Chang E s'envolant sur la lune

Chang E s'envolant sur la lune

Messagepar laoshi » 01 Oct 2012, 07:50

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A l'occasion de la Fête de la mi-automne, je traduis les légendes associées. Voici la légende principale, celle de Chang E s'envolant sur la lune. Vous trouverez bien sûr le texte original, en chinois, le vocabulaire, la traduction pas-à-pas et la sonorisation sur mon site d'initiation au chinois lorsque tout sera terminé.


Selon la tradition, dans la plus haute antiquité, il y avait dix soleils qui apparaissaient simultanément dans le Ciel ; ils dardaient si fort leurs rayons que les récoltes séchaient sur pied et que les populations n’avaient plus aucun moyen de subsistance.

Un héros d’une force herculéenne, dénommé Hòu Yì, compatissant à la souffrance de la population, gravit le sommet des Monts Kunlun ; utilisant la force surhumaine de son pied, il banda son arc sacré et, décochant une seule flèche, il abattit neuf de ces soleils puis donna au dernier l’ordre formel de décliner selon les heures et les saisons, pour le bonheur des hommes.

Hou Yi obtint ainsi le respect et la vénération de la population ; il épousa une jolie femme vertueuse, elle s’appelait Chang E. En dehors de la grande chasse d’hiver traditionnelle du souverain à laquelle il participait, Hou Yi restait avec sa femme et tout le monde admirait l’amour qui unissait ce couple idéal, le talent du mari, la beauté de la femme. Nombre de jeunes gens d’idéal élevé, attirés par sa réputation, avaient déjà pris Hou Yi pour maître, et Peng Meng s'était joint à eux vaille que vaille.

Un jour, Hou Yi, en quête du Tao, allait rendre visite à un ami sur le mont Kunlun, quand il fit l’heureuse rencontre de la Reine-mère de l’Ouest qui passait par là ; c'est ainsi qu'il obtint d’elle le philtre d’immortalité ; à ce qu’on dit, on peut immédiatement monter au ciel et devenir immortel en l'avalant mais Hou Yi n’avait pas le cœur d'abandonner son épouse ; pour l’heure, il se contenta de le confier à la garde de Chang E.

Chang E cacha le remède dans le pavillon où elle se parait et se coiffait, à l'intérieur de son coffret à bijoux ; mais, contre toute attente, l’homme incapable de vertu qu’était Peng Meng l’aperçut. Peng Meng brûlait d'envie de voler le philtre d'immortalité et de l'avaler pour devenir lui-même immortel.

Trois jours plus tard, You Yi menait la foule de ses disciples pour une partie de chasse lorsque Peng Meng, gardant dans son cœur son dessein diabolique, fit mine d’être malade et resta en arrière ; il n’eut pas longtemps à attendre avant que Hou Yi ne s'éloigne avec la foule de ses hommes. L’épée à la main, il fit alors irruption dans l’arrière-cour de la demeure pour contraindre Chang E à lui remettre le philtre d’immortalité. Chang E savait qu’elle n’était pas de force à lutter contre lui ; devant le danger pressant, comme mue par un ressort, elle se leva, fit volte face et ouvrit son coffret à bijoux, elle en sortit le remède d’immortalité et l’avala d’une seule gorgée.

À peine avait-elle avalé le philtre que son corps quittait la terre dans un tourbillon ; s’élançant dans les airs par la fenêtre ouverte, Chang E s’envola vers le Ciel. Soucieuse pour son mari, elle se posa au plus près de la société des hommes, sur la lune, et devint immortelle.

Au crépuscule, quand Hou Yi fut rentré chez lui, les servantes lui racontèrent en pleurant les événements qui s’étaient produits dans la journée et Hou yi, pris d’épouvante et de fureur, tira l’épée pour aller tuer son disciple félon ; Peng Meng s’était enfui de bon matin mais, de colère, Hou Yi le frappa d’un coup de pied en pleine poitrine ; au comble de l’affliction, il appelait le nom de sa chère épouse en levant les yeux vers le ciel nocturne, c’est alors qu’il eut la stupeur de découvrir que la lune de ce jour-là avait une luminosité d’une blancheur extrême et que s’y balançait une silhouette ressemblant à s’y méprendre à Chang E... Hou Yi fit des efforts désespérés pour rejoindre Chang E sur la lune mais à peine avait-il fait trois pas que la lune reculait elle aussi de trois pas ; il recula de trois pas, la lune avança de trois pas ; de quelque manière qu’il s’y prît, il ne parvenait pas à se rapprocher d’elle...

