Wukan, un village en état de siège

Re: Wukan, un village en état de siège

Messagepar mandarine » 14 Fév 2012, 10:46

intéressant que ces croisements dans l'actualité , des noms reviennent donc sur le devant de la scène
Les autorités de votre pays,qui elles aussi pensent forcément à leurs intérêts,ne manqueront pas de comprendre combien le type de célébrité que leur vaut la persécution de personnes telles que vous les dessert Vaclav Havel à Liu Xiaobo
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le Web contre l'oubli

Messagepar laoshi » 14 Fév 2012, 13:19

Oui, je crois que ces rapprochements, ces croisements, sont essentiels à la compréhension de l'actualité chinoise ; comme le montre de manière exemplaire le roman de Chan Koonchung, Les Années fastes, l'intelligibilité est tributaire de la mémoire or le temps de l'actualité est celui de l'éphémère et de l'oubli, pour le plus grand avantage des hiérarques du pouvoir, en Chine comme chez nous !
Le Web, qui tisse sa "toile d'araignée" entre tous ses "fils", y compris les plus distants, est en ce sens un outil formidable pour échapper au règne de l'immédiateté dans lequel on voudrait nous enfermer...
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Re: Wukan, un village en état de siège

Messagepar laoshi » 01 Mars 2012, 10:28

L'Express revient sur les événements de Wukan, où se déroulent des élections démocratiques, conquises de haute lutte par les villageois dont les cadres corrompus avaient spoliés les terres pour les céder à des promoteurs immobiliers.

L'Express a écrit:

Chine: un village teste la démocratie


Après une révolte anticorruption, à l'automne dernier, les habitants d'un petit port du sud-est de la Chine ont obtenu de désigner librement leurs représentants. Une première suivie de très près à Pékin.

Au rond-point qui marque l'entrée de Wukan, un village côtier de 12 000 âmes, dans le sud-est de la Chine, un graffiti noir menace: "Les officiels seront punis pour avoir vendu nos terres arables!" Voila une promesse en passe d'être tenue. Car les habitants de ce petit port de la province du Guangdong s'apprêtent à mettre en oeuvre une expérience inédite: le suffrage universel. Pour en arriver là, il aura fallu en découdre avec le pouvoir local. Le 21 septembre dernier, dénonçant la corruption de cadres qui avaient cédé les terres de la commune pour des projets immobiliers dont les dividendes devaient échapper au petit peuple, Wukan s'est soulevé.

Après avoir "pétitionné" pendant deux ans, sans être entendus, selon le système traditionnel de recours au gouvernement central, les habitants descendent dans la rue pour manifester. Au fil des semaines, le mouvement prend de l'ampleur: le 9 décembre, à l'issue d'une journée de protestation, cinq meneurs sont placés en détention - "par des agents en civil qui refusèrent de montrer la moindre carte de police", se souvient l'un d'eux, Hong Ruichao. Trois jours plus tard, les autorités annoncent le décès de l'un de ses codétenus, Xue Jinbo. "Personne n'a jamais cru à la version officielle de l'attaque cardiaque", précise Hong.

Tandis que les villageois menacent de marcher vers la commune la plus proche, la police bloque les accès au bourg: le siège de Wukan commence. Les vivres ne parviennent plus que par des chemins détournés. Les habitants crient leur colère et brandissent des banderoles chaque jour plus longues et plus insolentes. Face à la police armée, la tension monte. Les révoltés fixent un ultimatum, à l'issue duquel ils comptent marcher sur le quartier général du gouvernement du district.

C'est alors qu'intervient Wang Yang. Ce secrétaire du Parti de la riche province du Guangdong - 110 millions d'habitants - est réputé pour ses penchants progressistes. Au lieu de réprimer la jacquerie, comme c'est l'habitude, il envoie son n°2 discuter avec les insurgés. Surprise! Ce dernier reconnaît le bien-fondé des demandes et consent à l'organisation d'élections libres.


