Nankin : la mémoire et l'oubli

Re: Nankin : la mémoire et l'oubli

Messagepar laoshi » 04 Mars 2012, 11:58

Pour ce que j'en sais, les manuels japonais sont encore dans le déni concernant les massacres de Nankin.

Par contre, quiconque s'intéresse un peu à la Chine, en France, connaît leur existence même si l'enseignement de l'histoire est de plus en plus négligé dans les programmes scolaires et s'il faut un minimum de culture générale pour connaître cette tragédie. De grands films comme John Rabe, le juste de Nankin contribuent puissamment à cette prise de conscience.

Les journaux et les médias (radio, TV) parlent régulièrement du négationnisme japonais ; encore faut-il s'intéresser à l'information pour y prêter attention ! quand on sait que la majorité des Français ne retiennent du bulletin d'information que la météo du lendemain, il y a de quoi s'inquiéter....

J'ai toujours expliqué à mes élèves, quant à moi, que le monde était devenu un village et qu'il fallait désormais privilégier l'information internationale si l'on voulait comprendre quoi que ce soit à notre temps.

La conscience historique est essentielle à la construction d'une authentique citoyenneté, ceux qui nous gouvernent préfèrent bien souvent des peuples amnésiques, comme le montre superbement Chan Koonchung dans Les Années fasteset, quand ils ne peuvent pas tout à fait couvrir le passé du voile de l'oubli, ils savent à merveille le transformer en conte de fées (et je ne parle pas seulement pour la Chine, notre monarque républicain est un spécialiste en la matière !).
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Re: Nankin : la mémoire et l'oubli

Messagepar mandarine » 04 Mars 2012, 18:01

quelques photos du site de commémoration du massacre de Nankin

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je ne sais pourquoi une croix...

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le mur sur lequel est inscrit en toutes langues le nombre de victimes lors du massacre

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le mur du site de commémoration
Les autorités de votre pays,qui elles aussi pensent forcément à leurs intérêts,ne manqueront pas de comprendre combien le type de célébrité que leur vaut la persécution de personnes telles que vous les dessert Vaclav Havel à Liu Xiaobo
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Un négationniste à la NHK

Messagepar laoshi » 04 Fév 2014, 18:11

Décidément, l'abjection n'a pas de frontières ! Il s'est trouvé, en France, des gens pour prétendre qu'on n'avait gazé "que des poux" à Auschwitz et que la Shoah était une fiction du "complot juif international", il se trouve des Japonais pour prétendre que les massacres de Nankin sont une invention pure et simple de la propagande chinoise !... Le pire est que ces gens ont pignon sur rue ! Pire, ils officient, en toute impunité, à la télévision publique japonaise ! Il faut dire que Hyakuta en question est un ami de Shinzo Abe, qui n'hésite pas à se rendre au sanctuaire Yasukuni à Tokyo, où sont honorés 14 criminels de guerre parmi les victimes du conflit.

Le Monde a écrit:
Japon : un patron de la télévision publique nie le massacre de Nankin

De l'art d'entretenir la haine. Un haut dirigeant de la NHK, la télévision publique nippone a tout bonnement nié dimanche le massacre perpétré par les troupes impériales à Nankin en 1937. « Des pays n'ont pas prêté attention à la propagande du dirigeant nationaliste chinois Chiang Kai-shek… sur les massacres qui auraient été commis à Nankin par le Japon. Vous savez pourquoi ? Parce que ça n'a jamais existé », a lancé Naoki Hyakuta, lors d'une réunion politique à Tokyo.

M. Hyakuta, cité par plusieurs médias mardi, était venu soutenir un candidat d'extrême droite au poste de gouverneur de la métropole. Ce dernier, l'ancien chef d'état-major de l'armée de l'air Toshio Tamogami, avait été limogé en 2008 après avoir déclaré que durant la dernière guerre le Japon n'avait pas été un agresseur.

Lire : Entre Tokyo et Pékin, les braises de Nankin

« Je suis au courant de ces déclarations (de M. Hyakuta), mais il me semble que cela ne viole pas le règlement intérieur de la NHK. Le gouvernement n'a pas à se prononcer », s'est contenté de répondre le secrétaire général du gouvernement, Yoshihide Suga.

