L'image est un puissant moyen de propagande. Dès 1949, les affiches célèbrent la geste maoïste.
C'est d'abord la libération, accueillie par des foules enthousiastes :
En réalité, la "libération" s'est accomplie au prix d'une cruauté inouïe ; le siège de Changchun a duré 5 mois en 1948, très exactement du 23 mai au 19 octobre 1948. Lin Biao avait décidé de faire de Changchun, la capitale du Manzhouguo, une "cité de la mort" ; de l'aveu même de Zhang Zhenglu, un ancien lieutenant-colonel de l'APL, auteur de 雪白血红 Neige blanche, Sang rouge , publié en 1989 par la maison d’édition de l'APL et retiré de la circulation au printemps 1990 après que le président Yang Shangkun eut déclaré qu'il « insultait le Parti communiste », le bilan est d'environ 150 000 morts. Frank Dikötter estime, dans The Tragedy of liberation, que 160 000 civils sont morts de faim. La situation était telle que les survivants en furent réduits au cannibalisme : la viande humaine était vendue 1, 20 dollar la livre sur le marché noir ! Il ne restait que 40 000 survivants au bout de 150 jours de siège soit, selon une estimation de 2009, 20 % de la population civile ; 80% des habitants avaient donc été éliminés. Jung Chang et Jon Halliday estiment quant à eux dans Mao, l'histoire inconnue que le nombre des victimes est compris entre 170 000 et 330 000 personnes, soit un bilan aussi sanglant que le massacre de Nankin ! Toute la Mandchourie a été conquise de la même manière... On comprend que les villes se soient rendues les unes après les autres pour éviter le pire. Pékin, où tout un chacun savait ce qui s'était passé en Mandchourie, capitula le 22 janvier après 40 jours de siège seulement... mais, contrairement à ce que montre cette belle image de propagande, le cœur n'y était pas vraiment...
Après la Libération, c'est la Réforme agraire qui est célébrée mais, là encore, il y a loin de la propagande à la réalité. La réalité chinoise n'avait rien à voir avec celle de l'Union soviétique sur laquelle Mao avait calqué sa révolution paysanne : diviser la population de chaque village en "propriétaires terriens", "paysans riches", "paysans moyen-pauvres", "paysans pauvres" et "travailleurs agricoles" était une gageure ; en réalité, la majorité de la terre était possédée par de tout petits propriétaires et rien ne ressemblait à la "féodalité" que prétendaient éradiquer les communistes. Plus de la moitié des paysans étaient propriétaires de leurs terres, beaucoup étaient en copropriété, moins de 6% étaient de simples fermiers ; les propriétaires terriens, dans leur grande majorité, n'étaient d'ailleurs guère mieux lotis qu'eux même si quelques riches propriétaires, comme le fameux Liu Wencai, existaient bel et bien ! Mais, comme le montre bien Mo Yan dans La Dure Loi du Karma, le portrait que l'idéologie officielle brosse des paysans riches est construit de toutes pièces.
La désignation des propriétaires fonciers à la vindicte populaire relevait donc de l'arbitraire et dans certaines régions les paysans "moyen-pauvres" ont fait office de boucs émissaires, faute de mieux... Officiellement, il fallait trouver un minimum de 10% de propriétaires fonciers mais, dans les faits, les archives montrent que ce pourcentage a été porté à 20 voire à 30 % de la population paysanne. On estime que le nombre des victimes des séances de dénonciation, comme celle que l'on voit sur cette image, est compris entre 500 000 et 1 000 000 : battus à mort, exécutés d'une balle dans la tête ou suicidés... Pour Mao, il s'agissait moins de redistribuer la terre que d'impliquer toute la population dans les meurtres de masse afin de sceller un pacte de sang entre elle et le Parti. Quant au mythe selon lequel le communisme aurait arraché le peuple chinois à la famine, il est démenti par les archives du Parti lui-même : dès 1951, la ration alimentaire moyenne des Chinois avait régressé au-dessous de son niveau à la Libération, elle était inférieure au minimum vital et les réquisitions de grain par l'Etat étaient pires que sous l'Empire !... En redistribuant les terres, le Parti avait surtout établi un inventaire très méticuleux de celles-ci alors qu'une grande partie d'entre elles échappait jusqu'alors à l'impôt. Désormais, la moindre parcelle était répertoriée et dûment imposée... L'image de l'intendant inflexible et inhumain comptant sur son boulier les quantités de grain que doit livrer chacun des fermiers au grand féodal est donc d'une cruelle ironie : en réalité, jamais les prélèvements de grain n'auront été aussi lourds que sous le communisme !
Les ouvriers ne sont pas oubliés de la propagande comme en témoigne cette affiche consacrée à une travailleuse-modèle en 1954.
Les images suivantes appartiennent toutes à la période de la collectivisation forcée dont nous avons déjà longuement parlé ici. La campagne d'extermination des moineaux et des hirondelles, en 1956 (prélude à celle de 1958, à moins qu'il ne s'agisse d'une erreur de datation dans l'article-source ?), la campagne anti-droitiers de 1957, le lancement des spoutniks, autrement dit des défis industriels et agricoles délirants du Grand Bond en avant et le culte de la personnalité rendu au Président Mao...
Une image de la Révolution culturelle promettant la destruction des "quatre vieilleries" :
Les deux dernières images montrent que le culte maoïste a la vie dure :
la libération, copie d'une toile de 1992
Célébration des opéras révolutionnaires modèles