J'ai été frappée, en regardant les feuilletons chinois de CCTV, de voir que les Chinois pratiquaient désormais la poignée de main (geste dont ils feraient mieux de se passer en ces périodes d'épidémies galopantes...). Dans les feuilletons qui datent d'une dizaine d'années, ils le font avec une sorte d'emphase touchante de maladresse. Cette maladresse persiste dans Le Printemps de Xiaowu, pourtant très récent, mais elle est "jouée" par l'héroïne, une toute petite patronne qui a fondé son entreprise et qui ne maîtrise donc pas les usages des "grands" ; mais pour les personnages importants, chevaliers d'industrie ou cadres politiques d'un certain rang, la poignée de main semble être devenue "naturelle". J'observe d'ailleurs le même phénomène dans les actualités de CCTV.
Etonnant comme les langages culturels sont incorporés !
J'ai réfléchi alors à toutes les marques de cette incorporation dans les livres ou les films. Voici, pour commencer cet inventaire, quelques gestes typiquement chinois.
se donner des gifles : il nous arrive d'être furieux contre nous-mêmes et de dire : "je me donnerais des gifles" mais je n'ai jamais vu un Français joindre le geste à la parole ! Il n'en va pas de même en Chine où ce geste est visiblement récurrent : je l'ai observé dans TOUS les feuilletons que je regarde depuis plus de deux ans maintenant sur CCTV. Quelle que soit l'époque concernée, il arrive toujours que l'un des personnages s'auto-punisse ainsi devant celui ou celle qu'il a offensé(e)... Le geste est toujours le même, chaque joue est frappée alternativement et de plus en plus violemment ! j'avais déjà vu ce comportement dans un feuilleton chinois, toujours sur CCTV, racontant une histoire du début du XX° siècle où un eunuque du palais impérial demandait régulièrement à son intendant de se gifler lui-même pour se punir de tel ou tel méfait, autopunition consciencieusement accomplie. Je l'ai retrouvé dans Xi Laile, mon feuilleton favori : les personnages s'y donnent des gifles à eux-mêmes pour se punir de tel ou tel impair ou de telle ou telle faute devant celui qu'ils ont offensé ou contrarié. Et, apparemment, ils y vont de bon coeur ! les gifles sont sonores et les joues rouges ! Dans Brothers, le roman de Yu Hua qui met en scène l'ère de Deng Xiaoping, le héros, Li Guangtou, se donne des gifles. Avez-vous déjà observé ce comportement "pour de vrai" en Chine ? Savez-vous comment cela se dit ?
se désigner en pointant son index ou son majeur sur son nez : c'est un geste dont notre guide à Pékin nous avait appris l'existence et que j'avais observé pour la première fois il y a quelques années dans un reportage sur le cinéma chinois sur Arte : un réalisateur chinois d'une cinquantaine d'années ponctuait toutes ses phrases de ce geste étonnant. Je dois dire que cela m'avait beaucoup étonnée : je percevais ce comportement comme quelque chose d'enfantin et je n'imaginais pas que les adultes l'aient conservé ! Je l'ai retrouvé, ces jours-ci, à la fin de l'épisode 22 de Mieux vaut danser, un feuilleton on ne peut plus "contemporain", où l'héroïne, passablement ivre, se désigne elle-même ainsi.
J'ai découvert d'autres gestes, plus codés encore, au fil de mes lectures ou lors de mon voyage en Chine :
Dans Le Rêve du village des Ding, par deux fois, un personnage renifle pour marquer son mépris pour un autre.
- ceux qui accompagnent l'apprentissage de la lecture et de l'écriture
- la façon de compter jusqu'à 10 avec les doigts d'une seule main, que chacun de vous connaît sans doute ici.
- le jeu de la mourre, un jeu de mains, dont j'ai parlé ailleurs sur ce forum.
- la manière dont, à Shanghai, sur le Bund, des jeunes hommes se promenaient enlacés alors même, sans doute, qu'ils n'auraient pas osé témoigner publiquement de leur homosexualité s'ils avaient été homosexuels.
- la façon de se moucher, dans la rue, sans mouchoir (mais c'est un comportement que l'on voit aussi ailleurs sans doute).
D'autres gestes sont communs à nos deux cultures : toujours dans un feuilleton de CCTV, j'ai vu un personnage porter ses doigts sur le lobe de son oreille après s'être brûlé. C'est un geste que l'on fait aussi en Berry (mon "pays" d'origine) et sans doute ailleurs en France...
Si vous avez repéré d'autres usages, d'autres gestes, d'autres témoignages des langages non linguistiques du corps, je vous serais reconnaissante de me les signaler.