A lire absolument : Liu Xiaobo traduit en français

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A lire absolument : Liu Xiaobo traduit en français

Messagepar laoshi » 06 Juil 2011, 09:04

Jean-Philippe Béja vient de publier un choix d'articles de Liu Xiaobo sous le titre La Philosophie du porc et autres essais (Gallimard, Coll. Bleu de Chine Date de parution : 21/03/2011 EAN13 : 9782070132508).

Voici la présentation de l'éditeur :

Liu Xiaobo n’a pas écrit de livre présentant l’essentiel de ses idées. Il s’est exprimé par des articles publiés soit dans la presse de Hong Kong, soit sur le net. Le présent recueil comporte une introduction retraçant sa biographie, puis une quinzaine d’articles répartis dans les cinq parties présentées ci-dessous. Une bibliographie et une chronologie le complètent pour en faire l’ouvrage de référence sur le plus important dissident chinois. Réflexions sur la littérature : dans « La crise », l’article qui l’a fait connaître en 1986, Liu Xiaobo dénonce la littérature de cicatrices, alors glorifiée par le régime. Cet article contient ses idées fondamentales sur la littérature. Le mouvement pour la démocratie de 1989 : il a profondément bouleversé les conceptions politiques et philosophiques de Liu Xiaobo. Nous présentons ses réflexions sur ce mouvement, notamment sur le rôle des simples citoyens dans la politique. Cette expérience l’a conduit à entreprendre une réflexion critique sur les formes de la résistance au totalitarisme. Vivre dans la vérité et la « philosophie du porc » : c’est surtout pour ses réflexions sur la nature du régime post totalitaire que Liu s’est fait connaître depuis 2000. Nous présentons ses articles sur l’idéologie du régime, sa description de la schizophrénie qui s’empare des cadres du régime autant que des intellectuels, et sa critique de ce qu’il qualifie de « philosophie du porc », cette vision du monde qui a conduit les intellectuels à se laisser « acheter » par le parti communiste. La société civile : si Liu Xiaobo est très critique de l’attitude des intellectuels, il ne perd cependant pas espoir car il estime que la société chinoise a montré sa capacité de résistance au post totalitarisme. Même si elle ne correspond pas aux critères définis par les politologues, une forme de société civile est apparue en Chine qui, par sa pression informelle, a conduit le pouvoir à accorder un certain nombre de droits aux citoyens. La Charte 08 et les 6 articles qui ont conduit Liu à la prison, ainsi que sa plaidoirie devant le tribunal.


France Culture recevait, à cette occasion Jean-Philippe Béja, ami et traducteur de Liu Xiabao.

Vous pouvez écouter Jean-Philippe Béja, dans l'Invité du jour, sur France Culture

Vous pouvez lire l'entretien qu'il avait accordé au Monde avant l'attribution du Nobel à Liu Xiaobo au Monde et son bel article sur le silence assourdissant des dirigeants occidentaux concernant le Prix Nobel de la Paix 2010.

Vous pouvez lire, enfin, toujours de Jean-Philippe Béja son blog, dont l'essentiel est consacré à Liu Xiaobo

autre article intéressant sur le site du Congrès mondial Ouïghour
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De quoi sera fait le printemps de la Chine ?

Messagepar laoshi » 06 Juil 2011, 09:08

France Culture a consacré une émission spéciale à l'essai de Liu Xiaobo De quoi sera fait le printemps de la Chine ?. Passionnant !
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Beau florilège !

Messagepar laoshi » 06 Juil 2011, 09:11

J'ai lu le livre de Liu Xiaobo, que je vous recommandais plus haut. Liu Xiaobo est un esprit pénétrant, plein de finesse, vous ne serez pas déçus.

Vous y trouverez aussi bien des articles de fond sur l'évolution de la littérature et du cinéma chinois que des critiques des séries TV (eh oui, cela recoupe ce que nous faisons sur le forum), des analyses de l'idéologie du PCC, des comptes-rendus bouleversants de faits divers impliquant des paysans défenseurs de leurs terres, dénonçant les dérives maffieuses du régime ou les campagnes de répression touchant telle ou telle catégorie de citoyens.

Vous y trouverez aussi une lettre magnifique envoyée par Liu Xiaobo au directeur de Yahoo à Hong-Kong, les textes qui ont été versés à son dossier judiciaire, le texte intégral de la Charte 08 et une très belle lettre écrite à sa femme lors de sa dernière arrestation.

Si j'ai le temps, je vous ferai un résumé de ce beau florilège des articles de Liu Xiaobo traduits par Ph. Béja. A suivre !....
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Un épisode biographique

Messagepar laoshi » 06 Juil 2011, 09:15

Comme promis, je commence aujourd’hui à vous donner un aperçu des articles regroupés dans le recueil La Philosophie au porc et autres essais de Liu Xiaobo.

