partie des principaux donateurs pour la construction d'une nouvelle cour de la mosquée Pilal.

Celle-ci aurait été démolie par la force lors d'un raid mené par la police chinoise au prétexte que cette extension de l'espace de prière n'avait pas été autorisé, selon l'ancien chef du village, Hamut Turdi, cité par RFA

PAS DE RÉSISTANCE À LA POLICE

Agé de 55 ans, celui-ci a occupé pendant 22 ans la fonction de chef de village avant d'être démis par les autorités suite à l'incident de la mosquée.

Une centaine de policiers avaient été envoyés sur place en soutien aux ouvriers du chantier, a affirmé M. Turdi, expliquant qu'Usmen Hesen était intervenu lors de l'opération et avait enjoint les habitants à ne pas résister à la police : " Aujourd'hui ils ont gagné et nous avons perdu car ils ont des armes et nous n'avons rien – mais ne vous inquiétez pas, un jour, nous ferons quelque chose ", aurait-il déclaré, selon l'ancien chef du village.

La mère de Usmen Hesen, qui a péri dans l'attaque de la place Tiananmen, serait venue embrasser son fils à la fin du discours.

ENCADREMENT DE LA PRATIQUE RELIGIEUSE

Les pratiques religieuses au Xinjiang sont encadrées par un arsenal de règlements administratifs qui n'ont cessé ces dernières années de se resserrer.

Seuls les imams autorisés par le gouvernement peuvent officier dans les mosquées. En outre, les autorités n'ont cessé de mener des fouilles à domicile et des raids contre des cours coraniques clandestins, ou des éditions du Coran qui n'auraient pas été autorisées.

Ce serrage de vis est extrêmement mal perçu par la population qui le vit comme une intrusion, et nombre d'incidents de ces derniers mois ont éclaté suite à des perquisitions qui ont mal tourné ou des restrictions jugées abusives sur le port du voile ou de la barbe.

LA PISTE DJIHADISTE

Le gouvernement chinois a attribué au Mouvement islamique du Turkestan oriental (MITO) l'attentat du 29 octobre, qui a fait deux morts en plus des trois occupants de la voiture.

Rien ne dit par ailleurs que M. Usmen et sa famille n'aient pas été inspirés dans leur action par les injonctions de groupuscules djihadistes tel que le MITO (connu désormais sous le nom de parti islamique du Turkestan, TIP) : au moins deux touristes français qui ont assisté à l'incident affirment, selon une source qui les a rencontrés, avoir vu sur la voiture une sorte de drapeau noir, frappé d'inscriptions en langue " arabe ", tels ceux qu'arborent les mouvements clandestins islamo-nationalistes.

Les médias chinois ne diffusent jamais d'articles ou de reportages indépendants sur les zones sensibles comme le Tibet et le Xinjiang. Contraints de publier les dépêches de l'agence Chine nouvelle, ils n'ont pas mentionné le possible lien avec la démolition de la mosquée. Cette information a toutes les chances de n'avoir aucun écho en Chine.
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le djihadisme a bon dos...

Messagepar laoshi » 14 Nov 2013, 06:25

Les Ouïghours réfutent les accusations de Pékin : l'impréparation du "commando", le caractère artisanal de l'opération, l'absence de revendications, démentent selon eux l'imputation de l'attentat de Tian'Anmen à une organisation terroriste. Selon eux, les vexations et la corruption des cadres locaux, l'absence de développement réel du Xinjiang, seraient les principales causes de ce dramatique passage à l'acte.