Lin Zuluan a soutenu la cause des habitants de Wukan (province du Guangdong) et se présente aux élections. Ici, il harangue la foule, en décembre 2011.

AFP/Lu Hanxin/Xinhua
Un suffrage démocratique en Chine? Des scrutins locaux y sont déjà organisés afin d'élire les membres des comités de district et chacun est, en théorie, libre de s'y présenter. En pratique, toutefois, l'opération est toujours pilotée par le Parti communiste. En 2011, les candidats indépendants faisant campagne sur Weibo, le Twitter chinois, ont vu leur démarche méthodiquement entravée.

Ces jours-ci, tout Wukan s'affaire à cet exercice politique, qui s'achèvera le 4 mars. "Je verrai bien ce que je dirai à la veille de l'élection", raconte, un peu léger, Xun Wenliang, qui compte parmi la vingtaine de candidats déclarés. Quant à son programme, il promet seulement de nommer les personnalités les plus honnêtes et compétentes pour décider à l'avenir: "C'est déjà assez nouveau, ici". Alors que la presse internationale évoque désormais le "modèle de Wukan", les habitants du village se veulent plus terre à terre. "Tout ce que nous voulons, c'est récupérer ce qui nous a été volé", explique le candidat Xun. Ce ne sera pas simple: les terrains ont déjà été cédés. "C'est pour cette raison que nous sommes allés jusqu'au bout, poursuit-il. Donc c'est possible!"

Bon orateur, plutôt aisé, sévère mais proche du peuple qui l'apprécie, Lin Zuluan fait figure de favori. Membre du Parti depuis 1965, il a été nommé chef du comité local, le 15 janvier, lorsque l'homme qui trônait à la tête du village depuis quarante-deux ans a été remercié et mis en examen pour corruption. C'est Lin qui haranguait les foules pendant le siège. "Il est peut-être le dirigeant qu'il nous faut, confie Hong Ruichao, l'un des contestataires détenus en décembre. Il fait ses courses comme tout le monde."

D'ailleurs, le sage Lin cite déjà le très respecté Deng Xiaoping, architecte des principales réformes menées en Chine à partir des années 1980: "Traversons la rivière en tâtant les pierres." Le processus électoral, complexe, doit voir émerger un comité de gestion et un leader à l'issue de trois tours, entamés début février. "Le plus important est de récupérer la terre du peuple, ajoute Lin. Et le plus difficile est de le faire de manière pleinement démocratique."

Le PC espère convaincre les paysans qu'il saura, à l'avenir, sanctionner les corrompus
L'expérience en cours à Wukan est suivie de près à Pékin, où la lutte est acharnée entre les candidats aux neuf postes du Comité permanent, le gouvernail du Parti, renouvelés à l'automne prochain. S'il ne fait guère de doute que Xi Jinping et Li Keqiang deviendront respectivement président et Premier ministre dès le printemps 2013, la mêlée reste ouverte pour les autres nominations. Le pragmatisme du secrétaire du Parti de la province, Wang Yang, lui-même candidat, peut être un atout décisif. "Sa promotion est quasi assurée", pronostique Willy Lam. Selon ce politologue de la fondation américaine Jamestown, le PC espère convaincre les paysans qu'il saura désormais jouer un rôle d'arbitre lors des conflits ruraux, et qu'il n'hésitera pas à sanctionner les corrompus. "Le modèle du Guangdong est d'ores et déjà vanté comme une expérience réussie par l'aile progressiste du Parti" estime Willy Lam. Les plus rétrogrades craignent toutefois qu'avec ses élections démocratiques, Wang Yang n'ouvre la boîte de Pandore au pays du Parti unique.

Sur une affiche rouge collée en face du bureau de police de Wukan, des caractères calligraphiés appellent à "élire un bon comité afin de promouvoir le développement et la stabilité". Une autre promet l'accès à terme à la "petite prospérité" - selon le terme qui désigne la classe moyenne inférieure. Tous incitent les 7.688 citoyens en âge de voter à se mobiliser. Ce qui n'est pas chose aisée. "Enregistrer tout le monde prend du temps et le peuple n'a pas un sens du scrutin très développé, constate Han Tianbin, membre du comité électoral. La majorité pense, malgré tout, que nous sommes sur la bonne voie".