Le premier article, Un épisode biographique, date de 1996. Il a été écrit pour le colloque international Le Goulag soviétique et le laogai chinois. Liu Xiaobo y raconte comment sa vie a basculé, en 19 minutes, de la liberté à l’envoi en « rééducation par le travail » (laojiao) pour « fabrication de rumeurs » et « trouble de l’ordre social » à la suite de la publication, à l’étranger, de deux articles, dont l’un demandait la réconciliation entre le PCC et le Guomindang.

L’article nous montre que les tracasseries policières sont constantes pour les dissidents, emmenés au poste pour un oui pour un non, en vue d’une « conversation » (y compris en pleine nuit après un dîner au restaurant, comme en témoigne Ph. Béja dans l’introduction) ! De curieuses relations se tissent ainsi entre les agents de la sécurité et ceux dont ils assurent le contrôle permanent : Liu Xiaobo, parlant à sa femme de Ju Xiaofei, le policier qui vient l’arrêter, l’appelle ainsi « xiao Ju », « petit Ju », comme s’il s’agissait d’un vieil ami !
Mais il ne faut pas s’y tromper, le policier en question a été puni pour avoir révélé à Liu Xia, la femme de Liu Xiaobo, la nature et la durée de la peine (3 ans !) qui venait d’être infligée à son mari : elle avait cru, naïvement, que cette révélation était l’annonce officielle d’un verdict et avait répercuté l’information aux médias ; ce n’était qu’un témoignage d’humanité du policier, éventant le secret qu’il devait à l’institution. N’ayant pas été autorisé à épouser Liu Xia, avec laquelle il vivait alors depuis près de deux ans, parce qu’il n’avait pas de hukou (sorte de passeport dépendant de l'unité de travail à laquelle chacun est assigné), Liu Xiaobo n’aura pas droit non plus de recevoir les visites de sa compagne jusqu’à ce que son avocat obtienne pour elle le droit d’aller l’épouser dans son camp de travail, en 98, au bout de deux ans de détention.

« C’est cela, le système de rééducation par le travail aux couleurs de la Chine, écrit Liu Xiaobo : une punition aussi sévère que la privation de liberté d’un citoyen, sans arrestation officielle, sans instruction, sans accusation et sans procès est décidée en quelques dizaines de minutes, un coût minime pour piétiner les droits de l’homme ».

Liu Xiaobo demande évidemment l’abolition de cette « loi barbare » datant de 1957 et manifestement contraire à la constitution chinoise actuelle dont l’article 37 stipule que « la liberté des citoyens ne sautait être violée » sans une « autorisation du parquet ». Bien que son abolition ait été demandée par maints juristes et même par des députés, elle a été maintenue « pour les besoins de la répression de la Falungong ». En 2006, année de la rédaction de l’article, le système du laojiao, « adoré par le pouvoir despotique et les organes de la dictature », restait en vigueur et l’est sans doute toujours : la disparition d’Ai Weiwei avait sans doute quelque chose à voir avec cette loi anticonstitutionnelle mais tellement pratique….
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Littérature en crise : du réquisitoire au plaidoyer

Messagepar laoshi » 06 Juil 2011, 09:18

Publié en 1986, le deuxième article, Crise ! la littérature de la nouvelle époque est entrée en crise, tient tant du réquisitoire que du plaidoyer :

- réquisitoire contre le repli nationaliste et la régression traditionaliste qui sont pour Liu Xiaobo les tares de la littérature chinoise telle qu’elle s’est développée après la chute du maoïsme
- plaidoyer pour la modernité, l’ouverture internationale, les leçons des sciences humaines et pour l’individualité

Je ne vous donnerai pas toutes les références bibliographiques qui me permettront peut-être de jouir intelligemment de ma retraite, l’année prochaine (je vous renvoie, pour cela, au livre de Liu Xiaobo), mais je vous résume l’essentiel.

Alors que toute l’intelligentzia chinoise sombrait dans l’autosatisfaction, Liu Xiaobo, ici comme ailleurs, faisait entendre une voix dissonante et empruntait une voie dissidente !...

C’est que, après la « littérature des cicatrices », qui explorait les souffrances de la Révolution culturelle et dont Liu Xinwu et Lu Xinhua donnaient le coup d’envoi respectivement avec Le Professeur principal (Ban Zhuren, 1977) et La Cicatrice (Shanghen, 1978), les auteurs convenus revenaient en arrière avec la « littérature des racines ». Or, après avoir « tressé des éloges sincères » à cette littérature, tant il est vrai qu’il n’y a pas de pensée du présent possible sans une conscience historique et une mémoire culturelle ancrée dans les traditions du passé, Liu Xiaobo fustige les nostalgies « féodales » et « traditionalistes » qui entravent, selon lui, la marche en avant de la littérature chinoise vers la modernité.

