Le chien mord Lü Dong bin

Le chien mord Lü Dong bin

Messagepar laoshi » 18 Nov 2011, 08:39

Dans le premier épisode de Xi Laile, que je suis en train de transcrire et de traduire, Defu, l'apprenti du bon docteur, diagnostique un abcès en formation sur le doigt du sinistre apothicaire Meng ; celui-ci, au lieu de le remercier, le gifle violemment. Defu, se tenant la joue, lui dit alors en gémissant : 狗咬不识 [gǒu yǎo lǚ dòng bīn bù shì hǎo rénxīn] "le chien mord Lü Dong bin, il ne reconnaît pas les bonnes intentions". Le Grand Ricci précise qu'il s'agit d'un calembour, mais je ne sais pas vraiment à quoi on reconnaît les calembours en chinois, ici seule la "rime" en [īn], bīn/xīn , crée une assonance.

Lü Dong bin est un personnage semi-légendaire de la dynastie Tang ; c'était un alchimiste taoïste, devenu le plus connu des Huit Immortels. Il incarne la bienveillance et la compassion.

Voilà, pour ceux qui veulent en savoir plus, ce qu'en dit Wikipédia :


Wikipédia a écrit:
Jeune et célibataire, il aurait abandonné un poste de fonctionnaire pour une vie d’ermite. Devenu disciple de Zhongli Quan, il se sépara de son maître une fois son apprentissage terminé et resta sur la terre au lieu profiter avec lui des plaisirs des cieux. Sa riche légende le présente comme compatissant, très sage et très puissant, mais aussi parfois comme excentrique, épris du vin et des femmes.

Il existe en Chine plusieurs temples dont il est la divinité principale et il est connu sous différents noms divins ; son anniversaire est fêté le 14 du 4e mois lunaire ou le 4 du 1er mois. Suivant le succès des courants Neidan puis Quanzhen auprès des empereurs Song, Jin et Yuan, il reçut des titres divins de Huizong et Kubilai Khan.

Il est représenté vêtu en fonctionnaire, portant une épée qui peut écarter le mal et détruire les passions mauvaises, et parfois un chasse-mouche, insigne des religieux.

Éléments biographiques
La plupart des sources lui donnent comme prénom Yan (巖, 岩 ou 喦), et comme nom religieux Chunyangzi (純陽子) , « Maître du yang pur ». Il serait né en 796 sous l’empereur Dezong (德宗) des Tang à Yongle (永樂鎮), actuel xian de Ruicheng au Shanxi, ou vers la fin de la dynastie (IXe siècle) dans le district de la capitale (Jingzhao 京兆), Chang'an au Shaanxi ; l’Histoire des Song (宋史) en fait une connaissance de Chen Tuan (陳摶) (872-989), créateur du premier taijitu, ce qui serait compatible avec la seconde hypothèse. Selon la première version, plus courante, il aurait réussi le concours mandarinal en 825, mais aurait décidé rapidement d’abandonner son poste pour se retirer dans les monts Zhongnan (終南山) près de Changan – comme le fera plus tard Wang Chongyang. C’est lors d’une excursion à la capitale qu’il aurait rencontré Zhongli Quan qui lui aurait remis ses secrets alchimiques après lui avoir imposé dix épreuves. Certaines sources le font aussi rencontrer l’immortel du Dragon de feu (火龍真人), un autre taoïste légendaire de l’époque.

Légende
Lü Dongbin est depuis les Song du Nord[5] au centre d’un riche folklore propagé par les courants taoïstes et la littérature populaire écrite et orale.

La plupart des légendes insistent sur sa compassion et son sens social autant que sur son savoir-faire alchimique et ses dons d’immortel, témoignant de l’esprit du taoïsme post-Tang qui revendique ouvertement, au nom de la communauté fondamentale des Trois enseignements, certains idéaux issus du bouddhisme ou du confucianisme. Ainsi, il renonce à suivre Zhongli Quan dans les terres d’immortalité pour se consacrer à sauver tous les êtres en ce bas-monde, ce qui est un décalque du vœu de bodhisattva. Dans la même veine, il renonce à une technique permettant de transformer pour 500 ans un vil métal en or, par crainte de léser celui qui serait son propriétaire au moment de l’échéance fatidique. L’expression « Le chien qui mord Lü Dongbin » évoque une personne incapable de reconnaître une bonne intention.

Un autre courant du folklore populaire aime par contre en faire un héros anti-conformiste, excentrique, astucieux, buveur et coureur, ce qui ne diminue d'ailleurs en rien son prestige aux yeux des fidèles. Une tradition de certaines régions comme Taïwan veut que les couples évitent de se présenter ensemble devant lui car il essaierait de les séparer ; certains prétendent qu’il agit par dépit en raison de son échec auprès de He Xiangu. Le clergé taoïste, pour sa part, dément le bien-fondé de cette croyance.

Il est devenu dans le théâtre de Ma Zhiyuan des Yuan le héros du Rêve du millet jaune (黃粱夢 Huangliangmeng). Il s'y endort dans une auberge près de la capitale alors qu’on met à cuire du millet, et voit en rêve dix-huit ans d’existence : il devient fonctionnaire, obtient les honneurs et une famille heureuse, pour finalement tout perdre. Lorsqu’il se réveille, le millet est juste cuit et il comprend que son rêve est une illusion suscitée par Zhongli Quan. Il décide de le suivre et de devenir ermite.