L'affaire a rendu Zhou Xiaojie bien curieux de démocratie en général. Cet enseignant d'un collège proche constate cependant que le suffrage n'est pas le remède à tous les maux de la société: "A Taïwan, les élections n'empêchent pas la corruption, car il faut bien financer les campa-gnes, souligne-t-il. Et vous, votre Sarkozy, il est corrompu ou il est propre?"
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Une page d'histoire pour la Chine

Messagepar laoshi » 03 Mars 2012, 08:34

Une page de l'histoire de la liberté s'écrit à Wukan, les journalistes chinois n'ont pas le droit de couvrir l'événement, allez savoir pourquoi !

PHILIPPE GRANGEREAU, envoyé spécial de Libération à Wukan a écrit:
Le village qui a fait céder le régime chinois

Les habitants de Wukan votent demain pour élire de nouveaux dirigeants, après avoir chassé les anciens cadres du Parti. Un exemple inédit, mais fragile, de démocratie locale en Chine.

«Cet extraordinaire village de pêcheurs rebelle fera parler de lui pendant longtemps encore. C’est déjà une légende», s’enthousiasme Wen, un journaliste chinois qui est venu en catimini assister aux «élections libres de Wukan». Terrorisé à l’idée que sa rédaction l’apprenne, il préfère ne pas livrer son identité. «La censure interdit aux journalistes chinois de couvrir cet événement. Beaucoup de ceux qui sont venus ont été rappelés à l’ordre par le Bureau de la propagande. Mais comme c’est sans doute un pas important de la Chine vers la démocratie, j’ai décidé de venir clandestinement pour assister à cette page d’histoire.» A côté de lui, un jeune chercheur en sciences politiques de l’université Zhongshan est venu rédiger une étude sur Wukan. «Les habitants ont chassé leur secrétaire du Parti corrompu, ils se sont barricadés et ont repoussé les assauts de la police, pour finalement obtenir le droit, aujourd’hui, d’élire librement de nouveaux dirigeants, affirme-t-il. Les autorités ont cédé face à la détermination des habitants et ça, c’est pratiquement sans précédent.»

«Martyr»
Cet après-midi-là, dans le «légendaire» village, un demi-millier d’habitants se pressent devant l’édifice à toiture traditionnelle qui sert d’auditorium. C’est le début de la campagne électorale. Une vingtaine de candidats se succèdent au micro pour exposer leur programme. Ils briguent l’un des sept postes du comité municipal qui devrait être élu demain. Le mois précédent, 85% des 6 000 inscrits (sur 13 000 habitants) avaient déjà élu une commission électorale et un comité de supervision de 109 membres.

Tous les «héros» du soulèvement de Wukan sont sur l’estrade de l’auditorium, flanqué des slogans «démocratie et harmonie», «le droit est notre référence». Xue Jinwan, une femme de 21 ans, promet si elle est élue de «prendre la relève» de son père, Xue Jinbo, «martyr de la cause» tabassé à mort dans un centre de détention en décembre. Lin Zuluan, le chef des rebelles qui a spectaculairement été nommé en janvier secrétaire du Parti de Wukan par les autorités en remplacement de son prédécesseur corrompu, salue «l’unité qui a fait la force» pendant l’affrontement avec les autorités. Ses lieutenants, des jeunes dont la verve stimule les applaudissements, jurent de tout faire pour «sauvegarder la démocratie» et récupérer les 660 hectares de terres du village (80% de la surface totale) vendues derrière leur dos à des promoteurs par l’ancien secrétaire ripou du Parti, Xue Chang.