Carole Huang, pour l'AFP, a écrit: Au Xinjiang, les Ouïghours démentent être des jihadistes
Le récent attentat commis place Tiananmen à Pékin a été imputé par les autorités à des "terroristes" islamistes du Xinjiang soutenus depuis l'étranger. Mais sur place, les habitants mettent en cause la répression culturelle, la corruption et les abus policiers, plutôt que l'apparition d'un "jihadisme" en Chine.
A plus de 3.300 km de la Cité interdite, au bord du désert du Taklamakan, Hotan, ville-oasis poussiéreuse du grand Ouest chinois, est quadrillée par des forces armées en tenue de camouflage et des camions de police.
Sur ses deux millions d'habitants, 96% appartiennent à la minorité musulmane turcophone des Ouïghours, principale ethnie de ces confins chinois en Asie centrale.
Officiellement, les trois Ouïghours morts à bord du 4x4 qui a foncé dans la foule avant d'exploser devant la Cité interdite, le 30 octobre, tuant deux touristes, seraient originaires de Hotan, tout comme cinq autre "terroristes" arrêtés peu après.
Et selon un haut responsable chinois, l'opération aurait reçu le soutien d'un groupe islamiste radical, l'Etim, classé par l'ONU depuis 2002 parmi les organisations terroristes affiliées à Al-Qaïda.
Mais les résidents de Hotan rencontrés par l'AFP doutent de cette thèse qui met en avant un "terrorisme" à motifs religieux pour expliquer l'attaque de Pékin --première du genre-- et la série de violences qui ont agité le Xinjiang cette année.
"Les Ouïghours sont en colère, parce que les femmes n'ont pas le droit de porter le voile ou parce que nous devons verser des pots-de-vin aux fonctionnaires locaux pour obtenir quelque chose", a expliqué un médecin d'une trentaine d'années.
Comme les autres habitants interrogés par l'AFP, il a souhaité s'exprimer sous couvert d'anonymat par crainte de représailles.
Les auteurs des violences "ne vont pas à l'étranger" pour se former au terrorisme, assure-t-il. Selon lui, "le véritable problème, c'est qu'ils sont mécontents des responsables politiques de Hotan. Le gouvernement se comporte mal, et c'est à cause de cela que ces idiots réagissent comme ils le font -- provoquant des troubles, se tournant vers la violence".
Pour un autre habitant, le caractère artisanal de l'attaque de Pékin démontre que ses auteurs étaient ni très organisés ni entraînés.
Des analystes et universitaires ont également mis en doute la thèse officielle d'un "groupe islamiste" transnational, soulignant qu'aucune revendication n'a suivi l'attentat.
Et quand le gouvernement vante "le bon développement socio-économique" du Xinjiang, les Ouïghours soulignent la répression dont ils font l'objet, de loin leur première source de mécontentement à leurs yeux.
Ils dénoncent une campagne officielle visant à empêcher les femmes musulmanes de se voiler. "C'est là qu'est le problème. Ils ne respectent pas nos traditions", a commenté un Ouïghour.
"Les gens qu'ils appellent terroristes sont simplement des personnes sans éducation ni culture. Il y des bonnes et des mauvaises personnes partout", dit-il.
A Kashgar, à 500 km de Hotan, 21 personnes sont mortes en avril lors d'affrontements avec la police, provoqués, selon des résidents, par un cadre local qui avait voulu forcer une femme à retirer son voile.
L'agence officielle Chine nouvelle avait qualifié les Ouïghours impliqués de "terroristes" qui "regardent régulièrement des vidéos prônant l'extrémisme religieux" et se réunissent "pour améliorer leurs techniques d'assassinat".
Fin juin, Hotan avait été le théâtre d'une autre violente confrontation entre Ouïghours et forces de l'ordre: des attaques menées par une centaine de "terroristes" à la suite d'"un rassemblement à caractère religieux", selon la presse officielle.
Mais selon des riverains, la foule protestait contre la fermeture provisoire d'une mosquée très fréquentée, certains s'étant armés de pieus pris sur un chantier.
Les communications téléphoniques ont été coupées plusieurs heures et l'Internet plusieurs jours après l'incident.
La police a procédé à des arrestations, dont de simples passants, selon plusieurs témoignages.
"On ne sait pas pourquoi ils ont été détenus, ni même s'ils ont été libérés depuis", a indiqué un jeune homme de 28 ans résidant près de la mosquée -un petit bâtiment de béton aux portails verts cadenassés.
"Les cadres au niveau de la municipalité font absolument ce qu'ils veulent", accuse-t-il.
Les autorités municipales n'étaient pas joignables un commentaire.
Pour le directeur d'une fabrique de tapis, "il ne vaut mieux pas trop poser de questions". Dès qu'il y a un incident impliquant des Ouïghours, dit-il, ceux-ci sont immanquablement qualifiés de terroristes.
Plus loin, une femme de Hotan soupire: "Quand on est Ouïghour, si ont dit deux mots à la police, on se fait battre. C'est un des problèmes."
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Re: Un attentat place Tian'Anmen ?

Messagepar mandarine » 14 Nov 2013, 09:19

Cet éclairage me conforte dans l'idée que le"peuple" est désormais capable de réagir face aux abus et cela ne se limite pas à la Chine...
Les autorités de votre pays,qui elles aussi pensent forcément à leurs intérêts,ne manqueront pas de comprendre combien le type de célébrité que leur vaut la persécution de personnes telles que vous les dessert Vaclav Havel à Liu Xiaobo
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Trois exécutions capitales

Messagepar laoshi » 02 Sep 2014, 07:01

Huit terroristes du Xinjiang, dont les trois des cerveaux de l'attentat de Tian'Anmen ont été exécutés à la fin du mois d'août.
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