Certes, il faut se réjouir que la littérature contemporaine ait échappé au « néant absolu » de la Révolution culturelle mais cette « littérature des racines » n’arrive pas à la cheville de la « littérature du 4 mai » dont Lu Xun avait jeté les bases en 1918 avec son Journal d’un fou. La littérature du 4 mai, « née, comme nous l’apprend Ph. Béjà, des manifestations du 4 mai 1919 contre le traité de Versailles, […] attaqu[ait] frontalement la culture hiérarchique confucéenne ». Elle allait résolument de l’avant ! La « littérature des racines », au contraire, se tourne vers le passé, elle regarde vers les années 50, vers la tradition classique, voire vers les « idylles pastorales d’un laboureur et d’une tisserande » et le légendaire de la Chine éternelle ! A la lutte des classes, La Cicatrice, par exemple, oppose « l’éthique des liens du sang » et l’on voit d’ex-« jeunes instruits », dont la vie a été brisée par l’envoi à la campagne, chanter les bonheurs simples du retour à la terre ! Dans Les Trois rois (éd. de L’Aube, 1994), A Cheng se prosterne même devant le confucianisme et « la doctrine bouddhiste et taoïste du « non-agir » qui a instillé un poison si profond dans le cœur des Chinois ». Tout ce qu'il y avait de subversif dans le taoïsme ( «la critique radicale de la réalité, le scepticisme, le relativisme et l'esprit de résistance») est en effet oblitéré dans la réinterprétation confucéenne dominante que critique Liu Xiaobo.

Voilà donc, contre toute attente, le féodalisme et la résignation ancestrale réhabilités au nom de la critique nécessaire du maoïsme !

Pour Liu Xiaobo, faire revivre le passé ne doit donc pas empêcher les auteurs chinois de le faire de manière anti-traditionaliste, comme l’a fait la Renaissance en Occident ! Au lieu de « se vautrer dans la culture traditionnelle », de vanter les valeurs de la culture féodale et de « remettre à l’honneur le confucianisme » qui prône l’abnégation et le sacrifice de soi, la littérature chinoise devrait selon lui s’inspirer des acquis des sciences humaines pour promouvoir « la libération de l’individu et la valeur du moi ».

C’est en se confrontant aux autres cultures au lieu de s’enfermer dans un conformisme et un nationalisme esthétiques affligeants que la littérature chinoise redeviendra vivante ! Au lieu de répéter indéfiniment les clichés éculés qui font du saule le symbole de la séparation, du pin, du chrysanthème et du prunier « trois amis pour la vie » et d’enfermer leurs personnages dans des rôles stéréotypés dignes de la Révolution culturelle, les auteurs chinois devraient s’inspirer de leur expérience personnelle.

Au lieu de puiser leurs idées dans le « discours social, rationaliste ou moralisateur », ils devraient renouveler leurs sujets et leur langue en puisant aux sources de la sensualité et de la sensibilité individuelles, quitte à introduire dans leur texte ces objets scandaleux que sont l’argent et la sexualité. C’est à cette condition que la littérature chinoise échappera à « l’ossification » qui la guette.

Cette analyse, faite en 1986, est d'une formidable modernité ! le confucianisme est en effet devenu, comme nous le montre L'Etoile du bonheur sonne à notre porte, un feuilleton récemment programmé sur CCTV et diffusé en 2007 en Chine, le meilleur auxiliaire de la politique de Hu Jintao, quant au nationalisme, il est le bouclier idéal de la Chine contre l'esprit critique, rebaptisé, pour les besoins de la cause, « insupportable ingérence » de l'étranger dans les affaires intérieures de la Chine ! Le déboulonnement de la statue de Confucius, dont nous ne connaissons pas encore le dernier mot, s'inscrit aussi dans cette histoire récente. Je crains, malheureusement, que Confucius, dont Liu Xiaobo fustigeait la résignation, ne soit encore trop subversif pour le pouvoir actuel.
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La Fierté nationale de l’esclave

Messagepar laoshi » 07 Oct 2011, 16:12

:ec19: La violente diatribe d’un professeur de droit chinois à l’encontre des jeunes étudiantes chinoises apprenant la débauche en France en lisant les auteurs libertins du XVIII° siècle en témoigne, les autorités académiques chinoises n’en finissent pas de prôner le retour aux valeurs traditionnelles de la Chine éternelle et de dénoncer la perversion des mœurs et des esprits par la culture occidentale. La vidéo, qui a fait grand bruit, est plus qu’un fait divers. Derrière l’anecdote, c’est une tendance lourde de l’idéologie officielle chinoise qui se profile.