Lui et sa «clique» étaient en poste depuis quarante et un ans - «plus longtemps que Moubarak en Egypte», disent les habitants. Tout commence il y a une vingtaine d’années, lorsque Xue Chang et ses acolytes décident de vendre les terres du village à deux entrepreneurs de Hongkong. En Chine, les terres rurales sont officiellement «propriété collective», et doivent servir à la communauté. Dans la réalité, les chefs locaux du Parti en disposent souvent comme bon leur semble. D’énormes pots-de-vin changent de main à chaque transaction. Xue Chang et sa bande auraient ainsi empoché l’équivalent de 70 millions d’euros. «Je doute qu’on ne récupère jamais nos terres, craint Zhang Jiancheng, l’un des leaders de la rébellion, car beaucoup de cadres ont tiré bénéfice de ces transactions. N’oubliez pas que ce sont les cadres dirigeants de la province du Guangdong qui ont signé les titres de vente…»



Armada
Xue Chang avait pris un certain nombre de précautions d’usage. Dans une Chine où la vénalité des charges est redevenue pratique courante, raconte Zhang, «il a acheté pour plusieurs millions de yuans une place pour l’un de ses fils dans le comité de discipline provincial» - qui est chargé de réprimer la corruption des cadres… «Partout en Chine, c’est comme ça que les choses fonctionnent, dit Zhang, et on risque de se heurter à nouveau à un mur pour récupérer nos terres spoliées.» C’est en 2009 que quelques hardis habitants de Wukan se décident à affronter la «muraille» du système. «On est allés à 300 porter une pétition à Canton, au siège du gouvernement de notre province du Guangdong. Mais Xue Chang avait été averti, et quand on est arrivés sur place, on a été confrontés à un comité d’accueil de dix cadres du village qui voulaient nous empêcher de pétitionner. La plupart d’entre nous se sont enfuis en les voyant.»

Une vingtaine d’autres tentatives se succèdent, en vain, jusqu’au 21 septembre. «La mobilisation était énorme. On est arrivés à 5 000 ou 6 000 devant le siège du gouvernement. On a été reçus, on nous a promis de résoudre nos problèmes…»

Le lendemain, une armada de véhicules de la police antiémeute débarque dans le village : hommes, femmes, enfants, personnes âgées sont frappés sans distinction. Des dizaines d’entre eux seront hospitalisés. «Des policiers ont dit que c’était Chen Wenqing [l’un des promoteurs qui a acquis les terrains, ndlr] qui les avaient payés pour nous faire peur afin qu’on ferme notre gueule…» Le village entier mène une contre-attaque, retourne les voitures de police et, à coup de pierres, repousse les forces anti-émeute. Les événements prennent dès lors une tournure plus dramatique. «Beaucoup de cadres ont eu peur pour leur carrière et ont commencé à faire arrêter des habitants, à en menacer d’autres pour faire peur à tout le monde», dit Zhang Jiancheng, qui fait alors partie des 13 «représentants provisoires» mandatés pour négocier par le village. Alors même que des pourparlers sont en cours, les autorités prennent ces derniers pour cible. «Le 9 décembre, cinq d’entre nous devaient se rencontrer pour déjeuner dans une gargote de Wukan. A peine entrés, une escouade d’hommes en civil nous a sauté dessus. On pensait pouvoir raisonner avec le gouvernement, mais on s’est rendu compte qu’il se comportait comme la mafia !»

Kidnappés, ils sont embarqués dans un centre de détention. «Le premier jour, j’ai été interrogé de manière violente pendant trente et une heures sans interruption, explique Zhang. Les policiers ont insulté ma mère, mes ancêtres, avec les pires mots et m’ont refusé un avocat.» Dans les cellules, les coups pleuvent, apparemment assénés par les détenus sur ordre de la police. L’un des cinq n’y survivra pas. «La dernière fois que j’ai vu mon compagnon de détention Xue Jinbo, il était inconscient, précise Zhang. Les policiers le portaient en le tenant par les pieds et les bras.» La police affirme le 11 décembre que le représentant de 42 ans a succombé à une «crise cardiaque».

