Enfants laissés à l'arrière.

postez ici les messages qui ne trouvent pas leur place dans les sujets déjà proposés

Enfants laissés à l'arrière.

Messagepar mandarine » 24 Juin 2015, 20:18

Nous avions déjà abordé la situation des enfants "à la clef",des enfants confiés à leurs grands-parents ( les parents partent travailler à la ville et reviennent leur rendre visite ,au mieux,à l'occasion du nouvel an chinois) ;mais lorsqu'il n'y a pas de grands-parents et que le couple se sépare,cela devient dramatique.
Nous avons en tête la situation des enfants du Yunnan...
Si la situation administrative des mingong s'est assouplie ,mais sachant qu'ils sont logés comme des rats dans les villes surpeuplées , comment trouver une place pour leurs enfants ?
Pensionnats ?Comme les enfants des bateliers en France .
J'ai exercé dans un collège public à Reims où les enfants, dont les parents travaillaient sur les péniches, étaient regroupés et bénéficiaient d'un statut un peu privilégié.(animations et veillées durant les week end,aumonerie...).
La campagne chinoise ne bénéficie guère du développement économique du pays ,ou pas encore ...





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Dans la province du Ghuizou,40% des enfants vivraient sans leurs parents.Ici , un instituteur conduit ses élèves vers l'école sur un petit chemin de campagne.

C’étaient quatre « enfants laissés à l’arrière » (liushou ertong en chinois), de 5 à 13 ans, que leurs parents, partis travailler dans les grandes villes, avaient laissés livrés à eux-mêmes à la campagne : mardi 9 juin, le frère aîné a empoisonné ses trois petites sœurs et s’est donné la mort en ingurgitant du pesticide, dans un village de la préfecture de Bijie, dans la province du Guizhou, l’une des plus pauvres du pays dans l’ouest de la Chine. L’adolescent a laissé une note : « Merci d’avoir été bon avec moi. Cela fait longtemps que je voulais le faire, et aujourd’hui, c’est le jour. J’ai juré que je ne vivrais pas au-delà de 15 ans et mourir était mon rêve. »

Il a été retrouvé inerte par un grand-oncle. Malgré l’arrivée des secours, les petites filles n’ont pu être sauvées. La mère, Ren Xifen, rentrée trois jours après le drame, a déclaré à la presse chinoise avoir quitté le foyer depuis un an en raison de la brutalité de son mari. Celui-ci était reparti en mars travailler dans la province du Guangdong, laissant seuls ses enfants, qui n’avaient plus de grands-parents.
Peu d’aide de l’Etat

Cette tragédie de la Chine rurale a provoqué une intense émotion, relançant les débats sur le sort des quelque 61 millions de liushou ertong, ces enfants « laissés à l’arrière » par leurs parents, travailleurs migrants, selon les estimations de la Fédération des femmes de Chine en 2013. Si la plupart sont confiés à leurs grands-parents ou à des membres de...

L’accès à la totalité de l’article est protégé

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/international/art ... CkW44Ud.99



http://www.lemonde.fr/international/art ... _3210.html

http://www.lefigaro.fr/international/20 ... cident.php

http://www.bfmtv.com/international/chin ... 95270.html
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Re: Enfants laissés à l'arrière.

Messagepar laoshi » 25 Juin 2015, 06:47

Le désespoir de ces enfants est à lui seul un réquisitoire terrible non seulement contre les injustices de la société chinoise mais encore sur les conséquences psychologiques de la misère et de l'illettrisme. Les deux articles auxquels vous renvoyez sont très explicites à cet égard :

Le Figaro a écrit:
[...] La Chine compte quelque 61 millions de Liushu Ertong, des enfants abandonnés, selon les statistiques de la All China Women's Association. Pris dans la plus grande vague de migration de l'histoire de l'humanité, leurs parents ont quitté leurs villages d'origine à la recherche d'un emploi dans les grandes métropoles du pays. Dans la majorité des cas, ils laissent leurs enfants sous la responsabilité de leurs parents ou de proches. Mais près de 5 % d'entre eux vivraient totalement seuls. En 2012, cinq enfants livrés à eux-mêmes étaient morts d'asphyxie au dioxyde de carbone dans la même ville, en tentant de se réchauffer avec du feu dans une benne à ordures.