Dès 1994, Liu Xiaobo analysait avec une lucidité prémonitoire « la crise de nationalisme » qui s’est emparée de la Chine après les événements du 4 juin 1989 à Tian’Anmen. Les vociférations hystériques des autorités chinoises contre la remise du Prix Nobel de la Paix à ce même Liu Xiaobo ont confirmé de manière éclatante son diagnostic.

Dans La Fierté nationale de l’esclave, un article publié dans Kaifang et repris dans La Philosophie du porc et autres essais, il fustigeait « la grande chorale nationaliste » et les hymnes au drapeau qu’entonnaient alors à l’unisson élites et masses populaires chinoises. Il montrait que le « Programme pour une éducation patriotique » mis en œuvre par le gouvernement servait avant tout à justifier les atteintes des autorités chinoises aux droits de l’homme sous couvert de faire pièce à « l’hégémonisme occidental ». Et le mouvement ne s’est pas démenti depuis lors. Festivals, lectures, conférences, concerts, expositions, téléfilms, lever du drapeau dans les écoles, Musée de cire de l’antiquité, parcs à thèmes des Trois Royaumes ou du Pèlerinage vers l’ouest, tout est bon pour exalter le nationalisme chinois. Mais ce sont les séries télévisées qui constituent la pièce maîtresse de ce dispositif : les champions des arts martiaux, les sages fondateurs, comme Laozi, les empereurs et leurs concubines – j’ai pu le constater moi-même avec l’impératrice Wu Zetian, l’empereur Gaozu des Han et l’empereur Yongzheng -, font florès à la télévision chinoise.

Il n’est pas jusqu’aux exilés du 4 juin, discrètement revenus au pays, qui n’entonnent le chant nationaliste dans des romans-vérité comme Une Chinoise de Manhattan ou Un Pékinois à New-York, pleins de nostalgie pour les valeurs chinoises et de désillusion devant les valeurs occidentales. Les professeurs d’université ne sont pas en reste, qui prônent la régénération des études nationales 国学 et la « sinité » en dénonçant l’hégémonie culturelle de l’Occident. Les auteurs de la « Nouvelle vague » eux-mêmes reviennent à la « Terre jaune » tout en occultant savamment dans leurs œuvres la réalité contemporaine chinoise…. Zhang Yimou et Chen Kaige quant à eux sont régulièrement accusés de faire un cinéma « post-colonial » inféodé aux goûts et aux valeurs de l’Occident.

Mais ce que ne voient pas ces contempteurs de l’Occident, c’est que les outils intellectuels avec lesquels ils dénoncent l’hégémonie et l’ethnocentrisme de l’Occident ont été forgés… en Occident ! Les Chinois, écrit Liu Xiaobo sans savoir qu'il recevra lui-même le Nobel, ont contracté un « complexe du Nobel » et un « complexe de l’Oscar » qui consacrent paradoxalement les valeurs qu’ils veulent refuser au nom de leur nationalisme pathologique ! Ils arborent avec fierté les récompenses reçues mais fustigent inlassablement ceux qui les leur décernent. Leur colère ne démontre qu’une chose, c’est qu’on ne peut pas se revendiquer du particularisme de l’Orient pour refuser les valeurs universelles de l’Occident et vouloir, en même temps, que ce particularisme soit universellement reconnu. C’est tout simplement une contradiction dans les termes.

Les valeurs occidentales héritées des Lumières n’ont pas besoin d’être reconnues à l’aune des valeurs orientales, tout simplement parce qu’elles sont, en droit, universelles. La révolte chinoise contre elles est une révolte d’esclaves prisonniers de leur pré-carré ! « Même les dictateurs orientaux doivent prôner la démocratie, même les élites intellectuelles insatisfaites de l’hégémonie occidentale doivent reconnaître les valeurs de démocratie, d’égalité, de liberté, de droits de l’homme et de dignité individuelle, même les promoteurs du néoconfucianisme, Du Weiming, Feng Youlan et Li Zehou, doivent s’identifier à la démocratie et à la liberté pour faire la réclame de leur maxime ‘régner à l’extérieur par le retour à la sagesse intérieure’. » Plus le nationalisme chinois sera agressif, moins la Chine pourra se laver des humiliations passées. La Chine ne pourra conjurer ces humiliations tant qu’elle ne reconnaîtra pas les valeurs universelles de liberté, d’égalité et de dignité humaine à l’intérieur comme à l’extérieur de la Chine car un « homme qui a l’habitude d’être un esclave chez lui » ne peut pas « une fois dehors, être fier de lui-même ».

En lui décernant le prix Nobel de la Paix il y a tout juste un an, le comité Nobel avait su se montrer à la hauteur des valeurs universelles dont se revendique Liu Xiaobo et la création du prix Confucius s'inscrivait exactement dans « le cercle vicieux » dont relève « la fierté nationaliste de l'esclave » , prisonnier des valeurs du maître contre lequel il se révolte...