A Wukan, personne ne croit cette version des faits. L’humeur n’est plus au compromis, ni d’un côté ni de l’autre. Les autorités, qui censurent toutes les informations sur cette mutinerie, imposent un blocus terrestre et maritime au village. Des vedettes empêchent les bateaux de pêche de quitter le port. Les habitants s’organisent. Une milice patrouille le périmètre afin d’empêcher les incursions de la police. Les jeunes bloguent et tweetent. Un «centre de presse» est organisé et les journalistes étrangers sont invités, nourris et logés, à couvrir cette «affaire Wukan» dont les échos finiront par mettre les autorités au pied du mur.

«Dédommagement».«Sans les journalistes étrangers, on ne serait peut-être arrivés à rien», estime Zhang Jiancheng. Puis survient le dénouement inattendu. Les autorités de la province du Guangdong choisissent la carotte au lieu du bâton, pour mettre fin à cette affaire médiatisée devenue catastrophique pour l’image du pays. A la mi-janvier, Lin Zuluan, le leader de la rébellion (et membre du Parti depuis 1965) est nommé chef du Parti du village, et le principe de l’élection d’un nouveau comité municipal est validé. La police, qui a refusé pendant deux mois de rendre le corps de Xue Jinbo si sa famille ne signait pas un papier attestant qu’il était décédé de «mort naturelle», finit par le restituer à la mi-février. Elle attribue à sa famille un dédommagement considérable équivalent à 400 000 euros, sans révéler l’origine de ces fonds. Le prix du silence, disent certains, bien que la famille assure qu’elle veut poursuivre les coupables de ce «crime».

Il est peu probable toutefois qu’un tribunal veuille s’en saisir. «L’affaire Wukan ne s’arrête certainement pas là, commente Yuan Yulai, un avocat. Le Parti communiste peut-il vraiment avaler cette couleuvre sans songer à se venger ?» Un nuage noir pourrait à nouveau descendre sur Wukan. Zhang Jiancheng et plusieurs autres leaders de la rébellion n’osent plus sortir du village. «A l’extérieur, je suis suivi, harcelé par des hommes en civil, dit-il. C’est un avertissement… et je suis assez pessimiste pour l’avenir.»

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Où l'on reparle de ceux de Wukan...

Messagepar laoshi » 21 Sep 2012, 10:08

Après le temps de l'espoir vient celui de la désillusion :

Le Nouvel Obset l'Agence Reuters a écrit: Une expérience de démocratie locale fait des déçus en Chine

par James Pomfret

WUKAN, Chine (Reuters) - L'expérience démocratique mise en place dans le village de Wukan dans le sud de la Chine pour aider les paysans à récupérer leurs terres illégalement saisies suscite la déception d'une partie des habitants qui ont laissé éclater leur colère vendredi en manifestant contre leurs élus.

Une centaine de villageois en colère se sont rassemblés devant les bureaux de l'antenne locale du Parti communiste chinois (PCC). Ils estiment que la nouvelle administration qu'ils ont élue en mars ne va pas assez vite pour résoudre leurs problèmes.

Il y a un an, la précédente administration du village avait illégalement saisi des terres agricoles pour les revendre à des promoteurs immobiliers. Les manifestations qui avaient suivi avaient déclenché le départ des responsables locaux du parti et, quelques mois plus tard, en mars 2012, débouché sur des élections municipales.

"Nous n'avons toujours pas récupéré nos terres", crie Liu Hancai, un retraité de 62 ans membre du PCC.

Des policiers en civil surveillaient de près le petit groupe tandis que des voitures de police patrouillaient dans les rues.

"Il devrait y avoir plus de gens, mais beaucoup ont peur des troubles et ne sortiront pas", explique Liu Hancai à Reuters.

La manifestation de vendredi est bien moins marquante que celles qui, en septembre dernier, avaient fait les gros titres de la presse du monde entier. Mais cette grogne modeste est révélatrice des espoirs déçus de ceux qui avaient cru en cette expérience inédite de démocratie locale.

