Mèng Jiāng Nǔ pleurant sur la Grande Muraille

Mèng Jiāng Nǔ pleurant sur la Grande Muraille

Messagepar laoshi » 08 Juil 2011, 07:48

Voici le récit de la légende telle que les petits écoliers chinois peuvent la lire dans leurs manuels :

« Celui qui n'est pas allé à la grande muraille ne saurait être un brave ! » La Grande Muraille de Chine, longue de 10 000 lis, est l'une des huit merveilles du monde. Mais sais-tu au prix de combien d'hommes, morts d'épuisement, de morts aux os blanchis, on a pu l'ériger ? Sais-tu combien de parents, pour qu'elle soit édifiée, ont été privés de leur fils, combien d'enfants ont été privés de leur père et combien d'épouses ont perdu leur mari ? Le personnage principal de l'histoire, Mèng Jiāng Nǔ, est l'une d'entre eux.

La légende raconte que, dans la région de Bādálǐng vivaient depuis toujours deux familles, l'une s'appelait Mèng, l'autre Jiāng. Les deux familles, voisines depuis des générations, semblaient unies par les liens du sang et n'en former qu'une seule. Une année, la famille Mèng cultiva un plant de citrouille devant son mur ouest. Le plant grandissait doucement ; grimpant le long du mur, il en franchit le faîte et arriva dans la propriété voisine des Jiāng, où il se noua à un plant de citrouille qui se trouvait contre le mur de la maison. Cette citrouille grandissait et s'arrondissait, resplendissante, quiconque la voyait s'extasiait : c'était une vraie merveille !

Quand vint le temps de cueillir la citrouille, la famille Mèng et la famille Jiāng discutèrent. Puisque la citrouille avait poussé à cheval sur les deux cours, il fallait la couper en deux avec un couteau et en donner la moitié à chaque famille mais personne ne s'attendait à ce que le couteau rencontre une peau si résistante. Et voilà que la citrouille se partagea d'elle-même en deux moitiés dans un craquement retentissant…. A l'intérieur était allongé un petit bébé, blanc et replet, pleurant son « ouin, ouin », comme il se doit ! Tous, très surpris, se hâtèrent de soulever l'enfant dans leurs bras pour le voir : c'était une jolie petite fille ; les Mèng et les Jiāng étaient au comble du bonheur ; n'ayant d'enfant ni les uns ni les autres, ils convinrent de l'élever ensemble et choisirent de l'appeler « Mèng Jiāng Nǔ »…

Les jours passaient si vite qu'on ne s'en apercevait pas, la petite Mèng Jiāng Nǔ avait déjà six ans. Les Mèng et les Jiāng avaient une servante qui maîtrisait à la perfection l'art de la broderie. Quand la servante travaillait, Mèng Jiāng Nǔ se tenait à ses côtés pour la regarder ; après l'avoir vue faire quelques fois, elle apprit toute seule à faire aller et venir ses mains de la même manière, à la grande surprise de tous. La servante, sidérée, lui apprit donc son art en guidant sa main de la sienne. Mèng Jiāng Nǔ faisait preuve de grandes capacités de compréhension, aussi ne lui fallut-il pas longtemps pour réaliser des broderies semblables au modèle et très présentables. Le seigneur Jiāng, voyant que la petite fille avait une certaine intelligence, lui apprit à lire quelques poèmes populaires en vers libres. Quant à la servante, elle connaissait quelques intrigues empruntées à l'histoire folklorique et elle les raconta à la petite Mèng Jiāng Nǔ. La petite avait une bonne mémoire ; vers son quinzième ou seizième anniversaire, non seulement elle connaissait les hauts faits de divers personnages historiques mais encore elle était parfaitement éduquée.

Mèng Jiāng Nǔ, grandissant peu à peu sous la protection des deux familles, Jiāng et Mèng, devint ainsi une jolie jeune fille, gracieuse et élancée comme une statue de jade. Un jour qu'elle se promenait au jardin, elle aperçut soudain, caché au milieu des massifs de fleurs, un homme qui semblait un lettré. Imaginant qu'il pouvait s'agir d'un malfaiteur, elle appela en toute hâte son papa le seigneur Mèng à la rescousse. Le seigneur Mèng demanda au lettré de sortir du buisson, et dès sa première question, il sut que celui-ci s'appelait Fàn Xǐliáng.

En ce temps-là, l'empereur Qín Shǐ courait le pays par monts et par vaux pour réquisitionner des hommes vigoureux afin de construire la Grande Muraille. Sur dix des hommes dans la force de l'âge qui construisaient celle-ci, il y en avait huit ou neuf qui ne rentraient jamais et Fàn Xǐliáng, fuyant son village natal pour échapper à l'arrestation, était arrivé jusque là. Le seigneur Mèng, voyant que ce jeune homme avait des traits délicats, une conduite polie et une bonne éducation, lui offrit l'hospitalité. Non seulement Fàn Xǐliáng avait fait de solides études mais encore il était dur à la peine ce qui lui valait l'affection de tous ; Mèng Jiāng Nǔ se mit secrètement à l'aimer elle aussi.

