Bill SAVADOVE de l'Agence France-Presse à SHANGHAI dans la Presse.CA a écrit:Manger son placenta reste une pratique courante en Chine
Après son accouchement, Wang Lan a ramené chez elle sa petite fille tout juste née, ainsi que son placenta qu'elle envisage de déguster bientôt en soupe, selon une pratique séculaire de la médecine traditionnelle chinoise.
Les qualités présumées des placentas en tant qu'aliments suscitent beaucoup de débats dans les pays occidentaux, où certains lui attribuent comme vertus de parer au «baby blues», cette dépression passagère postnatale, d'améliorer les montées de lait maternel et de doper l'énergie.
Mais la placentophagie est une pratique séculaire en Chine, et elle reste relativement courante aujourd'hui. On pense ici que le placenta a des propriétés antivieillissement.
«Il est en ce moment dans mon réfrigérateur et j'attends l'arrivée de ma mère pour le faire cuire et le manger. Une fois nettoyé, il peut être préparé en soupe, sans qu'il ait cette actuelle odeur de poisson», déclare Mme Wang. Elle confie espérer que ce festin l'aidera à se remettre de son accouchement.
Qin Shihuang, premier empereur d'une Chine unifiée, est réputé avoir vanté, il y a quelque 2.200 ans, les bienfaits pour la santé des placentas. Et pendant la dernière dynastie chinoise, celle des Qing, l'impératrice douairière Cixi en aurait consommé pour rester jeune.
Un texte médical classique de la dynastie Ming (1368-1644) maintient que le placenta est «très nutritif» et qu'en ingérer régulièrement permet de «prolonger sa longévité».
La pratique de manger son placenta semble s'être renforcée au cours de la dernière décennie, selon des médias d'État.
Une maternité de la ville orientale de Nankin a par exemple indiqué qu'environ 10% des parturientes repartaient avec leur placenta après l'accouchement.
Sur l'internet s'échangent des recettes culinaires. Un site très populaire suggère de préparer le placenta sous forme de soupe, de boulettes, de raviolis ou de le mélanger avec d'autres ingrédients de la médecine traditionnelle chinoise.
Alors que le commerce des organes humains est interdit depuis 2005 en Chine, des gélules contenant des placentas réduits en poudre sont disponibles dans les pharmacies.
«Cela tonifie et enrichit le sang», assure ainsi un médecin traditionnel chinois de la pharmacie Lei Yun Shang de Shanghai.
Marché noir florissant
«Les ventes sont très bonnes. En gros, chaque fois que nous en recevons, cela s'écoule très rapidement», souligne un vendeur de la boutique.
Ce ne sont pas seulement les mères qui désirent manger du placenta, mais aussi les pères, voire leurs amis qui peuvent en recevoir en cadeau à la place d'une boîte de chocolat ou d'une bouteille de vin.
«Ma femme et moi étions toujours à l'hôpital... et ils l'ont mangé», relate un Shanghaïen qui a offert le placenta expulsé par son épouse à des membres de sa famille.
D'autres ont des réticences, voire une opposition ferme. «Je sais que c'est bon pour la santé, mais l'idée de manger de la chair humaine me donne tout simplement la nausée. C'est quelque chose que je ne peux pas faire», confie Grace Jiang, une comptable jeune mère de famille.
La forte demande a même créé un marché noir florissant, impliquant les hôpitaux, les personnels soignants et même les parturientes, en violation de la loi.
L'année dernière, les autorités ont lancé une enquête dans un hôpital de la ville méridionale de Canton où les placentas se vendaient 20 yuans (2,5 euros) l'unité.
Les infirmières «utilisaient l'argent gagné pour acheter leur petit déjeuner», a relaté une source dans l'hôpital au journal local Xin Kuai.
Dans d'autres régions de la Chine, comme par exemple dans la ville de Jinan (est), les placentas atteignent un prix plus élevé: les vendeurs demandent pas moins de 300 yuans (37 euros) la pièce, la plupart provenant des hôpitaux selon la presse officielle.
Ma Jian dans Beijing Coma a écrit:
Je pensai à l'élève de mon père, Liu Ping. Un groupe de villageois qui jusqu'alors avaient été comme des oncles pour elle, avaient arraché le foie de son père puis l'avaient violée et lui avaient coupé les seins. Sous la dynastie Song, l'armée du général Fen faisait sécher de la chair humaine, appelée "mouton à deux jambes" par euphémisme. Ils jugeaient que la chair de femme était la plus savoureuse, et l'appelaient "envie de mouton". Mais ils n'avaient mangé de la chair humaine qu'à défaut d'autre nourriture. Les hommes qui avaient mangé Liu Ping n'étaient pas poussés par le faim, mais par la peur. Le Parti communiste leur avait dit : "Si vous ne mangez pas l'ennemi, vous êtes l'ennemi, et le Parti vous détruira."