"Les espoirs sont trop élevés", estime Yang Semao, le chef adjoint du village, élu par ces concitoyens en mars.

A l'époque, il pensait, avec ses autres collègues élus, qu'il pourrait rapidement récupérer les terres agricoles saisies par la précédente administration.

"Nous faisons déjà de notre mieux", affirme Yang Semao. Il met les retards sur le compte de la bureaucratie et de la complexité des contrats fonciers.

Certains dans le village soulignent aussi l'inexpérience en matière de gestion locale des nouveaux élus, parmi lesquels figurent plusieurs jeunes manifestants de l'an dernier, ce qui a pu faciliter leur manipulation par leurs supérieurs hiérarchiques au sein du parti.

"À QUOI ÇA SERT DE LES ÉLIRE ?"

Le comité des nouveaux élus s'est défendu cette semaine en placardant son bilan dans des lettres adressées à ses administrés sur les murs de Wukan. Il souligne notamment la restitution de 253 hectares de terre et la restauration de routes. Vendredi, certaines des affiches avaient été déchirées.

"Ils avaient été les héros des gens", se souvient Chen Jinchao, qui essaie toujours de récupérer deux tiers d'hectares de terre agricole.

"Mais maintenant, nous les voyons différemment. Nous n'aurons pas d'autre espoir. A quoi ça sert de les élire s'ils ne peuvent pas résoudre le problème de la terre ?", s'interroge-t-il.

Zhang Jiancheng, un des jeunes élus au comité du village, se défend.

"Nous avons réalisé 50% des choses. Mais les gens ne se plaignent que des 50% non faits. Le comité de village essaie de récupérer la terre lot par lot. C'est un processus très pénible mais nous devons suivre les procédures légales", explique-t-il.

Certains accusent les partisans de l'ancien chef du village tombé en disgrâce, Xue Chang, de semer la discorde, alors qu'au niveau supérieur, des responsables à Shanwei sont englués dans des opérations suspectes concernant des centaines d'hectares de terres d'une nouvelle zone de développement économique à Wukan.

"Si le ménage n'est pas totalement fait parmi les responsables corrompus de Shanwei, il sera très difficile pour nous d'aller de l'avant", déclare Zhang Jiancheng.

Alors que la Chine est à la veille d'une transition politique délicate au niveau du pouvoir central, la poursuite des manifestations à Wukan pourrait avoir des conséquences pour l'ambitieux responsable de la province du Guangdong, Wang Yang. Certains le présentent comme un réformateur pour avoir su gérer le problème de Wukan en accédant aux demandes les plus importantes des villageois et en évitant d'en arriver à une répression dans le sang.

Certains villageois ont parlé de marcher à nouveau et de faire pression sur les autorités provinciales.

"S'ils finissent par nous pousser dans nos derniers retranchements, ce sera comme l'explosion d'un volcan, incontrôlable", commente un ancien sous le sceau de l'anonymat.

Danielle Rouquié pour le service français
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10 photos de Wukan

Messagepar laoshi » 09 Nov 2012, 18:23

Le Monde vient de publier un portofolio de 10 photos commentées de Wukan, je vous le recommande.
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Pot de terre contre pot de fer.

Messagepar mandarine » 21 Déc 2013, 14:13

Le bilan,après les élections ,est ,aux yeux des habitants , trop mince.
Il semble impossible de récupérer les terres spoliées.




Image




Shanghai (AFP) - Après leur rébellion victorieuse il y a deux ans contre des dirigeants corrompus, les habitants du village chinois de Wukan avaient élu leur comité municipal et espéraient récupérer leurs terres confisquées. Mais leurs attentes ont fait place à d'amères désillusions.

La révolte de cette petite bourgade du sud de la Chine avait attiré l'attention du monde en décembre 2011 et conduit à une élection au suffrage universel --un résultat inhabituel en Chine communiste--, mais "le modèle de Wukan" s'est avéré de peu de poids face à l'inertie d'une hiérarchie pesante et à la toute-puissante machine du Parti unique.