Le premier ministre, Li Keqiang, s'est saisi de l'affaire, vendredi, et a ordonné une enquête. «Nous ne pouvons pas permettre qu'une telle tragédie se reproduise», a-t-il dit. Quelque 270 millions de Mingongs, des ouvriers migrants, ont quitté leurs campagnes, pour participer au développement économique des centres urbains, auxquels ils offrent une main d'œuvre à bas coût. Cependant, redoutant une explosion du nombre d'habitants dans des mégalopoles déjà surpeuplées, le gouvernement les prive d'un Hukou (permis de résidence) local. Leurs prestations sociales - assurance maladie, chômage - et les droits d'inscriptions de leurs enfants à l'école restent donc rattachés à leurs villages d'origine. De nombreuses associations déplorent que le gouvernement n'organise pas de système de pensionnat, pour prendre en charge leurs enfants.

La mère illettrée

Un véritable torrent de réactions s'est déversé sur les réseaux sociaux chinois, ou le pouvoir essuie de vives critiques. «Les enfants abandonnés sont les sacrifiés de l'urbanisation. L'État investit trop d'argent dans les écoles publiques importantes qui ne servent qu'aux enfants des privilégiés et trop peu dans les zones rurales. C'est une exploitation extrême et une injustice pour les paysans», condamne Feng Dou Zhong De sur le site de Microblog Weibo. «C'est le système du Hukou qui a provoqué ce drame. Quels parents n'aiment pas leurs enfants? Qui veut se séparer de ses enfants pour partir travailler ailleurs?», s'interroge Yuan Yuan Er sur Weibo.

La mère des quatre empoisonnés de Bijie, Ren Xifen, 32 ans, est rentrée, vendredi, du Guangdong, où elle travaillait dans une usine de jouets. «Je n'ai pas assumé mes responsabilités envers eux», a-t-elle reconnue dans un entretien à l'agence Chine Nouvelle, après avoir vu les corps de ses enfants avant leur crémation. Elle a confié les avoir quittés à la suite d'une dispute conjugale, expliquant ne «plus avoir le courage de revenir à la maison». «Je les ai réellement abandonnés, a regretté Ren. Je suis illettrée et je ne sais même pas écrire mon nom. Je voulais, qu'ils obtiennent de bons résultats à l'école, contrairement à moi, pour leur éviter cette vie si dure. Je voudrais tellement les rejoindre».


BFMTV a écrit:
[...] Cette tragédie met en lumière un phénomène répandu en Chine rurale: 61 millions d'enfants sont des liushou ertong, selon les estimations de la Fédération des femmes de Chine en 2013. Des enfants abandonnés par leurs parents, dont la plupart sont sous la garde des grands-parents ou d'autres membres de la famille. Les difficiles conditions de vie "à la ville" n'encouragent pas les familles à emmener leur progéniture.


"Il n’y a, en Chine, aucune aide de l’Etat pour le regroupement des familles: les travailleurs migrants sont considérés comme une force de travail, on nie leur dimension humaine. Malgré les annonces récurrentes de réformes du hukou (permis de résidence, ndlr), leur citoyenneté n’est toujours pas pleinement reconnue", explique la sinologue Chloé Froissart, interrogée par Le Monde.

Seuls depuis 2011

D'ailleurs, la mère des quatre enfants est arrivée trois jours après sur les lieux. Elle a déclaré avoir quitté le foyer depuis un an en raison de la brutalité de son mari. Celui-ci était reparti en mars travailler dans la province du Guangdong, laissant seuls ses enfants, qui n’avaient plus de grands-parents, précise le quotidien. Selon un communiqué du gouvernement, la fratrie vivait plus ou moins seuls depuis 2011. Celui-ci a également indiqué que la famille recevait pourtant une allocation trimestrielle de 1 062 yuans (150 euros) depuis 2012.

Signe cependant que les choses avancent, une enquête a été ouverte par le Premier ministre après le suicide des enfants. Plusieurs "têtes" sont ainsi tombées, comme le directeur du bureau d’éducation du district de Qixingguan mais aussi le secrétaire du Parti communiste chinois du village où vivaient les enfants, et un principal d’école. En 2012, 60 millions de yuans ont été débloqués par la ville de Bijie en faveur des "enfants de l’arrière", rappelle un journaliste du Nouveau quotidien de Pékin, mais certains se demandent toujours "ce qu’est devenu ce fonds", ajoute-il.