Toute cette réflexion, visiblement nourrie de la dialectique du maître et de l'esclave de Hegel, est peut-être un peu complexe ; elle montre en tout cas que Liu Xiaobo, du fond de sa prison, reste un homme libre tandis que ceux qui l'ont emprisonné en se croyant ses maîtres sont esclaves de leur propre domination.
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Liu Xiaobo décidément prophétique

Messagepar laoshi » 08 Oct 2011, 22:06

L'analyse de Liu Xiaobo sur le "complexe du Nobel" est décidément prophétique : la suppression du Prix Confucius de la Paix en témoigne !
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Liu Xiaobo : "je n'ai pas d'ennemi"

Messagepar laoshi » 09 Déc 2011, 13:43

La lettre que Liu Xiaobo a écrite à sa femme, Liu Xia, à la veille de son procès et de sa condamnation, qui a eu lieu à Pékin le 25 décembre 2009 (pied de nez à l'occident), figure dans La Philosophie du porc et autres essais. Elle témoigne de l'intelligence et de la générosité de cet homme que certains de ses amis jugent trop indulgent pour les autorités. La voici :

dans Je n'ai pas d'ennemi, Liu Xiaobo a écrit:

L'année 1989 a constitué un important tournant dans ma vie. J’ai été un professeur respecté et un intellectuel public, souvent invité à m’exprimer un peu partout, y compris en Europe et aux Etats-Unis. Je me suis toujours fixé pour exigence de m’exprimer avec franchise, en assumant mes propos dans la dignité – que ce soit dans ma vie personnelle ou dans mes écrits. Cette année-là, je suis rentré des Etats-Unis pour participer au mouvement [prodémocratique étudiant, finalement réprimé dans le sang le 4 juin]. J’ai été emprisonné pour “propagande et incitation à des activités contre-révolutionnaires”. J’ai perdu par la même occasion ma chaire, à laquelle je tenais tant, et toute possibilité de publier et de m’exprimer publiquement en Chine. Juste pour avoir émis des opinions politiques différentes et pour avoir participé à ce mouvement démocratique pacifique, le professeur que j’étais a donc perdu sa chaire, l’auteur a perdu tout droit de s’exprimer et l’intellectuel public toute possibilité de discourir ouvertement… que ce soit à titre personnel ou en tant que citoyen d’une Chine ouverte au monde et aux réformes depuis trente ans, quelle tristesse !

Vingt ans après, les âmes des victimes du 4 juin ne peuvent toujours pas reposer en paix. Amené par le 4 juin à prendre le chemin de l’opinion ­politique divergente, à ma sortie de la prison de ­Qincheng, en 1991, j’avais perdu tout droit à m’exprimer publiquement dans ma propre patrie ; je ne pouvais le faire que dans les médias étrangers et encore cela m’a-t-il valu d’être placé sous surveillance durant de longues années, assigné à résidence (de mai 1995 à janvier 1996), puis envoyé en camp de rééducation par le travail (d’octobre 1996 à octobre 1999).

La haine peut corrompre la sagesse

Aujourd’hui, à plus de 50 ans, je suis une nouvelle fois mis au banc des accusés par un pouvoir obnubilé par l’idée de “l’ennemi”. Cependant, je veux malgré tout dire à ce régime qui m’a privé de ma liberté que je reste fidèle à mon credo, exprimé il y a vingt ans dans ma déclaration lors de la grève de la faim du 2 juin : je n’ai pas d’ennemis, ni de haine. Les policiers qui m’ont surveillé, arrêté, interrogé, les procureurs qui m’ont inculpé, les juges qui m’ont condamné ne sont pas mes ennemis. Je n’accepte ni surveillance, ni arrestation, ni inculpation, ni condamnation, mais je respecte la profession et la personne de tous ces fonctionnaires, y compris les magistrats de l’accusation, qui, le 3 décembre dernier, ont fait preuve de respect et d’honnêteté à mon endroit.

Car la haine peut corrompre la sagesse et le discernement ; l’idéologie de l’ennemi peut empoisonner la mentalité d’un peuple, attiser des rivalités sans merci, détruire toute tolérance et toute raison dans une société, empêcher une nation de cheminer vers la liberté et la démocratie. C’est pourquoi je souhaite parvenir à dépasser mon propre sort pour me préoccuper surtout du développement du pays et de l’évolution de la société, en opposant à l’hostilité du pouvoir une grande bienveillance, pour dissoudre la haine dans l’amour. Il est communément admis que c’est la politique de réforme et d’ouverture qui a entraîné le développement du pays et l’évolution de notre société. Pour moi, l’ouverture du pays date du moment où a été abandonnée la “primauté de la lutte des classes” de l’ère Mao. Dès lors, on a concentré les efforts sur le développement économique et l’harmonie sociale. Cet abandon a permis une certaine tolérance et la coexistence pacifique d’intérêts et de valeurs différents. L’économie s’est tournée vers le marché, la culture a tendu vers plus de diversité, le maintien de l’ordre public a peu à peu été régi par les lois. Tout cela est dû à l’affaiblissement de la notion d’ennemi. Même dans le domaine politique, où les progrès sont le plus lents, le pouvoir a fait preuve d’une tolérance croissante vis-à-vis de la diversité de la société, il a atténué les persécutions à l’encontre des voix divergentes et a tempéré sa qualification des événements de 1989 de “rébellion” en “tourmente politique”.

