Ai Weiwei s'expose Au Bon Marché.

Ai Weiwei s'expose Au Bon Marché.

Messagepar mandarine » 12 Jan 2016, 14:33

Ai Wei Wei

L'invité Image


« Exposer au Bon Marché Rive Gauche
c'est user d'un nouveau média,
le grand magasin, pour aller à la rencontre d'un autre public, aussi large que celui d'un musée ».
Ai Weiwei

Du 16 janvier au 20 février 2016, Le Bon Marché Rive Gauche accueille la première exposition en France de créations originales de l’artiste chinois Ai Weiwei. Les installations monumentales de l’exposition « Er Xi, Air de jeux » insufflent poésie et onirisme au coeur du magasin et en vitrines, rue de Sèvres.

Technique et inspiration

ImagePour « Er Xi, Air de jeux », il a choisi de réaliser l’ensemble de ses sculptures selon la technique traditionnelle chinoise du cerf-volant.

visites guidées : à la découverte de l'exposition

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Portrait d'Ai Weiwei

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Er Xi , Air de jeux » au Bon Marché Rive Gauche est votre première exposition de créations en France… Que représente pour vous le fait d’exposer dans un grand magasin comme Le Bon Marché Rive Gauche plutôt qu’un musée ?

Je suis très heureux d’avoir ma première exposition en France au Bon Marché Rive Gauche : c’est le genre de lieu où j’adore avoir mon travail exposé ; un lieu directement lié à la ville, aux citoyens. Ce n’est pas vraiment un lieu d’art mais il est associé aux tendances, au style de vie… Cela représente un véritable défi pour moi de réaliser des oeuvres spécifiquement pour un grand magasin, ce qui m’intéresse d’autant plus.



L'exposition dévoilée dans un film

https://youtu.be/vITFDzNADJM
Pour découvrir le film complet éclairant les différentes composantes de l’exposition, rendez-vous au rez-de-chaussée du magasin. Ai Weiwei y évoque son enfance, son rapport aux créatures mythologiques « Shanhai jing » et à la mythologie chinoise, et son exposition à Paris pour Le Bon Marché Rive Gauche.


à ne pas rater
master class

Le 17 janvier, participez à une master class organisée par le cinéma MK2 Hautefeuille en présence d'Ai Weiwei, suivi de la projection de son film, Never Sorry.

Pour en savoir plus ou réserver votre place, rendez-vous sur le site MK2.

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Ai Weiwei





https://mail.google.com/mail/u/0/?tab=w ... 6da3e85e05
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Re: Ai Weiwei s'expose Au Bon Marché.

Messagepar laoshi » 13 Jan 2016, 09:02

Merci de cette information que j'aurais manquée sans vous, Mandarine (je suis toujours aussi surbookée ces temps-ci, vous l'aurez compris...).
Zola, sur lequel je travaille toujours et encore, voulait que les peintres exposent dans les gares afin de toucher ceux qui ne vont jamais dans les musées mais qui prennent de temps à autre le train pour aller "manger une friture à Asnières". Ai Weiwei, en s'exposant dans les grands magasins (même si le Bon Marché porte aujourd'hui assez mal son nom), me semble suivre une démarche du même genre.
Espérons surtout que les clients du Bon Marché découvriront, à travers ces oeuvres marquées du sceau de l'enfance et de la culture ancestrale de la Chine, une autre image de "l'atelier du monde", qu'ils ouvriront les yeux sur la condition des ouvriers qui produisent leurs jeans et leurs moumoutes et qu'ils chercheront à en savoir plus sur sur les combats des intellectuels chinois pour la Liberté...
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Re: Ai Weiwei s'expose Au Bon Marché.

Messagepar mandarine » 21 Jan 2016, 17:24

L'exposition semble avoir du succès.