Voici les liens du forum qu'évoque Mandarine : Seules dans les montagnes du Yunnan, et les liushou ertong.
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liushou ertong:les enfants laissés derrière.

Messagepar mandarine » 23 Fév 2016, 09:24

A l'issue des retrouvailles familiales du Nouvel An chinois ,
Le premier ministre chinois, Li Keqiang, vient de signer une directive qui, pour la première fois, place ces enfants sous la protection de l’Etat.


En Avril dernier , une ONG chinoise a lancé un programme-pilote dans le Hénan,financé uniquement par des pays étrangers.





Acculée, la Chine s’attaque au fléau des enfants abandonnés
Parce que leurs parents sont partis travailler en ville en quête de meilleurs salaires, 61 millions d’enfants sont livrés à eux-mêmes.

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C’est un pas en avant pour ceux qu’on appelle les «laissés derrière». Des garçons et des fillettes des campagnes chinoises laissés au village par leurs parents partis tenter leur chance en ville dans l’espoir d’offrir un meilleur avenir à leur famille. Le premier ministre chinois, Li Keqiang, vient de signer une directive qui, pour la première fois, place ces enfants sous la protection de l’Etat.
Une ONG chinoise a lancé un programme-pilote dans le Hunan.Le finacement provient uniquement des pays étrangers.

Le pouvoir ne pouvait pas continuer à fermer les yeux sur le sort de ces bambins, victimes de «tragédies extrêmes», selon les propres mots du numéro 2 du régime chinois. Leur isolement en fait des proies faciles pour les trafiquants et autres criminels comme les violeurs. Privés de soutien affectif, ils se retrouvent souvent en rupture scolaire et très fragilisés au plan psychique.

Dans la plupart des cas, ces enfants «laissés derrière» (liushou ertong, en mandarin) sont confiés à leurs grands-parents. Souvent démunis et âgés, ces derniers ne parviennent pas à remplacer les parents. Selon les statistiques officielles, sur les 61 millions d’enfants «laissés derrière» à travers la Chine, presque l’équivalent de la population française, 2 millions seraient complètement livrés à eux-mêmes. Le problème dure depuis des années.

Rendue publique le 14 février, soit un jour après la fin des traditionnelles retrouvailles familiales du Nouvel-An chinois, la directive impose désormais aux couples ayant quitté le domicile familial de placer leurs enfants, lorsqu’ils ont moins de 16 ans, sous la responsabilité d’une personne adulte. «Les travailleurs migrants qui peuvent partir en prenant leurs enfants avec eux sont encouragés à le faire. Le cas échéant, l’un des deux géniteurs devrait rester à la maison. Les parents qui ne peuvent pas répondre à ces obligations doivent désigner un tuteur légal», précise la directive. Selon la nouvelle régulation, chaque enfant «laissé derrière» sera également associé à un fichier unique permettant aux différentes autorités (école, officiels locaux, responsables du Parti) de vérifier que ces populations fragiles bénéficient bien d’une protection adéquate.

«Cela va dans le bon sens, indiscutablement, mais nous attendons de voir l’application concrète sur le terrain. Le déploiement, c’est toujours une autre histoire», affirme Cindy Lin, présidente de la Chun Hui Bo’Ai Children’s Foundation. En avril dernier, cette ONG chinoise a lancé un programme-pilote au Henan, province pauvre du centre de la Chine, pour recruter et former localement des travailleurs sociaux capables de suivre ces enfants esseulés. Le programme doit durer trois ans. Il pourra ensuite être déployé dans d’autres provinces chinoises, espère Cindy Lin. Pour l’instant, les financements proviennent uniquement de pays étrangers.

Cette prise de position, encore très symbolique, à ce stade, faute de détails sur le budget ou le calendrier des prochaines étapes, intervient huit mois après un fait divers retentissant qui avait secoué toute la Chine. En juin dernier, dans la province du Guizhou, au sud-ouest de la Chine, quatre frères et sœurs âgés de 5 à 14 ans, «laissés derrière» par leurs parents, s’étaient suicidés collectivement en avalant des pesticides. Le traumatisme national provoqué par ce fait divers tragique avait alors conduit au limogeage du chef du Parti et du maire de Tiankan, le petit bourg où la fratrie avait été laissée à elle-même, depuis plus d’un an.


http://www.tdg.ch/monde/asie-oceanie/Ac ... y/19598364
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Re: Enfants laissés à l'arrière.

