J'ai découvert, en lisant Le Rêve dans le pavillon rouge, que les dominos chinois 骨牌 [gǔ pái], étaient différents des dominos de notre enfance ; au nombre de 32 (et non de 28, comme les nôtres), ils se divisent en trois groupes, les "supérieurs" 长牌 [chángpái], que l'on appelle aussi "civils", les "inférieurs" 短牌 [duǎnpái], qu'on appelle aussi "militaires", et les "divers" 杂牌 [zápái]. A la différence des nôtres, les dominos sont bicolores (dans le roman, les points sont rouges et bleus), et certains sont pourvus d'un sens symbolique.
Chaque domino représente l'un des 21 résultats possibles du lancer de deux dés dont les faces seraient numérotées de 1 à 6 (d'où la séparation horizontale des dominos en deux parties) ; dix de ces combinaisons, dites "militaires", sont présentes une seule fois dans le jeu [ce sont les combinaisons 3-6, 4-5 ; 2-6, 3-5 ; 2-5, 3-4 ; 2-4 ; 1-4 , 2-3 ; 1-2 ] ; les onze autres, dites "civiles", sont présentes en double dans le jeu [ce sont les combinaisons 6-6, 1-1, 4-4, 1-3, 5-5, 3-3, 2-2, 5-6, 4-6, 1-6, 1-5], ce qui porte le nombre de tuiles à 32.
Le nom et la valeur des dominos "militaires" sont simplement fonction du nombre total qu'ils représentent : le domino 3-6 et le domino 4-5 seront ainsi appelés "neuf" et les "neuf" l'emportent sur les "huit" (3-5 ; 2-6). Les dominos "militaires" de même valeur constituent des "paires". Les dominos civils qui ont la même valeur numérique que les dominos militaires ne peuvent pas s'apparier avec eux. Le domino 2-4 et le domino 1-2, qui sont seuls de à représenter le nombre 6 et le nombre 3 dans la série des dominos "militaires" s'apparient entre eux (les dominos 3-3 et 1-5 qui représentent également ce nombre 6 sont des dominos "civils" qui ne peuvent donc s'apparier avec des dominos "militaires"). Mis à la suite l'un de l'autre, en dépit de leur faible valeur numérique, ils constituent la plus haute "paire" 至尊 [zhì zūn] "sa majesté impériale", dans la variante cantonaise du jeu.
Chacun des dominos "civils" porte un nom symbolique : le double six, peint en rouge et en bleu, symbolise le Ciel, 天 [tiān] ; le double un, la terre, 地 [dì] ; le double quatre, l'homme, 人 [rén] ; le un et le trois, l'oie domestique 鵝 [é] ou l'harmonie 和 [hé] ; le double cinq - dont le point central est rouge et les quatre points périphériques blancs ou bleus -, la fleur du prunier des frimas, 梅花 [méi huā] ; le double trois, la robe longue des hommes 长衫 [cháng shān] (pour l'homophonie approximative de trois [sān] et de robe [shān]) ; le double deux est le banc, 板登[bǎn dèng], le cinq et le six, la hache 斧头 [fǔ tóu] ; le quatre et le six, le paravent de brocart, 屏 [píng] ou le dix à tête rouge , 红头十 [hóng tóu shí] ; le un et le six, le sept aux grandes jambes, 高脚七 [gāo jiǎo qī] ; le un et le cinq, le solitaire faisant versant de l'eau gouttte à goutte, 伶淋六 [líng lín liù] (la métaphore évoque la position des points et l'association du six avec la chance pour son homophonie avec le verbe "couler").
La valeur des dominos civils est elle aussi symbolique : le Ciel l'emporte sur la Terre qui l'emporte sur l'homme etc. (le joueur doit retenir la séquence dans l'ordre).
Dominos militaires et dominos civils se combinent pour former des paires plus ou moins fortes. La pièce "militaire" la plus forte étant le neuf et la pièce "civile" étant le Ciel, le jeu s'appelle également 天九 [tiān jiǔ] (Ciel-neuf), les autres combinaisons sont la terre et le huit 地八 [dì bā], l'homme et le sept 人七 [rén qī], l'oie et le cinq 鵝五 [é wǔ].