Il suffit de regarder les Unes après Congrès du Quotidien du Peuple depuis Deng Xiaoping pour voir qui est le maître :

La "pensée Xi Jinping sur la nouvelle ère du socialisme à caractéristiques chinoises" est désormais inscrite dans la Constitution chinoise comme l'avaient été - mais seulement après la mort de leur créateurs -, la "pensée Mao Zedong" ou le principe du "socialisme de marché" de Deng Xiaoping ! Déjà deux Départements universitaires ont été créés pour s'adonner à l'étude de ladite "pensée". La prestigieuse Université chinoise du Peuple aura pour tâche "d'aider les autres universités à introduire la pensée Xi Jinping dans leurs manuels, dans leurs cours et dans l'esprit de leurs étudiants" ! La deuxième Université choisie est celle de Finances et d'économie de Tianjin, elle se consacrera à "l'éducation politique et idéologique des étudiants". Quant aux cadres, ils participeront aux "groupes d'études" qui fleurissent déjà un peu partout dans le pays !
Après avoir mis la presse chinoise au pas - restaurant la doctrine selon laquelle les médias se doivent d'être "la langue et le gosier du Parti" -, Xi Jinping entend bien régenter la presse internationale : la BBC, le Financial Times, The Economist, le New York Times et le Guardian ont été exclus de la grand'messe du Congrès sans raison officielle mais, si l'on en croit le Global Times, pour avoir couvert l'actualité chinoise de manière "fallacieuse et incorrecte". Xi s'est même payé le luxe de faire de Donald Trump, qui malmène la presse, le repoussoir d'une Chine "de plus en plus ouverte" à l'information, pour peu que les médias ne manquent ni d'"objectivité" ni d'esprit "constructif" ! Ursula Gautier, qui avait demandé une accréditation pour couvrir le Congrès, s'est évidemment vu refuser le précieux sésame tandis que certains journaux jouent le psittacisme servile, la complaisance bonhomme, voire la flagornerie...
Le Daily Telegraph reprend purement et simplement la Une du China Daily :


L'éditorial de François Bougon, dans Le Monde du 25 octobre, affectueusement intitulé La force tranquille de "l'oncle Xi", a été rebaptisé depuis mais Internet a la mémoire longue et le compte Facebook du Monde, comme le compte twitter, de François Bougon a gardé la trace de cette complaisance inquiétante (es défenseurs des droits de l'homme - dont je suis -, n'ont pas goûté l'euphémisme et l'ont fait savoir sur les réseaux sociaux) !
Désormais gratifié du titre de "lingxiu", Xi Jinping sort donc de ce 19° Congrès avec plus de pouvoir même que n'en a jamais eu Mao. Le culte de la personnalité, désormais inscrit dans la Constitution (même si "la publicité concernant les chefs doit être purement fondée sur les faits et la vantardise bannie"), la main-mise sur la presse, sur l'Université, sur l'histoire, sur la mémoire (entre autres à l'occasion de la numérisation des archives qui, comme l'avait bien vu Chan Koonchung dans les Années Fastes, permet d'effacer des pans entiers du passé) et sur le peuple constituent un système d'une efficacité sans précédent : la maîtrise des big-data et le couplage de ces données avec les dispositifs de pointe de la reconnaissance faciale et de la reconnaissance vocale, la surveillance et le nettoyage des réseaux sociaux, l'extension d'un "soft-power" de plus en plus agressif au-delà des frontières se combinent désormais avec la répression impitoyable de toute pensée dissidente, la torture des récalcitrants, les confessions télévisées, la négation absolue de l'indépendance de la justice, le retour des camps de rééducation, pour faire de la Chine une dictature parfaite tandis que nos démocraties n'ont plus le courage élémentaire de défendre les droits de l'homme. Qu'Emmanuel Macron ait pu saluer en Xi Jinping "un grand leader" et envoyer à Liu Xia un twitt de condoléances (en sachant pertinemment que Twitter est bloqué en Chine et que Liu Xia est privée d'Internet) au lendemain de la mort de Liu Xiaobo en dit long sur notre lâcheté face à la puissance chinoise.
Autres sources : The Guardian Xi Jinping Thought to be taught in China's universities et Protest after Western media 'troublemakers' barred from Xi Jinping speech