Alors que les habitants s'étaient soulevés pour réclamer les terres dont ils avaient été dépossédés, pratiquement aucune ne leur a été restituée et aujourd'hui, un meneur de la rébellion, Yang Semao, élu au comité municipal, fait face à d'innombrables récriminations.

Un des sept membres du comité a démissionné et Yang, qui en est l'un des responsables adjoints, n'est lui-même pas certain de se représenter aux prochaines élections l'an prochain -- ni même de l'emporter s'il remettait en jeu son mandat.

"Les gens viennent en permanence voir le comité et cherchent à faire des histoires", se lamente M. Yang, 46 ans, en recevant l'AFP dans un petit bureau aux murs nus.

"Nous avons réalisé certaines améliorations, mais ce n'est pas ça qui les intéresse en réalité. Leur objectif est de récupérer autant de terres que possible", poursuit-il.

Des élections locales libres

Les 13.000 habitants de ce village proche de la mer s'étaient soulevés à partir de septembre 2011, exaspérés par des saisies de terres arbitraires depuis des années et soupçonnant les cadres locaux du Parti communiste d'en tirer profit.

Leur rébellion s'était intensifiée durant dix jours en décembre 2011, après la mort d'un villageois lors de sa détention par la police. L'affaire avait suscité un intérêt soutenu sur les réseaux sociaux chinois et dans les médias internationaux.

Contre toute attente, les autorités provinciales du Guangdong avaient finalement accepté l'organisation d'élections locales libres dans le village, une concession sans précédent.

Mais l'enthousiasme des débuts a fait place au désenchantement, quand les rebelles nouvellement élus ont découvert qu'ils n'avaient pas le pouvoir d'obtenir la restitution des terres -- face à la résistance des autorités du district qui inclut Wukan, mais aussi en raison d'influentes entreprises locales et de contrats de vente juridiquement contraignants.

En dépit de l'absence de progrès tangibles, certains villageois rencontrés par l'AFP reconnaissent être au moins heureux de ces prémisses de démocratie et d'avoir l'occasion de retourner aux urnes l'an prochain.

"Savoir ce que c'est que d'agir tous ensemble, d'être aux manettes... J'ai plus de 40 ans, et c'est la première fois que je vois cela", affirme M. Liu, 45 ans, tenancier d'une modeste boutique.

"Au bout du compte, il y a quand même eu certains changements, les choses maintenant sont plus équitables et transparentes", fait valoir de son côté une jeune fille de 22 ans, nommée Huang.

De fait, Yang Semao rappelle que le comité a sensiblement réduit les dépenses publiques, et qu'il en publie désormais le détail chaque mois --une transparence rare dans l'administration chinoise.

Mais sur la question des terres confisquées, il admet l'échec du comité: sur environ 6.500 mu (430 hectares) que les habitants de Wukan cherchent à récupérer, seul un peu plus de 10% ont été restitués et environ un tiers est considéré comme définitivement perdu.

La superficie exacte des terres concernées est elle-même objet d'âpres discussions, les autorités du district refusant de clarifier les frontières du village de Wukan, ajoute Hong Ruichao, l'autre responsable adjoint du comité local.

"(Les électeurs) ne nous font plus confiance parce que nous n'avons pas servi leurs intérêts", observe-t-il, déplorant l'amertume et la défiance de la plupart des villageois.

L'un d'eux, Qiu, 30 ans, qui s'est élevé aussi bien contre les anciens cadres que contre le nouveau comité, dit ne plus croire aux mouvements d'inspiration populaire.

"Wukan n'a rien à montrer dont il puisse être fier, juste quelques routes qui ont été réparées. Maintenant, je n'ai plus confiance. Tant d'efforts qui n'ont servi à rien", soupire-t-il.