En un clin d'œil, Mèng Jiāng Nǔ arriva à l'âge où les filles doivent se marier et les deux familles, les Mèng et les Jiāng, dès leur première discussion, estimèrent que Fàn Xǐliáng ferait l'affaire ; au premier mot qu'elles en touchèrent à leur fille, celle-ci, heureuse du fond du cœur, répondit timidement qu'elle était d'accord. Dès lors, les deux familles attendirent le mariage en bénissant le Ciel et la Terre. Le jour du mariage fut chaleureux et animé, mais les deux familles ne se doutaient pas qu'à l'instant même où elles allaient entrer dans la chambre des mariés, le mandarin du district viendrait arrêter les hommes dans la force de l'âge pour les emmener à la corvée, et qu'il enrôlerait Fàn Xǐliáng sans le laisser s'expliquer.

La pauvre Mèng Jiāng Nǔ pleurait toutes les larmes de son corps, elle restait assise, prostrée, jour après jour, à attendre Fàn Xǐliáng. Mais après avoir attendu trois mois sans voir son mari revenir, elle décida d'aller à la Grande Muraille le chercher. Elle marcha, oh, elle marcha, déchirant sa veste de paysan et usant ses chaussures, endurant mille et une souffrances, traversant les pires épreuves mais elle finit par arriver au pied de la Grande Muraille. Innombrables étaient les hommes dans la force de l'âge qui suaient sang et eau sous le soleil ardent et ils étaient très nombreux déjà ceux qui ne s'étaient pas relevés, épuisés par l'ascension. Les énormes blocs de rocher nécessaires à la construction étaient extraits à grands coups de masse et de burin par des paysans. Ils les portaient à deux mains, les chargeaient sur leurs épaules et, peu à peu, le rempart s'élevait sans aucun égard pour ceux qui l'édifiaient. Des officiers, armés de fouets, les surveillaient et les coups pleuvaient à verse à tout bout de champ. Les ouvriers qui ne pouvaient supporter ces traitements cruels et qui mouraient sur le chantier de la Grande Muraille étaient nombreux.

A la vue de ce spectacle affligeant, Mèng Jiāng Nǔ, le cœur palpitant, la chair frémissante, versant des larmes sans fin, était plus déterminée que jamais à retrouver son mari mais elle avait beau aller et venir, elle ne le trouvait pas. Sur des charbons ardents, cherchant et pleurant tout à la fois, elle finit par appeler à haute voix : « Xǐliáng, où es-tu, Xǐliáng où es-tu ? » Un conscrit qui revenait de l'extérieur du rempart lui dit alors : « tu cherches Fàn Xǐliáng ? » Mèng Jiāng Nǔ, tout heureuse, lui saisissant les mains, lui répondit : « Oui, grand-frère, est-ce que tu sais où il est ? » Le conscrit lui répondit, en baissant tristement la tête : « Il y a trois jours qu'il est mort, il est enseveli là-bas, dans les fondations de la Grande Muraille. » À l'annonce de cette triste nouvelle, Mèng Jiāng Nǔ faillit s'évanouir. Elle arriva en chancelant au pied de la Grande Muraille, il y avait là pléthore d'ossements mais, en réalité, elle ne savait toujours pas où était enterré Fàn Xǐliáng. Mèng Jiāng Nǔ, la voix brisée par les sanglots, pleura amèrement, elle pleura jusqu'à obscurcir le ciel et à enténébrer la terre de ses larmes. Elle pleurait, elle pleurait et l'on entendit tout à coup un formidable grondement : de fait, tout un pan de l'épaisse muraille venait de s'écrouler dans un bruit de tonnerre, découvrant le corps de Fàn Xǐliáng. Mèng Jiāng Nǔ se jeta sur le cadavre de son mari et se releva en pleurant plus amèrement encore.

Ayant entendu dire que quelqu'un avait renversé la Grande Muraille à force de larmes, l'Empereur Qín Shǐ envoya ses hommes l'arrêter. Or, au premier regard, l'Empereur fut subjugué par la beauté de Mèng Jiāng Nǔ : « Tu as fait tomber la Grande Muraille par la force de tes larmes, lui dit-il, c'est un crime passible de mort, la sentence est inéluctable. Cependant, si tu consens à devenir ma concubine, je te pardonnerai ». Mèng Jiāng Nǚ, regardant le despote devant elle, répondit : « J'y consens. Mais il faut que toi et moi nous allions à la Grande Muraille, je dois m'occuper de donner une sépulture à mon mari, ensuite, je t'épouserai». Pour obtenir Mèng Jiāng Nǔ, l'Empereur Qín Shǐ accepta. Ils allèrent donc à la Grande Muraille. Arrivée au pied du rempart, Mèng Jiāng Nǔ, montrant du doigt un tas d'ossements à l'empereur Qín Shǐ, lui dit avec colère : « Tyran, regarde ces ossements, vois combien d'époux tu as condamnés à la séparation, combien de familles tu as ruinées et anéanties ! Et tu voudrais que je t'épouse, toi, le tyran ? Tu rêves ! Ce que je veux, c'est aller retrouver mon mari dans le monde souterrain pour vivre à nouveau avec lui comme mari et femme ». Quand elle eut finit de parler, Mèng Jiāng Nǔ se précipita soudain la tête la première contre la Grande Muraille qui s'écroula dans un fracas de tonnerre, ensevelissant son corps avec celui de Fàn Xǐliáng.

Depuis lors, l'histoire émouvante de Mèng Jiāng Nǔ pleurant sur la grande Muraille n'a cessé de se transmettre dans le folklore et les hommes chantent encore aujourd'hui ses louanges.
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