Lisa See dans Filles de Shanghai a écrit:
Dans les temps anciens, […] il y avait deux sœurs qui habitaient sur la Lune. Elles étaient très belles. […]. Elles étaient […] souples comme des tiges de bambou, gracieuses comme des branches de saule agitées par la brise, avec des visages d’un ovale parfait, semblable à celui d’une graine de melon. Et elles étaient aussi intelligentes [que] débrouillardes […] – brodant leurs chaussons en forme de lis de plus de dix mille points chacun. Toute la nuit, les deux sœurs brodaient avec leurs soixante-dix aiguilles, et leur célérité ne tarda pas à grandir, au point que les gens sur la Terre se rassemblaient pour les regarder. […]
Les deux sœurs connaissaient les règles qui concernent la conduite des futures épouses […]. Aucun homme ne devait les voir – et encore moins les regarder. Chaque nuit, elles étaient un peu plus malheureuses, jusqu’à ce que l’aînée ait finalement une idée : « Nous devrions changer de place avec notre frère. » La cadette n’était pas tout à fait convaincue, il y avait un soupçon de vanité en elle, mais c’était son devoir de respecter les décisions de sa jie jie. Les deux sœurs enfilèrent donc leurs plus belles robes rouges, brodées de dragons s’élançant au milieu des fleurs flamboyantes, et allèrent trouver leur frère, qui vivait sur le Soleil, pour lui demander d’échanger leur place avec la sienne.[…]
- « Il y a plus de gens éveillés sur Terre de jour que de nuit, leur dit leur frère. Et plus de regards encore se tourneront vers vous. »
Les deux sœurs se mirent à pleurer […]. Le frère adorait ses deux sœurs et accepta finalement de changer de place avec elles […]. Les sœurs emballèrent leurs aiguilles et se rendirent dans leur nouvelle demeure. Sur Terre, les gens levèrent les yeux et aperçurent un homme sur la Lune. « Où sont les deux sœurs ? se demandèrent-ils. Où sont-elles donc passées ? » Désormais lorsque quelqu’un regarde le Soleil, les deux sœurs se servent de leurs soixante-dix aiguilles pour le piquer, afin qu’il ne les regarde pas trop longtemps. Et ceux qui refusent de détourner les yeux deviennent aveugles.