QUERELLES INCESSANTES

La Chine chiffre à 300 000 le nombre des morts lors de la vague de tueries, de viols et de destructions perpétrées par les militaires nippons durant les six semaines qui ont suivi leur entrée dans Nankin, le 13 décembre 1937. Selon des universitaires étrangers, le bilan serait toutefois nettement moins élevé. L'historien américain Jonathan Spence estime ainsi que 42 000 civils et militaires ont été tués, et 20 000 femmes violées, dont beaucoup sont mortes par la suite.

C'est la deuxième fois en quelques jours que la NHK est sous les projecteurs : le 26 janvier, son tout nouveau PDG, Katsuto Momii, avait affirmé que la prostitution forcée de femmes par l'armée était une pratique « fréquente dans tous les pays en guerre ». Le code de déontologie de la NHK impose aux douze membres du comité directeur de la télévision publique de « servir la démocratie en assurant un contenu équitable et politiquement neutre ».

Face à cette volonté de minimiser le rôle de l'armée impériale, le gouvernement ne s'était pas prononcé sur le fond et avait simplement dit qu'il s'agissait des opinions personnelles de M. Momii, un protégé du premier ministre, Shinzo Abe. Le massacre de Nankin et les esclaves sexuelles sont au cœur des polémiques incessantes depuis des années entre le Japon d'un côté et la Chine et la Corée du Sud de l'autre.

L'EFFET ABE

Le 15 août dernier, jour anniversaire de la capitulation en 1945 du Japon impérial, le très nationaliste premier ministre Shinzo Abe avait rompu avec une tradition bien établie depuis une vingtaine d'années en n'exprimant aucun regret envers l'Asie pour les souffrances infligées par le Japon, et ce en présence de l'empereur Akihito.

Et c'est le même Shinzo Abe, petit-fils d'un ancien ministre de l'armement pendant la guerre (emprisonné par les Américains après le conflit mais jamais jugé), qui a choisi – pour marquer son premier anniversaire au pouvoir fin décembre – d'aller prier au sanctuaire Yasukuni à Tokyo, où sont honorés 2,5 millions de morts japonais dont 14 criminels de guerre.
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Nankin et "la mémoire du monde"

Messagepar laoshi » 22 Oct 2015, 06:49

Les massacres de Nankin son désormais inscrits au registre de la mémoire du monde de l'UNESCO, ce qui témoigne de la nouvelle puissance de la Chine au plan international. Curieusement, le dossier des "femmes de réconfort" a été exclu de cette mémoire ; je ne sais pas ce qui justifie cette exclusion : les crimes dont ont été victimes les femmes chinoises doivent-ils sombrer dans l'oubli ou bien le dossier de Pékin a-t-il été jugé partial ?
Reste que la décision de l'UNESCO fait problème, car, loin d'être désintéressée, elle s'inscrit dans une inquiétante dérive nationaliste dont le Japon est la cible obsessionnelle, comme l'explique Valérie Niquet dans Le Monde.


Le Monde a écrit:Le régime chinois instrumentalise la mémoire de la guerre sino-japonaise

Le 9 octobre, la Chine a obtenu l’inscription de documents relatifs au massacre de Nankin au registre de la mémoire du monde de l’UNESCO. Il s’agit pour Pékin d’une demi-victoire, car la demande d’inscription concernant les « femmes de réconfort » [euphémisme désignant les prisonnières des Japonais transformées en esclave sexuelle] n’a pas été reçue. Mais la décision du comité consultatif d’experts qui se réunit tous les deux ans a entraîné une protestation de Tokyo qui conteste non pas les faits eux-mêmes mais la validité scientifique des documents présentés et, au-delà, les risques de politisation de la prise de décision. L’inscription de ces documents, et la réaction japonaise, soulève des questions majeures sur les enjeux mémoriaux en Asie.