Hou Yi était réduit à l'impuissance ; en souvenir de son épouse, il ne put rien faire de plus que d’envoyer ses gens dans le jardin de fleurs de l’arrière-cour où elle se plaisait auparavant pour qu'ils y disposent la table à encens ; il y fit placer, en offrande, les fruits frais sucrés qu’elle préférait ordinairement manger puis il fit le sacrifice aux défunts dont la sépulture est lointaine dans le Palais de la lune en pensant avec amour à sa chère Chang E.

Après qu’ils eurent appris par ouï-dire la nouvelle de la fuite de Chang E dans la lune et sa transformation en immortelle, les gens, en foule, disposèrent des tables à encens sous la lune, ils se tournèrent vers la bienveillante Chang E pour lui demander le bonheur et la paix ; c'est ainsi que la coutume de la prosternation à la lune s’est répandue parmi le peuple.
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Mao, une nouvelle Chang E s'envolant sur la lune

Messagepar laoshi » 16 Déc 2012, 18:26

Mo Yan s'amuse, dans La Dure Loi du Karma, à faire de Mao, au soir de sa mort, une nouvelle Chang E s'envolant au Ciel et se posant sur la lune dans l'attitude qu'ont "immortalisée" les chromos de l'époque :

Mo Yan dans La Dure Loi du Karma, pp. 462-463 a écrit:
Nous descendons au fil de l'eau, à la rencontre de la lune du seizième jour du huitième mois du calendrier lunaire [...]. Elle est pleine, [...], énorme et, au moment de son apparition, elle était d'un rouge sang, on aurait dit un nouveau-né sortant du vagin de l'univers, elle vagissait, dégoulinant de sang, changeant la couleur des eaux de la rivière. [...] pathétique et désolée, [elle] est venue accompagner de sa présence la mort de Mao Zedong. J'aperçois ce dernier, il est assis sur la lune – sous son poids, l'astre prend une forme oblongue -, les épaules couvertes du drapeau rouge, une cigarette aux doigts, il redresse légèrement sa tête pesante, il a un air pensif.

Comme Hou Yi "faisant des efforts désespérés pour rejoindre Chang E sur la lune" et constatant qu'"à peine il avait fait trois pas que la lune reculait elle aussi de trois pas", le cochon Ximen doit se rendre à l'évidence : la distance de la terre à la lune est infranchissable.

Mo Yan dans La Dure Loi du Karma, p. 463 a écrit:
Portant Petite Fleur sur mon dos, je descends au fil de l'eau, à la poursuite de la lune, à la poursuite de Mao Zedong. Nous voudrions nous approcher davantage de l'astre pour mieux distinguer le visage du président. Mais voilà, comme nous avançons, la lune aussi, de son côté, fait de même […]

En détournant comme il le fait ici le mythe, en faisant assumer à Mao le rôle de la gracile de Chang E, Mo Yan détrône symboliquement le dictateur : il souligne la réalité sanglante de son règne et révèle l'usurpation qui fonde son immortalité ! Car l'élixir d'éternité n'était pas destiné à Chang E dans la légende. Il revenait de droit au vertueux Hou Yi qui avait délivré l'humanité de la chaleur mortifère de 9 soleils monstrueux… 9 soleils qui "dardaient si fort leurs rayons que les récoltes séchaient sur pied et que les populations n’avaient plus aucun moyen de subsistance", dit la légende….
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Re: Chang E s'envolant sur la lune

Messagepar mandarine » 19 Déc 2012, 16:21

Hélas ," La grande famine" n'est pas une légende...
Les autorités de votre pays,qui elles aussi pensent forcément à leurs intérêts,ne manqueront pas de comprendre combien le type de célébrité que leur vaut la persécution de personnes telles que vous les dessert Vaclav Havel à Liu Xiaobo
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la danse de Chang'E

Messagepar laoshi » 18 Mars 2013, 18:45

J'ai lu quelque part que la légende de Chang'E se réduisait originellement à quelques phrases et que le récit primitif ne disait pas pourquoi la jeune beauté s'était envolée sur la lune. C'est sans doute l'une des raisons qui font que la légende a de multiples variantes. J'en ai traduit une autre, que je vous donnerai prochainement, et je viens d'en découvrir une troisième dans le feuilleton que diffuse actuellement CCTV, La Princesse Wencheng ; là Chang'E s'envole volontairement sur la lune après une dispute avec son mari adoré, Hou Yi, et elle ne peut plus redescendre, elle est condamnée à vivre sur la lune en compagnie du lapin de jade qui est adorable, sans doute, mais qui ne comprend rien aux sentiments humains. Le feuilleton nous apprend qu'il existait, sous la dynastie Tang, une danse de Chang'E mais je ne sais pas si ce que l'on voit de cette danse a une quelconque réalité historique...
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Retour vers le légendaire chinois

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