Un attentat place Tian'Anmen ?

Que se passe-t-il, dans un pays démocratique, lorsqu'une explosion secoue la capitale ? Immédiatement, les forces de police sécurisent le périmètre de l'événement pour qu'aucun indice matériel ne soit effacé et que l'enquête puisse aboutir à la vérité. Il en va tout autrement à Pékin où elle s'empresse au contraire d'effacer toute trace de l'explosion et de confisquer les photographies des journalistes étrangers ! Le PCC voudrait-il que les Chinois et le monde entier ignorent que le régime ne fait pas l'unanimité ? C'est ce que l'on peut penser en lisant cet article de Libération.
Philippe Grangereau, dans Libération, a écrit:RÉCIT : Pékin cherche à effacer toute trace de l'explosion d'une Jeep qui a fait au moins cinq morts, dont les trois occupants de la voiture, sur la place symbolique de la capitale.
«La secte Falungong, les indépendantistes du Xinjiang ou du Tibet, d’autres forces dites "hostiles"… », s’interroge sur son microblog l’artiste Ai Weiwei. Comme lui, beaucoup de Chinois estiment que le grave incident qui a fait au moins cinq morts dont une touriste philippine et 38 blessés ce lundi sur la place Tiananmen, est sans nul doute un attentat, et que seule se pose la question de l’identité de ses auteurs. Une Jeep de type 4X4 avec à son bord trois occupants s’est engagée vers midi sur une voie piétonnière menant à la porte Tiananmen, au-dessus de laquelle est accroché le fameux portrait géant de l’ancien leader Mao Zedong. Le véhicule s’est frayé un chemin en heurtant sur son passage nombre de touristes et de policiers, toujours très nombreux dans ce lieu névralgique du pouvoir communiste. Et où en juin 1989, le régime a réprimé dans le sang les étudiants qui réclamaient la démocratie.
Après une course folle de 400 mètres, la Jeep a été immobilisée par une barrière, à quelques dizaines de mètres à peine du portrait de Mao, vers lequel elle semblait se diriger. Le véhicule s’est alors enflammé pour des raisons encore inconnues. Un témoin dit avoir entendu «une explosion». Les trois occupants de la voiture ont brûlé vif, et on décompte au moins deux touristes morts, une Philippine et un Chinois, et 38 blessés.
La police de Tiananmen, équipée en permanence d’extincteurs pour dissuader les personnes qui voudraient s’immoler par le feu, a éteint l’incendie. Un homme de 42 ans s’était immolé pratiquement au même endroit en octobre 2011, et la police avait étouffé les flammes à peine dix secondes plus tard.
Parvis nettoyé et photos effacées
En très peu de temps, des barricades ont été érigées pour occulter la scène. Plusieurs journalistes étrangers parvenus sur les lieux ont été interpellés et les photos qu’ils ont prises effacées. De nombreux clichés de l’incident posté sur les microblogs chinois ont eux aussi été effacés par la police de l’Internet mais certaines restent visibles sur Twitter.
La volonté de faire disparaître des mémoires cet attentat va très loin. Même une version semi-officielle des faits postée à chaud sur le site du Quotidien du peuple a disparu peu de temps après. L’unique journal télévisé national de 19 heures n’a pas soufflé mot de l’incident. L’opération de nettoyage du parvis où s’est consumée la Jeep a été d’une telle efficacité que quelques heures à peine après l’incident, il ne subsistait plus la moindre trace si ce n’est quelques dizaines de policiers en civil à l’attitude vigilante.
En Chine, les mécontents sont nombreux. Quelque 122 Tibétains se sont immolés par le feu depuis 2009 pour protester contre la répression de la police chinoise au Tibet. Les Ouïghours musulmans, pour les mêmes raisons, ont souvent recours à des actions violentes. Les adeptes de la secte bouddhiste Falungong, emprisonnés par milliers depuis les années 2000, se livrent parfois à des gestes de protestation désespérés. Des milliers de plaignants venant de tout le pays se relaient à Pékin où ils espèrent obtenir justice.
Coïncidence ou pas, une heure avant que la Jeep entame sa course suicide, un groupe de sept de ces pétitionnaires, des Shanghaïens expulsés de leurs logements, étaient descendus dans les douves nord de la Cité interdite, situées à l’opposé de la porte Tiananmen. L’eau leur arrivant au nombril, ils espéraient que la police hésiterait à se mouiller pour aller les arrêter, et qu’ils pourraient poursuivre plus longtemps leur protestation, qui avait pour but d’attirer l’attention sur leur cas.