Pour Zeng Yongnian, professeur à la National University de Singapour, les blocages rencontrés à Wukan n'ont rien de surprenant, face aux rouages du Parti communiste.

"De plus en plus de gens doivent réaliser que la solution n'est pas tellement d'élire un comité de village. Ce n'est pas aussi simple. (Tout progrès) dépend de l'adoption ou non de réformes majeures au sein du Parti", explique-t-il.



http://referentiel.nouvelobs.com/file/6 ... ertume.jpg
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Re: Wukan, un village en état de siège

Messagepar laoshi » 21 Déc 2013, 16:46

Triste bilan, en effet, mais il serait dramatique que le PCC gagne ainsi sur cet embryon de citoyenneté à l'usure.
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Re: Wukan, un village en état de siège

Messagepar laoshi » 18 Juin 2016, 17:53

Le maire du village de Wukan, élu démocratiquement, Lin Zuluan, a été arrêté, officiellement pour corruption ; vous pouvez écouter le reportage de RFI ; je vous conseille aussi l'article de l'Express.
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Re: Wukan, un village en état de siège

Messagepar laoshi » 22 Juin 2016, 14:18

Xi Jinping, qui a fait de la lutte contre la corruption le meilleur alibi de sa répression tous azimuts, a promis de s'attaquer "aux tigres et aux mouches" ; il sait qu'il peut compter sur l'exaspération de la population en butte à toutes sortes d'abus de pouvoir de la part les cadres du Parti, censé être au service du peuple et qui vit grassement à ses dépens. Mais, malgré la confession télévisée dans laquelle le maire de Wukan reconnaît avoir touché des pots-de-vin, les villageois ne sont pas dupes, ils sont persuadés que cette confession, comme tant d’autres, est une confession forcée.

"Lin Zuluan, dans sa confession télévisée sur CCTV, a écrit:
En raison d'une méconnaissance des lois et des règlements en cours, je reconnais avoir reçu des pots-de-vin très importants dans le cadre de différents travaux et achats collectifs. Ce sont les principales effractions à la loi que l'on peut me reprocher.

Le ton, la lenteur de l’élocution de Lin Zuluan semblent montrer qu’il récite un texte appris par cœur ou bien qu'il lit un prompteur. Les récentes déclarations de Lam Wim-Kee, à Hong Kong, sur les conditions de sa propre confession télévisée (assistée par un metteur en scène et en scénariste) militent également en faveur de cette thèse. La femme de Lin Zuluan a affirmé que cette confession était fabriquée de toutes pièces pour discréditer son mari. Elle ajoute que, non seulement son mari n'a jamais touché de pots-de-vin, mais encore qu'il a lui-même pallié les insuffisances du budget communal grâce à l'argent que lui envoie son fils.

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L’arrestation de Lin Zuluan, après minuit, à la veille de la marche de protestation à laquelle il venait à nouveau appeler ses concitoyens contre les expropriations, a indigné la population. La femme de Lin Zuluan, qui tentait de s'interposer, a été molestée par la police et un habitant du village, dont on ne connaît pas l'identité, a été lui aussi arrêté. Un villageois n'hésite pas à comparer ces méthodes à celles des triades. Les villageois ont fait face aux forces de police anti-émeutes, présentes en nombre (400 policiers), pendant trois heures. La police les a appelés à "soutenir le travail des autorités pour maintenir la stabilité sociale" et à ne pas "se laisser entraîner à des actions inconsidérées par quelques criminels". Le lendemain matin, 10 cars de police supplémentaires arrivaient dans le village pour prévenir des manifestations du genre de celles qui ont eu lieu en 2011. Des milliers de villageois ont néanmoins défilé autour de Wukan pour réclamer sa libération.

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Pour faire bonne mesure, Pékin accuse Hong Kong, et, plus particulièrement le Appel Daily et le site internet Initium Media, d'être les instigateurs de ces manifestations. Les autorités ajoutent qu'elles réagiront à ces manœuvres par "des mesures conformes à la loi"
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