La littérature populaire des Ming et des Qing voit parfois en lui une incarnation de l’immortel Donghua (東華帝君) ; L’encyclopédie des immortels (歷代神仙通鑒) en fait une incarnation de Huangtan (皇覃氏), personnage mythique de l’antiquité.

Textes
De nombreux poèmes de l’Intégrale de la poésie Tang (全唐詩 Quantangshi) portent son nom, ainsi que des textes taoïstes rassemblés avec les anecdotes le concernant dans la Monographie du patriarche Lü (呂祖志 Lüzuzhi) du canon taoïste. L’Histoire des Song lui attribue l’ouvrage alchimique Juizhen yushu (九真玉書) et Richard Wilhelm voit en lui le fondateur du courant jindan et la source principale de La Fleur d’or de la grande Unité (太一金華宗旨 Taiyi jinhua zongzhi).

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Re: Le chien mord Lü Dong bin

Messagepar laoshi » 18 Déc 2011, 22:00

Ce chengyu, découvert dans Xi Laile, apparaît également dans le feuilleton que diffuse actuellement CCTV (aujourd'hui les épisodes 7 et 8, mais je ne sais plus dans lequel des deux, le 7 je crois) ; les deux époques n'ont pourtant rien à voir l'une avec l'autre, la fin de l'empire pour Xi Laile, le début de l'ère Deng Xiaoping pour l'autre, intitulé Sifflet de pigeon => cela montre que c'est un chengyu encore couramment utilisé.
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la morale de l'intention

Messagepar laoshi » 13 Jan 2012, 15:45

J'ai revu hier l'épisode n°6 de Sifflet de pigeon ; l'expression 狗咬不识 [gǒu yǎo lǚ dòng bīn bù shì hǎo rénxīn] "le chien mord Lü Dong bin, il ne reconnaît pas les bonnes intentions" y apparaît dans un contexte proprement hallucinant (elle apparaît aussi dans l'épisode 7, signe qu'elle est vraiment très fréquente) !

Le professeur Mi, que sa voisine, directrice du comité de quartier, a poursuivi de sa vindicte pendant toute la Révolution culturelle, y fait amende honorable sous l'ère Deng Xiaoping ; il fait devant elle une autocritique en règle, s'accuse de n'avoir jamais été victime que de sa "grande gueule" et d'avoir méconnu les bonnes intentions de cette horrible harpie, qui voulait, pour son bien, le corriger de ses vilains défauts. Certes le contexte (le professeur veut amadouer sa terrible voisine pour qu'elle accepte sa fille pour brue) explique la chose mais la ficelle est quand même un peu grosse ! Si les intellectuels n'étaient pas aussi imbus de leur savoir et de leur esprit critique, tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes ! Sans doute la Jiang Jing du hutong a-t-elle manqué de charité à l'égard de son voisin, allant jusqu'à lui lancer un "tu es toujours vivant ?" alors qu'il rentrait de deux ans de laogai (camp de rééducation par le travail) mais son fils explique qu'elle aussi est une victime de cette "période de trouble", que, n'ayant pu faire des études secondaires du fait de la misère familiale, il était en quelque sorte normal qu'elle en veuille aux chanceux qui avaient eu les moyens d'étudier...En d'autres termes, certes, le Parti a des torts mais il a quand même toujours raison... Ce sont les jésuites qui ont inventé la morale de l'intention, apparemment, elle est fort bien assimilée en Chine ! A cela, je répondrai ce que disait Sartre dans Huis Clos : "seuls nos actes décident de ce que l'on a voulu" !
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Re: Le chien mord Lü Dong bin

Messagepar mandarine » 14 Jan 2012, 09:32

merci pour cette analyse ,
j'aime beaucoup quand vous dites : "la morale de l'intention" , je ne connaissais pas l'expression , mais j'en connaissais bien l'usage ....
Les autorités de votre pays,qui elles aussi pensent forcément à leurs intérêts,ne manqueront pas de comprendre combien le type de célébrité que leur vaut la persécution de personnes telles que vous les dessert Vaclav Havel à Liu Xiaobo
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tout se tient

Messagepar laoshi » 14 Jan 2012, 15:46

Chan Koonchung montre bien, dans Les Années fastes les effets pervers de cette "morale de l'intention" dans l'idéologie des hiérarques du PCC : convaincus d'agir pour "servir le peuple", sans jamais demander au peuple ce qu'il pense de la manière dont on le sert, ils s'exonèrent à bon compte de toutes leurs responsabilités dans les catastrophes économiques, écologiques ou sanitaires que génère leur politique. Et c'est évidemment aussi pour "servir le peuple" que les mêmes condamnent ou censurent ceux qui ont l'audace de "désespérer" sinon Billancourt du moins Pékin en révélant au grand jour les scandales du lait contaminé, du sang contaminé les massacres de Tian'Anmen ou le nombre réel des victimes du Grand Bond en avant.

Tout se tient dans le "paradis totalitaire", la gestion de la mémoire, l'euphorisation des masses, la falsification historique, la répression de la conscience dissidente...
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