Messagepar laoshi » 23 Fév 2016, 09:49

Nul mieux que Wang Bing n'a décrit la situation dramatique de ces enfants cf. Seules dans les montagnes du Hunan. La mesure annoncée à Li Keqiang est un premier pas mais... un tout petit pas ! Espérons qu'elle sera suivie d'effet....
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En Chine, au pays des enfants délaissés

Messagepar mandarine » 31 Mars 2016, 15:31

Très bon reportage selon moi du journal Le Monde et de magnifiques photos que je n 'ai pu joindre dans leur totalité.Vous les verrez sur le lien en fin d'article.




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Dans cette contrée de ciel bas, de pluie et de brume, que percent d’innombrables pitons de karst, quelques paysans s’acharnent sur des lamelles de terre à flanc de colline, trop ingrates à cette altitude pour donner du riz. Nayong, au cœur de la province du Guizhou, dans le sud-ouest de la Chine, est typique de ces régions pauvres et reculées aux villages peuplés d’enfants et de vieillards.

Les parents sont des « travailleurs migrants » partis sur la ligne de front, les grandes villes, où ils vivent dans des conditions précaires et livrent une bataille inégale contre la Chine éduquée et urbaine. Leurs enfants restent le plus souvent en zone rurale sous la garde de grands-parents ou parfois seuls, à fréquenter des écoles éloignées, à se morfondre ou à faire les quatre cents coups. Cette pathologie sociale est devenue tellement répandue en Chine qu’elle a fait naître une expression, les « enfants laissés à l’arrière » ou « liushou ertong » en chinois. Ils seraient aujourd’hui 61 millions dans les campagnes chinoises, soit 40 % de tous les enfants d’origine rurale de moins de 16 ans.

À Nayong, cet écartèlement des existences donne aux campagnes des allures de chantiers inachevés - l’argent semble souvent manquer pour finir ces maisons en béton aux fenêtres désossées qu’on a voulues trop grandes. Les rares bâtisses un peu anciennes sont à l’abandon. Zhu Xinyuan, un petit bonhomme de huit ans d’un village du comté, est de ceux qui grandissent depuis des années sans ses parents. Vêtu d’un sweat-shirt vert où se détache en grosses lettres jaunes « Pablo bear », il partage avec son grand-père de 71 ans les deux pièces d’une fermette à peine meublée. À l’intérieur, quelques ustensiles pendent à des crochets fichés à même les murs en parpaing. Un tuyau de poêle pansé de vieux cartons traverse une lucarne sans carreau.

Parti il y a cinq ans travailler comme ouvrier de la construction dans l’Est de la Chine, le père de Xinyuan n’est revenu qu’une fois voir l’enfant, en décembre 2014. La mère du garçonnet est partie avec la fille du couple il y a 4 ans sans donner de nouvelles. Le vieux paysan a élevé l’enfant seul, avec les 800 yuans par an (110 euros) qu’envoie le père, sa maigre pension mensuelle de 62 yuans et son champ de maïs. L’ancienne maison du couple, juste à côté, est fermée. « Je dis à mon fils de revenir et de se remarier. Il me dit à quoi bon, il a déjà un fils et une fille » explique le vieil homme, désemparé.

« L’enfant ne parle jamais, il ne pose jamais de questions », confie l’un des instituteurs du canton. Un tiers des écoliers sous sa supervision sont des liushu ertong. Une situation qu’il juge « très grave ». Chargé par sa tutelle de surveiller les cas les plus critiques, il leur donne un billet ou deux sur sa maigre paye mensuelle. Et implore la discrétion : « sinon, le gouvernement va penser que je critique son incompétence et lui donne une mauvaise image ».


Si les autorités locales craignent autant d’être stigmatisées et ont la fâcheuse habitude d’intimider les journalistes s’intéressant au sujet, c’est que la préfecture de Bijie, à laquelle appartiennent Nayong et les comtés voisins, a été le théâtre de deux drames qui ont frappé les esprits en Chine. En 2012, cinq garçonnets sont morts asphyxiés dans un conteneur à déchets après avoir allumé un feu pour se réchauffer. Ils étaient cousins, leurs pères besognaient à Shenzhen. Puis en juin 2015, un garçon de 13 ans a empoisonné ses trois petites sœurs avant de se donner la mort en ingurgitant du pesticide, révélant une détresse psychologique immense. Ses parents, séparés, travaillaient loin du foyer. Si l’instituteur et le principal de l’école ont été sanctionnés pour n’avoir pas su « prévenir » la tragédie, l’opinion publique chinoise a bien vu dans celle-ci le révélateur de dysfonctionnements sociétaux profonds.