Une fois relativisée cette notion d’“ennemi à combattre” le pouvoir a pu accepter peu à peu le caractère universel des droits de l’homme. En 1998, le gouvernement chinois a promis au reste du monde de ratifier deux grandes conventions internationales des Nations unies relatives aux droits de l’homme [dont la Convention internationale sur les droits civils et politiques], manière symbolique de reconnaître ces valeurs. En 2004, ­l’Assemblée nationale du peuple a révisé la Constitution en y introduisant pour la première fois la phrase : “L’Etat respecte et protège les droits de l’homme”, ce qui indique que les droits de l’homme sont devenus un principe de base du droit chinois. Dans le même temps, le pouvoir a reconnu la nécessité de “mettre l’homme au centre” de sa politique, de “créer une société harmonieuse”, autant d’avancées dans la conception du gouvernement qu’a le Parti communiste.

J’ai pu ressentir l’effet de ces changements depuis mon arrestation. J’ai persisté à me dire innocent et à déclarer que l’accusation portée contre moi était inconstitutionnelle, mais, au cours de cette année de privation de liberté où j’ai été successivement incarcéré dans deux lieux différents et interrogé par quatre policiers, trois procureurs et deux magistrats, leurs méthodes sont restées empreintes de respect, ils n’ont pas excédé les temps d’interrogatoire et ne m’ont pas extorqué d’aveux. Leur attitude a été pacifique, raisonnable et même parfois bienveillante. Le 23 juin, j’ai été transféré d’un lieu de résidence surveillée au Centre de détention numéro un de Pékin, où j’avais déjà été détenu en 1996, et j’ai pu y observer de grandes améliorations tant dans les installations que dans les méthodes d’administration.

Je suis vraiment optimiste

J’ai tiré de ces expériences personnelles la certitude que les progrès politiques en Chine ne vont pas s’arrêter. Je suis vraiment optimiste quant à l’arrivée d’une Chine libre dans l’avenir, car aucune force n’est capable de stopper l’aspiration humaine à la liberté. La Chine finira par devenir un Etat de droit plaçant les droits de l’homme au premier plan. J’espère que de tels progrès pourront se manifester dans le traitement de mon dossier ; je souhaite que les jurés prononcent un jugement équitable – un jugement capable d’affronter le verdict de l’Histoire.

Quant à l’expérience la plus heureuse de mes vingt dernières années, c’est d’avoir reçu l’amour désintéressé de ma femme, Liu Xia. C’est pourquoi je m’adresse à elle. Aujourd’hui, tu ne pourras pas assister à mon procès, mais je veux encore te dire, ma chérie, que je suis certain que ton amour reste inchangé. Ma chérie, grâce à ton amour, j’affronterai calmement le procès qui vient, sans regret pour mes propres choix, et j’attendrai demain avec optimisme. J’espère que mon pays pourra être un jour une terre de libre expression, que tout citoyen pourra prendre la parole sur un pied d’égalité, que toutes les valeurs, pensées, croyances, idées politiques pourront coexister et faire l’objet d’un débat équitable. Je souhaite que les opinions minoritaires, même dissidentes, soient protégées comme les autres. Que tout point de vue politique puisse être exposé au grand jour et soumis à l’appréciation du peuple, que tout citoyen puisse s’exprimer sans la moindre crainte, sans le moindre risque de subir des persécutions pour avoir émis une opinion politique différente. Je voudrais également être le dernier nom sur la longue liste des victimes emprisonnées pour leurs écrits, et que plus personne ne soit condamné pour ses propos.

La liberté d’expression est la base des droits de l’homme, le fondement de tout sentiment humain, la mère de la vérité. Tuer la liberté d’expression, c’est bafouer les droits de l’homme, étouffer tout sentiment humain, faire taire la vérité.

Même si j’ai été condamné (alors que je suis innocent) pour avoir honoré la liberté d’expression mentionnée dans la Constitution et pour avoir assumé jusqu’au bout mes responsabilités sociales de citoyen chinois, je ne me plains pas…

Merci à tous !