Féérique exposition d’Ai Weiwei au Bon Marché Rive Gauche

Le Bon Marché Rive Gauche donne carte blanche à l’artiste star chinois et c’est féérique ! C’est sa première œuvre jamais créée pour un espace commercial. En intitulant son exposition « Er Xi », qui signifie « air de jeux », Ai Weiwei retombe en enfance et fait du Bon Marché Rive Gauche son terrain de jeu.


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Pour cette exposition, Ai Weiwei s’est inspiré du Shanhaijing, le Livre des Monts et des Mers : un ensemble de contes épiques et de légendes populaires imaginés dans l’Antiquité Chinoise et racontés aux enfants depuis plus de 2000 ans. Poils et plumes, visages et pattes s’unissent avec malice pour créer un monde parallèle. Les chimères qui arpentent les bois et les lacs de l’Empire du Milieu ont été peintes et sculptées au fil des siècles par les paysans. Ai Weiwei a choisi une trentaine de personnages, des dragons à plumes, pour leur imaginaire, leur folie, leur poésie.

« Installer le fantastique dans un lieu marchand interpelle l’imagination des clients, des visiteurs, des passants. Nous vivons tous en parallèle cet autre monde, celui de nos rêves, de nos fantasmes, de nos peurs. Nous devons apprendre à cohabiter avec cette partie indissociable de notre humanisme, apprivoiser notre mythologie. Les enfants savent le faire naturellement. Cette exposition s’adresse à l’enfant en chacun de nous ! » raconte Ai Weiwei.

Pour la réalisation de ces créatures mythologiques, Ai Weiwei a choisi la technique ancestrale des cerfs-volants traditionnels, qui allie la souplesse du bambou à la légèreté du papier de soie.

« Je voulais repousser les limites de ce médium qui est très populaire en Chine. Je me suis adressé au meilleur fabricant de cerfs-volants chinois, Monsieur Wong Yong Xun, dans la province du Shandong. Ces personnages sont des prouesses techniques. En même temps, c’est un artisanat très simple, tout le monde peut réaliser un cerf-volant. » souligne Ai Weiwei.

L’œuvre Er Xi se décline en trois parties. Les vitrines de la rue de Sèvres exposent mythes et symboles inspirés du livre des Monts et des Mers du Shanhaijing. En suspension et sous les verrières, les créatures mythologiques de Ai Weiwei prennent forme et vie en trois dimensions et rencontrent le public en toute intimité dans l’espace d’exposition dédié au rez-de-chaussée.
Quatre questions à Ai Weiwei

Pourquoi avoir choisi Le Bon Marché Rive Gauche ?

Exposer au Bon Marché c’est user d’un nouveau média, le grand magasin, pour aller à la rencontre d’un autre public, aussi large que celui d’un musée, qui ne vient pas à priori pour l’art. Cette expérience me permet aussi de renouveler ma façon de concevoir une exposition avec des contraintes différentes de celles d’un musée ou d’une galerie. Explorer de nouveaux potentiels fait partie intégrante de mon travail d’artiste.

Qu’aimez-vous à Paris ?

Les Parisiens prennent le temps de lire partout, dans le métro, aux terrasses de cafés. Paris incarne avant tout la littérature. Mon père, Ai Qing, y a passé trois ans dans sa jeunesse pour peindre. Il a découvert. Apollinaire, Aragon, Rimbaud… Plus tard il est devenu poète. En exil dans le désert de Gobi, il me lisait ces ouvrages et nous parlait de Paris. Cette ville, c’est une part de mon enfance.

Que représente pour vous le Shanhaijing ?

On m’a raconté les contes les plus célèbres du Shanhaijing comme à tous les enfants du pays, et ce quelques soit les périodes politiques car c’est d’abord une culture orale. Le Shanhaijing, c’est la Chine de mon enfance, mais aussi la Chine contemporaine qui est une mythologie que personne ne comprend, pas même moi. C’est pourquoi elle est aussi fascinante.

Avez-vous déjà réalisé un cerf-volant ?