La préfecture de Bijie, grande comme la Bretagne, cumule les handicaps : 70 % de ses 6,5 millions d’habitants vivent encore en zone rurale, contre moins de 50 % désormais pour l’ensemble du pays. Pas loin de 20 % de sa population, soit 1,2 million de personnes, est en dessous du seuil de pauvreté chinois de 2300 yuans par an (313 euros). Être « enfant de l’arrière » y a longtemps été moins un stigmate qu’être un enfant pauvre tout court : « au moins, ces enfants ont un revenu. Ceux dont les familles n’ont pas quitté les montagnes depuis des générations sont plus mal lotis. Dans tous ces endroits du Guizhou, quand un instituteur demande aux enfants ce qu’est leur rêve, ils répondent « partir travailler en ville ». C’est la seule manière pour eux de changer de destin », note l’animateur d’une petite organisation charitable de Zunyi, une ville voisine du Guizhou.

Les souffrances psychologiques et le désarroi émotionnel provoqués par ces séparations au long cours ont longtemps été sous-estimés en Chine. Elles commencent à faire l’objet d’études plus approfondies. Selon une enquête de l’ONG pékinoise Shangxuelushang (littéralement « sur le chemin de l’école ») portant sur «l’état mental des liushou ertong », publiée l’été dernier, 15 % des enfants délaissés verraient leurs parents moins d’une fois par an – soit 9 millions d’enfants à l’échelle du pays. Environ 30 % ne les voient pas plus d’une ou deux fois par an. « Le détail des statistiques montre des tendances alarmantes » estime Pia MacRae, la représentante de l’ONG Save the Children à Pékin.

L’incertitude liée à l’absence des parents nourrit le sentiment d’abandon, l’anxiété et le manque d’estime de soi chez les enfants délaissés. Mais, note-t-elle, « il y a aussi eu un changement radical en termes d’implication du public. Avant, les gens ne se rendaient même pas compte du problème. La protection de l’enfant n’était pas sur leur radar. Cela a changé grâce au retentissement de ces cas sur les réseaux sociaux ».Sur le terrain, peu d’associations ont toutefois les mains libres dans le contexte politique actuel de défiance vis-à-vis de la société civile. Et le ralentissement économique exarcèbe les disparités sociales.

Le syndrome des enfants de l’arrière est un dommage collatéral de la course à l’ascension sociale : les parents migrants justifient de partir loin gagner de l’argent pour pouvoir payer à leurs enfants de bonnes études. Mais ils compromettent parfois davantage la capacité de ceux-ci à s’en sortir. Les couples migrants qui emmènent avec eux leur progéniture – on compterait 35 millions d’enfants dans ce cas, moitié moins que le nombre d’enfants restés « à l’arrière » - font face au défi de les scolariser là où ils travaillent. Or, le plus souvent, ils n’ont accès qu’à des « écoles pour migrants », créées dans certains quartiers par les parents eux-mêmes et hors du système public. L’obtention du hukou, le permis de résidence auquel sont attachées toutes sortes de droits et prestations sociales, continue d’être une gageure pour nombre des 270 millions de travailleurs migrants chinois, malgré un assouplissement récent dans les villes petites et moyennes.


Dans le Guizhou, rares sont les familles qui n’ont pas été confrontées aux dilemmes de la dislocation familiale pour raison économique. Ainsi de Liu Qin et de son mari : ce couple de Nayong est parti plusieurs années tenir un étal de rue à Guiyang, la capitale du Guizhou. Ils confient la garde de leurs deux plus jeunes enfants à leur fille aînée, Ding Ting, alors âgée de 13 ans. « On ne pouvait pas les avoir avec nous, on travaillait de 15 heures à 3 heures du matin » dit Liu Qin. « Ma fille faisait la lessive, cuisinait et devait étudier en même temps. Elle m’appelait en pleurant quand les petits avaient filé et qu’elles ne pouvaient pas les retrouver. Elle s’affolait, je pleurais aussi ... ». Puis le cadet a commencé à voler de l’argent pour jouer à des jeux en ligne. Le couple a donc pris la décision de rentrer.