Certains reprochent à Liu Xiaobo d'avoir écrit cette lettre en veillant à ne pas indisposer inutilement ses juges à la veille de son procès. Il transgresse pourtant avec une tranquille audace les tabous de la société communiste (ou du moins officiellement telle) :

1 - "Vingt ans après, écrit-il, les âmes des victimes du 4 juin ne peuvent toujours pas reposer en paix". ; il brise ainsi l'interdit qui pèse sur les massacres de Tian'anmen, dont la plupart des jeunes gens d'aujourd'hui n'ont jamais entendu parler.

2 - il analyse de manière très fine la paranoïa d'un pouvoir obnubilé par "l'idéologie de l'ennemi [qui] peut empoisonner la mentalité d'un peuple, aviver des rivalités sans merci, détruire toute tolérance et toute raison dans une société, empêcher une nation de cheminer vers la liberté et la démocratie".

Comme l'histoire des régimes communistes le montre à l'envi, le Parti a en effet longtemps cherché à se maintenir en vie en excluant des "traîtres" (quitte à les fabriquer de toutes pièces). C'est le système de la " fraternité terreur" dans lequel les " frères" n'existent comme tels que contre les " faux frères". Bien que victime de cette stratégie, Liu Xiaobo note un changement notable de vocabulaire : en modifiant "sa qualification des événements de 1989 de « rébellion » en « tourmente politique »" , le Parti commence à entériner de fait "le caractère universel des droits de l'homme", une mention qui est devenue explicite dans la Constitution de 2004 où on lit "pour la première fois la phrase : « L'Etat respecte et protège les droits de l'homme »". Pendant des années, les dirigeants chinois, s'abritant derrière le relativisme historique et culturel, ont voulu réduire les Droits de l'homme à une sinistre mascarade constituant le discours d'escorte de l'impérialisme occidental. Ce n'est désormais plus possible...

3 - Le credo de Liu Xiaobo, affirmant qu'"aucune force n'est capable d'arrêter l'aspiration humaine à la liberté" et que "la Chine finira par devenir un Etat de droit plaçant les droits de l'homme au premier plan" est en même temps une critique implacable de l'arbitraire dont il est lui-même victime. Contre le mensonge et la violence d'Etat, il en appelle aux valeurs universelles de la liberté et de la vérité avec une détermination sans faille : "La liberté d'expression est la base des droits de l'homme, le fondement de tout sentiment humain, la mère de la vérité. Tuer la liberté d'expression, c'est bafouer les droits de l'homme, étouffer tout sentiment humain, faire taire la vérité. "

Au lieu d'en appeler à ce qu'il appelle "l'idéologie de l'ennemi", autrement dit au ressentiment et à l'esprit de vengeance, Liu Xiaobo a l'habileté de revendiquer "ses responsabilités sociales de citoyen chinois" dans son combat pour faire advenir dans les faits les droits que reconnaissent à tous les textes constitutionnels. Vous parlez de liberté, de vérité, d'égalité ? Chiche ! Je vous prends au mot ! J'attends de la Chine qu'elle mette en place un régime où " tout citoyen pourra prendre la parole sur un pied d'égalité " !

Je trouve enfin que le témoignage d'amour que Liu Xiaobo donne à sa femme a une valeur politique autant que sentimentale et humaine car les régimes autoritaires savent bien que l'amour donne la force à ceux qui aiment de " déplacer des montagnes". C'est pourquoi ils cherchent par tous les moyens à briser cette force de résistance. Savez-vous ce que les agents de la STASI faisaient pour briser les couples trop unis à son goût ? S'introduire dans l'appartement du couple, en faire disparaître un type d'objets sans valeur, par exemple, les cendriers. Le couple, rentrant du travail, ne comprend pas, chacun interroge l'autre : chéri, où as-tu mis le cendrier ? . Nous avons tous déjà vécu ce genre de scène, impossible de mettre la main sur un objet familier. Mais, évidemment, au bout de quelques jours, on se résigne et on se dit qu'on retrouvera cet objet aussi inopinément qu'on l'a perdu. Au bout de deux mois, nouvelle intervention des services secrets qui font disparaître toutes les petites cuillers ou autre objet familier sans valeur marchande. Vous imaginez la scène le soir, chacun commençant à se méfier de l'autre. Au bout de trois incursions de ce genre, c'en était fini de la solidité du couple. Je ne sais pas si les barbouzes chinois pratiquent ce genre de choses mais force est de constater en tout cas qu'aucune tracasserie n'est épargnée aux conjoints des dissidents.

Aujourd'hui cinq prix Nobel de la paix appellent à agir pour la libération de Liu Xiaobo. Je pense très fort à lui ... je pense à sa femme... je pense à tous ceux qui ont eu le courage de revendiquer la même condamnation que lui, et j'espère voir un jour un monde dans lequel la liberté, l'égalité et la vérité n'auront plus de frontières !
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la lettre en chinois : je n'ai pas d'ennemi

Messagepar laoshi » 09 Déc 2011, 13:47

La lettre de Liu Xiaobo en chinois pour ceux qui sont capables de la lire (euh... en ce qui me concerne, il me faudrait beaucoup de temps !)

