Florian Reynaud, dans Le Monde, a écrit:
Les catastrophes industrielles, des drames récurrents en Chine
La catastrophe survenue au sein du parc industriel de Shenzhen, dimanche 20 décembre, risque de s’ajouter à la liste des drames qui affectent l’industrie chinoise depuis des années et qui trouvent bien souvent leur origine dans le non-respect des normes de sécurité.
Dans la célèbre « zone économique spéciale », où sont installés les grands noms de l’électronique chinoise et mondiale, au moins 91 personnes sont toujours portées disparues à la suite d’une coulée de boue qui a enseveli une trentaine de bâtiments et provoqué une explosion de gaz, dimanche vers midi.
La boue provenait en l’occurrence d’une ancienne carrière qui avait été transformée en décharge et qui était utilisée par les sites de construction alentours, formant une colline artificielle de près de 100 mètres de hauteur.
Le lieu était géré, selon le magazine Caixin, par la société Shenzhen Lu Wei Housing Management Company, et l’utilisation du site comme décharge aurait été approuvée par le gouvernement en février. Selon le site d’information chinois Sohu, une étude avait déjà alerté en janvier sur des risques d’effondrements.
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Des centaines d’accidents industriels en 2015
La Chine est particulièrement sujette aux catastrophes industrielles, qui touchent aussi bien les usines, les sites de produits chimiques, la construction que le secteur minier. Selon une carte dressée par l’ONG China Balour Bulletin (CBB), au moins 418 accidents industriels ont fait un mort ou plus depuis le début de l’année 2015, dont une part importante dans le secteur de la construction. Au moins 32 de ces catastrophes sont dues à des explosions, toujours selon la carte du CBB.
L’industrie minière est particulièrement victime de ces accidents, avec plusieurs centaines de morts depuis le début de l’année. Un nombre en baisse : en 2011, les mines de charbon avaient tué 1 973 personnes, et 1 384 en 2012. Si les campagnes de sensibilisation à la sécurité semblent avoir fait effet, le secteur minier reste dangereux, et plombé entre autre par la corruption et le manque de sécurité.
Les usines de production de biens et d’équipements ne sont pas en reste. En août 2014, une explosion dans l’usine Zhongrong, sous-traitant automobile de Distical, qui fournit notamment General Motors, a fait 75 morts et 186 blessés. Là encore, la sécurité de l’usine et un manque de précautions ont été dénoncés.
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Le drame de Tianjin
La sécurité des usines chimiques a également été pointée du doigt après la dernière grande catastrophe à avoir endeuillé le pays, celle de Tianjin, le 12 août : deux explosions dans un entrepôt avaient causé la mort d’au moins 114 personnes et blessé plus de 700 autres.
Très vite, l’entreprise propriétaire de l’entrepôt, Tianjin Ruihai International Logistics, a été incriminée, et dix de ses responsables ont été arrêtés et écroués après la catastrophe. En effet, près de 700 tonnes de cyanure de sodium avaient été stockées à moins d’un kilomètre de zones habitées, alors que les réglementations de sécurité chinoises l’interdisaient.
Pire encore, selon Chine nouvelle, l’entreprise a aussi pu opérer sans licence pendant plusieurs mois. Un propriétaire de l’usine a confessé fin août avoir utilisé ses relations politiques pour passer sans problème les inspections.
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Dans les jours qui avaient suivi le drame, Greenpeace a affirmé que dans les grands ports chinois de Guangzhou, Qingdao, Ningbo et Shanghai, d’autres entrepôts de produits chimiques enfreignaient les règles de sécurité en étant situés à moins d’un kilomètre d’habitations ou d’infrastructures publiques.
Fin novembre, 14 personnes ont été condamnées à des peines de prison pour des négligences de sécurité ayant conduit à l’explosion d’un pipeline, qui a fait 63 morts en 2013 à Qingdao. L’enquête officielle avait pointé du doigt l’entreprise propriétaire du pipeline, Sinopec, et le gouvernement local.
Après le drame de Tianjin, une enquête a été ouverte à l’encontre du directeur de la sécurité du travail, selon l’autorité de lutte anticorruption. Depuis son arrivée au pouvoir en 2013, le dirigeant chinois, Xi Jinping, mène une grande campagne contre la corruption.