La famille réunifiée vit désormais dans un appartement vétuste dans le chef-lieu de Nayong, auquel on accède par un étroit couloir entre deux immeubles de briques. Les murs sont nus, le confort rudimentaire. Ding Ting, qui a 18 ans cette année, se félicite de pouvoir se consacrer à ses études – elle veut devenir professeur de chinois. « Je sais que c’était dur pour mes parents. Mon père n’a pas pu faire d’études, c’était la révolution culturelle. Il a dû tellement travailler que sa santé va mal » dit-elle. Liu Qin, la mère, se souvient, elle, d’avoir quitté son village à 14 ans pour aider une tante à vendre du tofu dans les rues de Kunming. Elle est ensuite partie dans une autre ville conduire un vélo-pousse avant de rentrer se marier à 19 ans. Le couple travaille d’arrache-pied, mais est plus serein : le mari conduit un taxi l’après-midi jusque tard la nuit, et Liu Qin en matinée, car elle s’est faite un jour agresser au couteau.



C’est parfois un sujet d’inquiétude ici : à Nayong, des voitures de police font le guet la nuit au coin des rues. On y parle de « problèmes de sécurité ». Les adolescents issus de familles aux liens distendus sont plus susceptibles d’adopter en grandissant des comportements déviants. Certains rejoignent les confréries criminelles typiques des petites villes chinoises. Les « gangs du Guizhou » ont ainsi fait parler d’eux ces dernières années jusqu’à Canton, la mégapole du Sud, et même Hongkong.

Le gouvernement chinois est bien conscient de cette bombe à retardement des enfants délaissés : le premier ministre, Li Keqiang, a réuni le 27 janvier le gouvernement chinois pour fixer de nouveaux engagements aux institutions de l’Etat, à la société mais aussi aux familles, déclarant que le développement sain de ces dizaines de millions d’enfants était « une responsabilité commune ».

Dans le Guizhou, les localités rattachées à Bijie ont déjà énoncé à l’été 2015 des mesures spécifiques – le comté de Nayong propose ainsi de créer des « groupes de travail » dans chaque canton, de consacrer 8 % des dépenses à une fondation consacrée aux enfants délaissés, et d’envoyer des messages vidéo aux parents sur les réseaux sociaux. En septembre, le gouvernement provincial du Guizhou a appelé ses comtés à réduire de 10 % par an le nombre de liushu ertong.

Mais un fossé sépare ces belles promesses d’une mise en œuvre effective et efficace. Et l’argent fait défaut. Pourtant, la préfecture de Bijie déclare allouer depuis le drame de 2012 un financement annuel de 8 millions d’euros au profit des « enfants de l’arrière » . Or, son utilisation est tellement opaque qu’un célèbre lanceur d’alerte de Canton, Zhou Xiaoyun, a entrepris en janvier 2016 d’exiger de la justice son audit.

Ici comme ailleurs, le développement des infrastructures de transport semble absorber tous les investissements. Non sans certaines retombées positives : Bijie vient d’être relié au train à grande vitesse, et Nayong, à l’autoroute provinciale. Ce qui raccourcit un peu la distance qui sépare les villages de « l’arrière » des « lignes de front » à l’autre bout du pays. À défaut de combler le vide affectif qui hante les enfants délaissés des campagnes chinoises.


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Re: Enfants laissés à l'arrière.

Messagepar laoshi » 31 Mars 2016, 17:14

Excellent reportage et triste condition que celle de ces enfants !
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Les ayi témoignent .Liushou ertong

Messagepar mandarine » 07 Juin 2016, 11:01

Si l'intégration des migrants semblent évoluer , leurs enfants n'en font toujours pas partie.


