Nous avons coutume de dire "à vos souhaits" à ceux qui éternuent. Cette expression est la version profane de l'expression médiévale "Dieu vous bénisse", qu'on recontre encore couramment en anglais : "God bless you !" Elle a en effet un sens conjuratoire, comme le geste qui l'accompagne : mettre sa main devant la bouche. Contrairement à ce que l'on imagine souvent, ce geste n'a rien à voir, à l'origine, avec le souci pasteurien de ne pas répandre de virus ! Cette idée n'est que la rationalisation tardive d'une pratique très ancienne, liée à une "conception pneumatique" de l'âme : pour les Anciens, l'âme est "souffle" ("rendre son dernier souffle", n'est-ce pas "rendre l'âme" ?) or l'éternuement, en projetant violemment le souffle en dehors du corps, met l'âme en danger ! il se pourrait bien que le Malin s'en empare ! Aussi, joignant le geste à la parole, nous empressons-nous sans le savoir de mettre notre âme à l'abri du corps d'une part et sous la protection de Dieu d'autre part !
Bien que je ne connaisse pas grand-chose à la philosophie asiatique, il me semble que les Chinois partagent cette conception pneumatique de l'âme puisque le 气 [qì] est tout à la fois "le souffle", "l'esprit", la "vie qui anime le corps humain". Je me suis donc demandé si les Chinois accompagnaient eux aussi de mots et de gestes conjuratoires les éternuements. Ma petite correspondante, qui partage avec moi le malheur d'avoir le rhume des foins et d'éternuer souvent, m'a dit qu'on disait 一百岁[yībǎi suì] "cent ans d'âge" pour un éternuement, 二百岁 [èrbǎi suì] "deux cents ans d'âge" pour deux éternuments etc. Mais elle ignore s'il y a, dans les croyances anciennes, un danger pour l'âme à être ainsi projetée en dehors du corps...
Si quelqu'un peut nous en dire plus....