C’est le premier objet que j’ai fabriqué quand j’avais 10 ans. Avec du bambou arraché de nuit aux volets des fenêtres car il n’y en avait pas dans le désert de Gobi où j’ai passé mon enfance. Pour le fil, tous les enfants du village ont volé dans la boîte à couture de leur mère. Nous étions fiers. J’ai conservé ce cerf-volant, il est toujours avec moi.

Retrouvez l’exposition d’Ai Weiwei « Er Xi, Air de jeux » au Bon Marché Rive Gauche jusqu’au 20 février 2016.

Visites pour adultes tous les jeudis de 19h à 20h et les samedis de 11h à 12h (inscription gratuite)

Visites pour jeune public (enfants de 6 à 11 ans) suivies d’un atelier artistique tous les mercredis et samedis de 14h à 16h (sur inscription, tarif : 20 euros).

Réservations au 01 44 39 81 81.

www.lebonmarche.com


http://swing-feminin.com/feerique-expos ... ve-gauche/
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"air de jeux", "aire de jeux" ou "ère de jeux"

Messagepar laoshi » 24 Jan 2016, 11:31

Merveilleuse exposition où l'on découvre un artiste généreux qui joue avec les normes de l'esthétique officielle pour la retourner contre le pouvoir. Car utiliser le bambou et le papier n'est pas neutre, c'est utiliser les moyens les plus rudimentaires, les moins dispendieux, comme le recommandait Mao en son temps, c'est donc créer un art authentiquement populaire, celui des cerfs-volants, celui que l'on découvre lors de la Fête des Lanternes, à la fin des cérémonies du Nouvel An chinois, un art fait, en apparence, pour le bonheur des petits enfants comme la mythologie du Livre des Monts et des Mers semble faite pour l'émerveillement des humbles...

Mais un sous cet "air de jeux", on découvre une "ère de jeux" ou une "aire de jeux" autrement subversive : Ai Weiwei ne célèbre pas seulement le jeu aérien des cerfs-volants et des lanternes, il nous dit aussi de dépasser les apparences, de découvrir les messages qui se cachent sous les faux-airs du jeu, il nous invite à décrypter les signes, comme dans un rébus.

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Ai Weiwei et Raymond Delambre au Bon Marché

En montrant, en fond de vitrine, comment on compte de 1 à 10 avec les doigts d’une seule main, Ai Weiwei rappelle les apprentissages de l’enfance mais, dans la même vitrine, il multiplie, à l’envers, les doigts d’honneur de ses "études de perspective". Ces doigts d'honneur renvoient, au-delà du défi aux autorités politiques, au geste simple du peintre qui prend l'échelle de ses modèles. Par ce geste insolent, iconoclaste, Ai Weiwei revendique, pour chacun, le droit rester, comme le disait Protagoras, "la mesure de toute chose". Car la démesure est du côté de l'Etat qui détruit, qui emprisonne, qui écrase l'individu. Rendre la simple mesure humaine à ce qui nous dépasse, paysages, déserts, océans, églises monumentales, "temples" de l'Etat tentaculaire, en les confrontant, en série, à la dimension de son propre doigt n'est pas seulement un geste de défi, c'est aussi, sans doute, une évocation plaisante du proverbe chinois bien connu 聪明人指着月亮的时候,傻子看着他的手指, "quand le sage montre la lune, l'imbécile regarde le doigt", une invitation à dépasser le sens apparemment obscène du geste pour voir l'essentiel....

Les vitrines du Bon Marché mettent ainsi en abyme les œuvres et les luttes d'Ai Weiwei comme son récent bras de fer contre la censure de Lego. Certaines réduisent génialement à deux dimensions les grandes installations en trois dimensions, celles des entassements de tabourets ou des rondes infernales des vélos ; d'autres miniaturisent les installations monumentales de portes et de fenêtres détruites par le vandalisme d'Etat ; d'autres enfin s'emparent du bestiaire parodique des dissidents chinois, clin d'œil au bestiaire monstrueux du Livre des Monts et des Mers.