Dans le cas de la Chine et du Japon ces enjeux ont en effet moins à voir avec l’histoire, aussi douloureuse qu’elle ait pu être, qu’avec les tensions stratégiques contemporaines. Ainsi, on assiste à une recrudescence d’activités mémorielles en République populaire de Chine – mais pas à Taïwan pourtant concernée au premier chef par cette période – avec la construction depuis une dizaine d’années de nouveaux musées, la multiplication des films de guerre et l’organisation, pour la première fois, depuis 1949, d’une impressionnante parade militaire pour commémorer le 3 septembre, la victoire du peuple chinois dans la guerre de résistance contre l’agression japonaise. Cette évolution est inquiétante, et elle en dit plus long sur l’insatisfaction d’un régime chinois confronté à des défis considérables et tenté par le nationalisme extrême et le retour perpétuel sur le passé que sur un Japon contemporain qui demeure avant tout marqué par le pacifisme et les tentations isolationnistes.

Guerre des mémoires et tensions stratégiques

Entre Pékin et Tokyo, la question de la mémoire se complique d’une division idéologique et de tensions stratégiques qui tendent à s’aggraver, alors que le régime chinois poursuit un rêve de grandeur et de revanche qui ne peut admettre aucune relation d’égalité avec ses voisins asiatiques, à commencer par le Japon. La question de la mémoire demeure difficile dans les sociétés des pays occidentaux qui sont aussi d’anciennes puissances coloniales. C’est ce que montrent par exemple les difficultés auxquelles la France est confrontée dans ses relations avec l’Algérie, face à un passé encore difficile à aborder en toute sérénité.

À ce titre le Japon, jusque dans les réticences qu’il peut manifester à aborder les périodes les plus difficiles de son histoire, fait preuve d’une grande normalité. Mais, quelle que soit la réalité indiscutable des souffrances du peuple chinois pendant la seconde guerre mondiale et la culpabilité incontestable d’un Japon engagé dans un aventurisme militaire suicidaire, il est faux de considérer que ces sujets ne sont pas abordés dans l’archipel. Ce sont les historiens japonais eux-mêmes qui, dès les années 1970, alors que la Chine de Mao n’était préoccupée que du rapprochement avec Tokyo pour mieux contrer la menace soviétique, ont les premiers fait œuvre de mémoire sur les exactions commises par l’armée impériale.

À l’inverse, pour le régime chinois aujourd’hui, la mémoire ne peut être qu’un instrument au service de l’affirmation de la puissance chinoise et du maintien du Japon, 70 ans après la défaite, dans un statut de puissance illégitime. Sélective par nature, cette mémoire, dont l’objectif est d’établir un rapport de force avec Tokyo, demeure un instrument exclusivement contrôlé par et au service du pouvoir de Pékin. C’est dans ce contexte problématique que s’inscrit la décision récente de l’UNESCO, alors que le rappel constant de la culpabilité du Japon militariste, auquel le Japon d’aujourd’hui est constamment assimilé par les autorités chinoises, interdit tout véritable dialogue, toute réflexion commune sur l’histoire, y compris la plus douloureuse.

Si Pékin rappelle régulièrement la position de l’Allemagne occidentale, dont les dirigeants ont su trouver les mots justes et les gestes symboliquement forts, elle oublie de noter que l’appartenance à un même « camp » a joué un rôle essentiel dans le rapprochement franco-allemand dans l’immédiat après-guerre et que les nécessités de l’Ostpolitik ont aussi joué un rôle lors de la visite de Willy Brandt en Pologne. Enfin, la volonté très forte d’accueillir la nouvelle Allemagne au sein de l’Union européenne a grandement facilité son retour à la normalité. La situation est toute autre en Asie où la République populaire de Chine ne souhaite pas accueillir la puissance japonaise mais a, au contraire, pour premier objectif d’interdire sa réémergence. Réémergence qui inquiète d’autant plus la RPC que, dans le reste de l’Asie en dehors de la Corée du Sud, les attentes à l’égard du Japon comme facteur d’équilibre sont au contraire considérables.

Ainsi, il est à craindre que seule une évolution majeure du régime chinois, aboutissant à une véritable ouverture politique et idéologique, pourrait permettre la mise en place de commissions communes d’historiens, ayant accès à l’ensemble des archives permettant de travailler d’une manière plus constructive à l’élaboration d’une véritable mémoire commune.

Valérie Niquet, maître de recherche et responsable du pôle Asie à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS)
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