ENFANTS DE MIGRANTS - Nos ayis témoignent



De Gaëlle Déchelette

En mars 2016, le gouvernement chinois a lancé une grande campagne de recensement des enfants « laissés en arrière » 留守儿童liushou ertong. En effet des millions de 民工 Mingong, ces travailleurs migrants qui quittent les campagnes pour aller travailler dans les villes, doivent souvent laisser derrière eux leurs enfants à la charge de leur proches. On estime à 60 millions le nombre d’enfants dans cette situation. Image

Le Hukou à l’origine des 留守儿童

Pour comprendre ce phénomène il faut rappeler ce qu’est le 户口 hukou.
Le Hukou est la carte de résident qui donne droit aux différents services locaux (écoles, hôpitaux, etc). Ce système ne permet pas de changer librement de lieu de résidence. Or on estime à 254 millions le nombre de travailleurs migrants en Chine, chiffre qui devrait atteindre 310 millions d’ici 2030. Le système de Hukou leur interdisant l’accès aux services publics des villes dans lesquelles ils travaillent, leurs enfants ne peuvent intégrer les écoles en zone urbaine. Seule solution, les écoles « spéciales » pour enfants de migrants, qui ont un coût. Seuls 35 millions des enfants de migrants résident avec eux en ville, parfois sans accès à l’éducation. Ils font partie de la population flottante non enregistrée dans les statistiques.

Cependant le salaire moyen des民工étant inférieur à celui des travailleurs locaux (2.000RMB contre 3.200RMB par mois en moyenne), incite la plupart des Mingong à laisser leurs enfants à la campagne. Environ 60 millions d’enfants vivent ainsi sous la surveillance de leurs grands-parents ou même seuls. Régulièrement des cas extrêmes font la une des médias : cas d’abus sexuels, suicide d’enfants, mais aussi plus de difficultés à l’école et de troubles mentaux.







Un choix difficile

Parmi les 民工que nous côtoyons quotidiennement, nous avons décidé d’interroger des mères qui s’occupent des enfants des autres : les ayis. Cet échantillon n’est cependant pas représentatif, car le salaire d’une ayi après quelques années d’expérience se situe entre 4.000 et 6.000 RMB par mois.

Première surprise d’abord : sur la dizaine d’ayis que nous avons interrogées, sept ont un enfant qui vit actuellement avec elles à Shanghai. Leur salaire leur permet d’inscrire leur enfant dans les écoles pour migrants. Même si comme le dit Liu Yuanzhen, 32 ans et une fille de dix ans, c’est de plus en plus difficile car il faut souvent produire des justificatifs de revenus, or la quasi-totalité des ayis travaillent au noir.

Certaines ont dû renvoyer leurs enfants à la campagne pour entrer au lycée, faute de pouvoir intégrer une école locale : ainsi Jenny, 46 ans, a une fille de seize ans qui étudie au Shandong, dont elles sont originaires. C’est la grand-mère qui s’occupe de l’adolescente, qui espère après avoir passé le 高考gaokao (examen d’entrée à l’université) intégrer une université à Shanghai ou Pékin.

Pour Wanwan, 32 ans, dont le fils de huit ans va à l’école à Shanghai, le plus dur a été de renvoyer son fils dans le Jiangsu lorsqu’il a eu un an, car il n’y avait pas de crèche à Shanghai : "Ce sont ses grands-parents qui ont pris soin de lui jusqu’à ses trois ans, après il a pu entrer à l’école à Shanghai. Je suis très heureuse de l’avoir avec moi maintenant. J’ai manqué tellement de choses pendant les deux années où il vivait loin !"".

Mais même pour celles qui arrivent à vivre avec leurs enfants en ville, la vie reste précaire. Ainsi pour Yao Shuying, qui vient du Jilin et a un fils de 23 ans. "Il a vécu avec moi de 13 à 22 ans. Mais il ne s’est pas bien habitué à la vie en ville et a arrêté tôt ses études. Heureusement j’ai réussi à lui trouver une place de cuisinier à Suzhou, et maintenant tout va bien".

Pour d’autres cependant, il a fallu laisser l’enfant à la campagne. Wang Xuehua, Wu Jieying et Zhu Qinfen, ont chacune un enfant qu’elles ont laissé avec les grand-parents. A la question : Auriez-vous souhaité faire autrement ? Toutes répondent : 没办法 meibanfa ("pas le choix"). A la campagne, il n’y a pas de travail et peu de perspectives d’avenir. En venant travailler en ville, elles peuvent gagner leur vie, et même espérer investir dans l’immobilier "mais pas à Shanghai, parce que les prix sont trop élevés !" concède Wu Jieying.

Maintenir le contact

C’est un fait, les enfants dont les parents travaillent en ville sont plus aisés que ceux dont les parents ne sont pas partis, mais c’est l’absence du contact avec les parents qui pose le plus de problèmes, même s’ils sont élevés par leurs grands-parents. Une détresse psychologique bien peu prise en compte, tandis que leurs parents s’exhortent à améliorer leurs conditions de vie matérielle.