Chinois dans l'âme, Ai Weiwei crée en effet des idéo-phonogrammes inédits, il joue avec les mots du français comme il joue avec les homophones chinois ! Et ce n’est pas un hasard si le carré où s’exposent les lanternes géantes d’Ai Weiwei a été baptisé "la chanson du blanc", hommage explicite au Bonheur des Dames de Zola, comme je le disais plus haut. Car "l’air", c’est aussi la chanson et "c’est à l’air qu’on reconnaît la chanson !"

    - Omniprésent dans les vitrines, le caonima en lego évoque l'animal fétiche dont nous avons si souvent parlé ici : 草泥马 [cǎo ní mǎ] , littéralement "cheval d’herbe et de boue" en chinois, est un quasi-homonyme de 肏你妈 [cào nǐ mā], qui signifie à peu près "nique ta mère" (la mère en question étant la mère patrie et … le Parti que tout chinois doit préférer à sa mère biologique !). Sa parenté visible avec le lama en fait aussi l’emblème de la solidarité des intellectuels chinois avec le Tibet, si durement éprouvé par la répression du PCC.

    - Le "crabe de rivière", dont l’énorme pince occupe le premier plan d’une vitrine entière et qu’on retrouve accroché en l’air, dénonce la dictature de Hu Jintao (le prédecesseur de Xi Jinping), déguisée en "harmonie" . Là encore, Ai Weiwei joue avec les mots : "crabe de rivière" [héxiè] et "harmonie" 和谐 [héxié], ne diffèrent que par le ton en chinois. Il joue aussi avec les expressions idiomatiques et les proverbes : [chōngqǐ pángxiè], littéralement "se faire passer pour un crabe", c’est "se comporter en tyran" ; les lecteurs de Mo Yan trouveront dans La Mélopée de l’ail paradisiaque, de Mo Yan, l’expression "marcher de côté comme un crabe despote" (螃蟹霸道横走 [pángxiè bàdào héng zǒu dans le texte original]) et Lucie m’a signalé l’expression 一群螃蟹过街 [yiqun pangxie guo jie], "un groupe de crabes traversent la rue", qu’il suffit d’énoncer pour évoquer la seconde partie du ditpyque : 横行霸道, [heng xing ba dao], "se conduire en tyran".

    - Aux côtés du crabe de rivière, il ne faut pas oublier le lézard "Yake", qui se nourrit de crabes de rivière et qui fait le buzz sur Weibo. Aussi redoutable et mystérieux que notre "Dahu", "la créature aurait eu un passé glorieux en Union soviétique, lit-on sur le twitter chinois, une région dans laquelle l’espèce est maintenant pratiquement éteinte. Elle se serait désormais établie dans des régions du monde telles que la Corée du nord, Cuba ou la Chine." Il vit dans le désert "ma le" ("le vagin de ta mère").
Le petit oiseau de Weibo, l’ordinateur d’Ai Weiwei, comme son passeport enfin restitué, sont justement représentés dans une vitrine, pied de nez aux caméras du Big Brother chinois qui le surveille en permanence et qu’il signale, devant son atelier, par une lanterne traditionnelle (elle aussi représentée en vitrine). Ai Weiwei se fait même de ces caméras envahissantes une auréole dans un audacieux portrait de saint bouddhique.

J'ai expliqué tout cela lors de la première visite guidée à laquelle j'ai participé par hasard ; j'espère que la jeune femme qui anime la visite l'expliquera aussi aux spectateurs...

Ce qui m'a fait plaisir, c'est de voir que les Chinois viennent en nombre visiter l'exposition. Ils découvrent ainsi un artiste que le pouvoir rêve encore et toujours d'"harmoniser", autrement dit de censurer...