Shi Nai-an, dans Au bord de l'eau, chapitre XI, a écrit:
Les chefs du repaire m'ont fait ouvrir ici une taverne. Pur prétexte, car je suis spécialement chargé de prendre des renseignements sur les voyageurs et les marchards qui passent par ici. Dès qu'il y a de l'argent et des pièces de soie en vue, je vais avertir la bande du repaire. *Quand un voyageur solitaire arrive dans les parages, s'il n'a pas de richesses, je le laisse passer son chemin. mais ceux qui ont argent et soieries, quand ils se présentent ici... si c'est "du léger", je verse une drogue soporifique dans leur vin et ils s'écroulent ; si c'est "du lourd", je les dépêche sur-le-champ ; avec le maigre, coupé en tranches, on fait de la viande salée et séchée ; le gras, on le fait fondre, et ça donne de l'huile pour les lampes.*
Jacques Dars a écrit:
A propos de viande salée, L'Histoire officielle des cinq dynasties (Wu-dai-shi) relate que lorsque Ye Lü Di-guang mourut à Sha-hu-lin (le "bois du Massacre-des-Barbares"), ses ennemis lui ouvrirent le ventre, le vidèrent, et mirent à la place des boyaux plusieurs boisseaux de sel. Les gens des royaumes du nord appelèrent cela "de la salaison d'empereur".
Ma Jian, dans Chemins de poussière rouge, p. 344, éd. J'ai Lu, a écrit:
J'ai passé une grande partie du mois dernier dans le village de Longzhou près de la frontière vietnamienne. [...] J'ai pensé aux étudiants du village voisin qui ont massacré leur professeur pendant la Révolution culturelle. Pour prouver leur dévotion au Parti, ils l'ont découpé en morceaux, fait cuire dans une bassine avant de la manger pour le dîner. Comme ils avaient pris goût aux abats frais, avant de tuer leur victime suivante, ils lui ont ouvert le ventre et lui ont tapé dans le dos pour faire tomber le foie encore chaud dans leurs mains. Les villages locaux ont dû consommer environ trois cents ennemis de classe ces années-là.
Mo Yan, dans l'entretien qu'il a accordé à Noël Dutrait pour Perspectives chinoises (N°58, 2000), a écrit:
Si j'avais voulu aborder cette histoire de repas où l'on consomme des enfants comme s'il s'agissait d'un fait réel, cela n'aurait pas été possible et je me serais attiré beaucoup d'ennuis. J'ai donc eu recours à un procédé plus subtil. Tout ce qui a trait à ces enfants de boucherie est écrit par un personnage qui échange des lettres avec l'auteur, c'est-à-dire moi-même. Ce dénommé Li Yidou écrit un roman, un roman dans le roman. On peut donc affirmer que ce roman dans le roman n'est que fiction ; en fait, à la fin, ce roman dans le roman ne fait plus qu'un avec mon roman, et le personnage de Li Yidou, son auteur, devient un personnage du roman de Mo Yan — qui, lui-même, à son tour devient un personnage du même roman. Le vrai et le faux, la fiction et le réel, le magique et la réalité ne font plus qu'un, on peut tout autant affirmer que cela existe ou est inventé. La contrainte que je me suis fixée — une façon de me protéger de la critique — a donné naissance à la structure très originale de cette œuvre. Existe-t-il réellement dans la société chinoise des faits de cannibalisme ? Historiquement, c'est sûr. Prenez l'exemple de Yi Ya à l'époque des Royaumes combattants, qui a donné son fils à manger au duc Huan de Qi. D'autres faits sont attestés à l'époque féodale ; la piété filiale contraignait à donner sa propre chair pour guérir ses parents ; Lu Xun et son Journal d'un fou qui se termine par l'appel : « Sauvez les enfants » ; les témoignages de Zheng Yi à l'époque de la Révolution culturelle sur des actes de cannibalisme dans le Sud du pays. Tout prouve que le cannibalisme a existé. On en trouve aussi des traces dans le Roman des Trois Royaumes ou dans Au bord de l'eau, mais pour ce qui est de notre époque, nous n'avons pas réellement de preuves que des enfants aient été dévorés, comme je l'écris dans mon roman où le cannibalisme a une valeur plutôt symbolique. Ce qui m'a vraiment poussé à écrire sur ce sujet, c'est le fait que j'aie plusieurs amis qui travaillent dans des hôpitaux. Ils récupèrent des fœtus de trois mois, après des avortements, dont ils font une sorte de poudre — en médecine chinoise, il existe un remède appelé ziheche fabriqué avec du placenta, c'est un fortifiant très efficace. Dans le Sud, beaucoup de médecins en font avec des fœtus. C'est la même chose lorsque les Chinois mangent des poussins dans l'œuf juste avant qu'ils ne brisent leur coquille, c'est un excellent fortifiant. Il existe en Chine une tradition du nüeshi, c'est-à-dire « manger de manière cruelle ». Par exemple, lorsque l'on mange des poissons qui frétillent quand on les apporte sur la table, qu'on prélève de la chair sur des ânes encore en vie. Et c'est de cette tradition dont je voulais parler.
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