Mais les ayis que nous avons rencontrées connaissent l’importance du lien entre les parents et leurs enfants. Aussi même si elles ne sont pas à même de les faire venir avec eux à la ville, elles rentrent régulièrement. Wang Xuehua raconte : "Je rentre dans l’Anhui dès qu’il y a un weekend end de trois jours, et l’été ma fille vient vivre à Shanghai pendant les vacances".

Wu Jieying a acheté un téléphone portable à son fils de 16 ans qui vit dans le Jiangsu, et lui téléphone régulièrement. Zhu Qinfen quant à elle, a pu faire venir son fils à Shanghai après le lycée, et il vit désormais avec eux. "Il n’a pas pu entrer à l’université mais grâce à mes contacts il a trouvé un travail à Shanghai et il vit avec nous. Nous sommes enfin réunis !" raconte-t-elle, visiblement très heureuse.

Wang Pingping, elle, est dans une situation plus rare, son fils de 16 ans vit avec son père qui travaille dans le Jiangsu, tandis qu’elle profite de la proximité avec Shanghai pour rentrer régulièrement voir son fils et son mari.

En décembre 2015 le gouvernement chinois a annoncé qu’il allait étendre la résidence à une partie des migrants qui ont travaillé et vécu en ville pendant plus de six mois, pour lutter contre le vieillissement de la population dans les villes. Reste à voir si cela permettra à plus de familles de vivre sous le même toit que leurs enfants.



www.lepetitjournal.com/shanghai/societe ... temoignent
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Re: Enfants laissés à l'arrière.

Messagepar mandarine » 12 Déc 2016, 15:48

Quel destin cruel pour cette enfant !


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Des sauveteurs sortent des décombres une fillette vivante, après l'effondrement de quatre immeubles, le 10 octobre 2016 à Wenzhou, dans l'est de la Chine

La fillette de trois ans retrouvée vivante dans les bras de son père mort dans l'effondrement d'un immeuble dans l'est de la Chine était une enfant confiée à ses grands-parents qui venait juste de retrouver sa famille, a rapporté mercredi un média chinois.

Wu Ningxi a été découverte lundi soir par les sauveteurs sous les décombres des quatre immeubles de cinq étages qui se sont effondrés dans la ville de Wenzhou (province du Zhejiang), faisant 22 morts.

L'enfant, légèrement blessée, avait passé 14 heures dans les bras de son père mort, un ouvrier de 26 ans qui avait fait rempart de son corps pour la protéger des décombres, selon des sauveteurs cités par les médias chinois. Seules six personnes ont survécu à la catastrophe.

L'immeuble était habité principalement par des travailleurs migrants comme la Chine en compte des dizaines de millions occupés à travailler dans des conditions précaires dans les métropoles côtières.

D'après le quotidien Zhengzhou Evening News, l'enfant avait ainsi été confiée à son grand-père et vivait à Chongqing, à plus de 1.700 km de Wenzhou. Elle venait d'arriver la veille sur place pour rendre visite à ses parents.

Sa mère et son grand-père ont également été retrouvés morts aux côtés de la petite fille. Une association humanitaire s'est dite prête à subvenir à ses besoins dans l'immédiat.

Selon des chiffres officiels, pas moins de 277 millions de travailleurs originaires des campagnes s'entassent dans les métropoles prospères de l'est et du sud de la Chine, occupant des emplois souvent difficiles et mal rémunérés, avec peu de protection sociale, pas de permis de résidence et donc pas de place à l'école pour leur enfant.

Ces migrants sont donc souvent contraints de laisser leur enfant à la garde des grands-parents. Selon une estimation, pas moins de 61 millions d'enfants seraient ainsi délaissés, ne parvenant à voir leurs parents au mieux qu'une fois par an, lors des congés du nouvel an chinois.

Deux jours après le drame, les causes de l'effondrement des immeubles restaient inconnues mais quatre propriétaires ont été interpellés, a annoncé l'agence Chine nouvelle.



https://fr.news.yahoo.com/chine-fillett ... 27824.html
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Re: Enfants laissés à l'arrière.

Messagepar laoshi » 17 Déc 2016, 11:38

Encore une construction en tofu ! quelle tristesse !
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