Reste enfin un jeu avec le Bon Marché lui-même, emblème de l’économie de marché qui s’oppose au capitalisme d’Etat déguisé en communisme… Et si le Bon Marché a effectivement misé, au XIXème, sur la consommation de masse pour compenser une faible marge bénéficiaire sur chaque article, il est aujourd’hui une enseigne de luxe. Bon marché, l’exposition ne l’est sans doute pas, l’enseigne refuse de dire le prix qu’elle a payé pour cette publicité géante. Que son mécénat ne soit pas tout à fait désintéressé ne doit pas nous faire bouder notre plaisir de voir et de revoir non seulement les oeuvres d'Ai Weiwei mais encore la superbe architecture du magasin.

J'ai pris pas mal de photos de l'exposition, je les mettrai en ligne dès que possible... j'ajouterai aussi la couleur des tons quand j'en aurai le temps.
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pour déchiffrer les vitrines

Messagepar laoshi » 29 Jan 2016, 13:13

Voilà le premier volet de l'exposition Ai Weiwei ; je ferai une deuxième animation sur la Chanson du blanc dès que possible mais c'est l'explication des vitrines qui m'a semblé la plus urgente. A voir jusqu'au 20 février !



Ceux qui consultent le site sur une tablette peuvent voir le programme au format vidéo

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Ai Weiwei en fait-il trop ?

Messagepar mandarine » 01 Fév 2016, 15:19

Merci Laoshi , pour ces commentaires magistraux .

Ai Weiwei :Sa récente décision de retirer ses œuvres du Danemark après l’adoption d’une loi “honteuse" : loi sur l’immigration permettant au gouvernement de saisir les objets de valeur des migrants supérieurs à 1 300 euros.
http://www.lesinrocks.com/2016/01/news/ ... s-deurope/




Comment Ai Weiwei a transformé son compte Instagram en machine de guerre


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Capture d'écran du compte Instagram d'Ai Weiwei : @aiww

Ai Weiwei, ce n’est pas que des œuvres. C’est avant tout des actes. En témoigne sa récente décision de retirer ses œuvres du Danemark après l’adoption d’une loi “honteuse” contre les migrants. Retour ses combats les plus marquants et sur son usage des réseaux sociaux comme machine de guerre.

Leur fermeture anticipée aura fait plus de bruit que leur inauguration. Mercredi 24 janvier, le célèbre artiste chinois Ai Weiwei annulait ses deux expositions au Danemark, au musée d’ARoS à Aarhus et à la Fondation Faurschou à Copenhague. En cause, l’adoption la veille par le Parlement danois d’une loi sur l’immigration qu’il juge “honteuse”, permettant au gouvernement de saisir les objets de valeur des migrants supérieurs à 1 300 euros.

Sans surprise de la part de l’artiste hyperactif sur le web depuis l’ouverture de son blog en 2005, c’est sur son compte Instagram qu’il a choisi d’officialiser sa décision à ses quelque 200 000 abonnés. Au même titre que Twitter, ces plate-formes sont pour lui des armes contestataires à part entière, permettant de concilier le temps long de la production d’installations souvent monumentales et le temps court de la réaction en direct à l’actualité. Autre motif de cette dissidence 2.0, la censure à répétition que fait peser sur lui Pékin depuis ses premières œuvres des années 1990 et, dernier épisode, son emprisonnement 81 jours durant en avril 2011, suivi d’une assignation à résidence sous le prétexte de fraude fiscale.

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OK Capture plein écran 29012016 171154.bmp
Instagram : @aiww

A nouveau en possession de son passeport depuis le 22 juillet, Ai Weiwei est partout. En Europe notamment, où il enseigne à l’école d’art Universität der Kunste à Berlin, mais aussi à Paris, où il montre actuellement des œuvres à la Fondation Vuitton et au Bon Marché. Depuis le début du mois, c’est à l’île de Lesbos qu’il a décidé de consacrer ses efforts, la porte d’entrée grecque des migrants vers l’Europe. Retour sur les cinq combats les plus marquants de sa carrière.

A Lesbos, un mémorial pour les migrants

Commençons par le futur, et plus précisément son projet de mémorial dédié aux migrants à Lesbos. Depuis janvier, Weiwei y a installé un studio, où il travaille avec une petite dizaine d’étudiants chinois et allemands. Son but ? D’abord profiter de la renommé mondiale que lui ont offerte ses expos blockbuster pour attirer l’attention sur la situation désastreuse des migrants. Son mode d’action ? La documentation web au quotidien. En témoigne le flux compulsif de photos postées sur Instagram, à raison d’une cinquantaine par jours, légendées d’un lapidaire “#refugees” ou du hashtag “#safepassage” lancé par Greenpeace.

L’appel au boycott des Jeux olympiques chinois

Nous sommes en 2008, les JO ont lieu à en Chine, le monde entier a les yeux tournés vers l’Empire du Milieu, qui a enfin l’occasion de s’ouvrir au monde et de prouver que des changements démocratiques sont en cours. Architecte de formation, Ai Weiwei conçoit le stade olympique de Beijing en collaboration avec les architectes suisses Herzog & De Meuron, l’emblématique “Nid d’hirondelle”. Mais à l’été 2009, Ai Weiwei se désolidarise des jeux et appelle au boycott de la cérémonie d’ouverture, refusant d’être associé à l’opération de “propagande” chorégraphiée par le parti et, selon lui, “indigne de la responsabilité d’un artiste”.

Un nom pour les anonymes du tremblement de terre du Sichuan

C’est la goutte qui a fait déborder le vase. Parmi les causes directe de l’appel au boycott des JO, il y a la décision du gouvernement chinois de taire le nom des quelque 5 000 écoliers victimes de la catastrophe du Sichuan, un tremblement de terre meurtrier survenu le 12 mai 2008, affectant en majeure partie les écoles bâties à la sauvette dans une région largement corrompue. Au Figaro, il déclarait : “J’avais pensé à une œuvre artistique en hommage aux victimes. Puis j’ai décidé de changer de registre. M’entendre dire qu’une liste d’enfants morts est ‘secret d’État’ était insupportable.” Au terme d’une longue enquête auprès des cadres locaux, il retrouve les familles des victimes et recueille les noms, puis dresse une liste encore visible en ligne sur son site. Le combat porte ses fruits : un an après, en septembre 2009 Pékin ployait et officialisait à son tour le nombre des victimes.

Se souvenir de Tian’anmen

Comme sa séries de photos de migrants sur Instagram, l’une des œuvres historiques d’Ai Weiwei repose sur le principe de la documentation en flux continu d’un engagement. Depuis 1995, il augmente sa série de photographies Study of Perspective, les fameux doigts d’honneur en POV adressés aux monuments symboles des gouvernements, de tous les gouvernements. Le gouvernement chinois n’y échappe pas, avec la série de photos prises sur la place Tian’anmen, lieu de la répression dans le sang des révoltes estudiantines de 1989 par le Parti – un sujet encore tabou à ce jour. Un an avant, Ai Weiwei y avait déjà pris un cliché inspiré de celui de Marilyn Monroe et sa jupe soufflée en l’air, pris sur fond du portrait de Mao sur la place. Le combat pour la mémoire est toujours d’actualité, puisqu’en 2009, 20e anniversaire de la répression du soulèvement, il met en ligne sur Twitter un poème commémoratif.

Ai Weiwei en fait-il trop ?

Largement muselée, la liberté d’expression en Chine se cristallise autour de l’usage d’internet. Le rayonnement mondial du blog de l’artiste, définitivement censuré et fermé en 2009, puis de ses comptes Twitter (interdit en Chine) et Instagram (encore autorisé), Pékin en a bien conscience, qui cet été n’a consenti à lever son assignation à résidence qu’à la condition qu’il ne parle pas aux médias – une condition qu’il s’est aussitôt empressé de briser.

Pour autant, Ai Wei Wei en fait-il trop ? En 2006 déjà, de nombreux amateurs d’art médusés avaient vu passer sur la toile le détournement du clip de l’insupportable hit Gangnam Style où se trémoussait nul autre que l’artiste. L’intéressé avait alors déclaré lors d’un entretien au Figaro qu’il s’agissait d’une manière de contourner la censure qui empêchait aux chinois d’accéder au contenu lié à son nom sur le net.

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OK Capture plein écran 29012016 171348.bmp

Instagram : @aiww

Il y a quelques jours à peine, c’est un selfie en compagnie de Paris Hilton qui nous avait arraché la même moue incrédule. Commis lors de l’inauguration de ses installations au Bon Marché à Paris le 16 janvier, ce selfie avait ensuite été posté sur le même compte Instagram qui hébergeait – et héberge toujours – les photos de migrants. S’il est permis de douter que la liberté d’expression ultime soit d’avoir la licence de se tirer le portrait en compagnie d’une bimbo déchue, une chose est sûre : la révolution sera instagrammée.


http://www.lesinrocks.com/2016/02/01/ac ... -11801981/
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Re: Ai Weiwei s'expose Au Bon Marché.

Messagepar laoshi » 05 Fév 2016, 10:44

J'ai enfin eu le temps de lire ce long article. Merci de l'avoir posté, Mandarine !

L'activité d'Ai Weiwei en faveur des réfugiés s'inscrit dans la droite ligne de ses combats pour les droits de l'homme, où que ce soit.

La décision, prise par le gouvernement du Danemark, de confisquer les biens des réfugiés est contraire aux principes mêmes du droit international ! Ai Weiwei a raison de nous le rappeler, en la matière, nous bafouons nos propres valeurs...

Il a raison aussi de vouloir édifier un mémorial aux réfugiés morts en tentant de rejoindre les côtes européennes, de nous rappeler au "devoir de mémoire". Ce sont les régimes totalitaires, comme la Chine, qui oblitèrent la mémoire des peuples ! Ai Weiwei lutte contre l'oubli des massacres de Tian'anmen, contre l'oubli des enfants victimes du tremblement de terre du Sichuan, il lutte très légitimement ici contre l'oubli quotidien des réfugiés qui meurent en mer tandis que nous détournons les yeux pour ne pas avoir à nous souvenir... Cela nous rafraîchira la mémoire et nous empêchera au moins d'oublier en paix.

Son détournement du clip du Gangnam Style n'a pas été compris parce qu'il a été censuré : Jolvil avait mis en ligne les images supprimées, et je les avais traduites : le clip, en chinois, devait s'intituler le caonima style, cela change tout ! Ai Weiwei avait utilisé la vogue stupide de cette danse pour diffuser dans le monde entier son message fétiche "caonima", que j'ai maintes fois expliqué et qui est inscrit en toutes lettres au Bon Marché... Il ne s'agissait en aucune manière pour lui de reprendre à son compte la gesticulation absurde du clip coréen.

Quant au selfie dont il est question dans le texte, je pense qu'il s'inscrit dans la logique du mur des selfies du Bon Marché où l'on voit Ai Weiwei en compagnie de tous ceux qui veulent poser à ses côtés, célébrités ou anonymes... mais j'ignore tout de la "bimbo" en question et je me garderai d'interpréter plus avant cette image...
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Ai Weiwei : La Chanson du blanc 1

Messagepar laoshi » 19 Fév 2016, 12:59

J'ai enfin pu terminer l'animation de la première partie de La Chanson du blanc, ne manquez pas la dernière chance pour voir cette merveille, l'exposition ne dure que jusqu'à demain :

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Ai Weiwei : la chanson du blanc (suite)

Messagepar laoshi » 20 Fév 2016, 11:10

Voici la deuxième partie de la Chanson du blanc :

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Ai Weiwei sous le signe du dragon

Messagepar laoshi » 20 Fév 2016, 11:14

Voici la suite et la fin de l'exposition Ai Weiwei au Bon Marché, je l'ai intitulée sous le signe du dragon, mais elle contient aussi un aperçu du mur des selfies qui accueille le visiteur au premier étage

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