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刘晓波:我没有敌人——我的最后陈述
不锈钢老鼠 @ 2010-1-21 2:03 阅读(48198) 评论(31) 推荐值(875) 引用通告 分类: 宪章
我没有敌人
——我的最后陈述
刘晓波(2009年12月23日)
在我已过半百的人生道路上,1989年6月是我生命的重大转折时刻。那之前,我是文革后恢复高考的第一届大学生(七七级),从学士到硕士再到博士,我的读书生涯是一帆风顺,毕业后留在北京师范大学任教。在讲台上,我是一名颇受学生欢迎的教师。同时,我又是一名公共知识分子,在上世纪八十年代发表过引起轰动的文章与著作,经常受邀去各地演讲,还应欧美国家之邀出国做访问学者。我给自己提出的要求是:无论做人还是为文,都要活得诚实、负责、有尊严。那之后,因从美国回来参加八九运动,我被以“反革命宣传煽动罪”投入监狱,也失去了我酷爱的讲台,再也不能在国内发表文章和演讲。仅仅因为发表不同政见和参加和平民主运动,一名教师就失去了讲台,一个作家就失去了发表的权利,一位公共知识人就失去公开演讲的机会,这,无论之于我个人还是之于改革开放已经三十年的中国,都是一种悲哀。
想起来,六·四后我最富有戏剧性的经历,居然都与法庭相关;我两次面对公众讲话的机会都是北京市中级法院的开庭提供的,一次是1991年1月,一次是现在。虽然两次被指控的罪名不同,但其实质基本相同,皆是因言获罪。
二十年过去了,六·四冤魂还未瞑目,被六·四情结引向持不同政见者之路的我,在1991年走出秦城监狱之后,就失去了在自己的祖国公开发言的权利,而只能通过境外媒体发言,并因此而被长年监控,被监视居住(1995年5月-1996年1月),被劳动教养(1996年10月-1999年10月),现在又再次被政权的敌人意识推上了被告席,但我仍然要对这个剥夺我自由的政权说,我坚守着二十年前我在《六·二绝食宣言》中所表达的信念——我没有敌人,也没有仇恨。所有监控过我,捉捕过我、审讯过我的警察,起诉过我的检察官,判决过我的法官,都不是我的敌人。虽然我无法接受你们的监控、逮捕、起诉和判决,但我尊重你的职业与人格,包括现在代表控方起诉我的张荣革和潘雪晴两位检察官。在12月3日两位对我的询问中,我能感到你们的尊重和诚意。
因为,仇恨会腐蚀一个人的智慧和良知,敌人意识将毒化一个民族的精神,煽动起你死我活的残酷斗争,毁掉一个社会的宽容和人性,阻碍一个国家走向自由民主的进程。所以,我希望自己能够超越个人的遭遇来看待国家的发展和社会的变化,以最大的善意对待政权的敌意,以爱化解恨。
众所周知,是改革开放带来了国家的发展和社会的变化。在我看来,改革开放始于放弃毛时代的“以阶级斗争为纲”的执政方针。转而致力于经济发展和社会和谐。放弃“斗争哲学”的过程也是逐步淡化敌人意识、消除仇恨心理的过程,是一个挤掉浸入人性之中的“狼奶”的过程。正是这一进程,为改革开放提供了一个宽松的国内外环境,为恢复人与人之间的互爱,为不同利益不同价值的和平共处提供了柔软的人性土壤,从而为国人的创造力之迸发和爱心之恢复提供了符合人性的激励。可以说,对外放弃“反帝反修”,对内放弃“阶级斗争”,是中国的改革开放得以持续至今的基本前提。经济走向市场,文化趋于多元,秩序逐渐法治,皆受益于“敌人意识”的淡化。即使在进步最为缓慢的政治领域,敌人意识的淡化也让政权对社会的多元化有了日益扩大的包容性,对不同政见者的迫害之力度也大幅度下降,对八九运动的定性也由“动暴乱”改为“政治风波”。敌人意识的淡化让政权逐步接受了人权的普世性,1998年,中国政府向世界做出签署联合国的两大国际人权公约的承诺,标志着中国对普世人权标准的承认;2004年,全国人大修宪首次把“国家尊重和保障人权”写进了宪法,标志着人权已经成为中国法治的根本原则之一。与此同时,现政权又提出“以人为本”、“创建和谐社会”,标志着中共执政理念的进步。
这些宏观方面的进步,也能从我被捕以来的亲身经历中感受到。
尽管我坚持认为自己无罪,对我的指控是违宪的,但在我失去自由的一年多时间里,先后经历了两个关押地点、四位预审警官、三位检察官、二位法官,他们的办案,没有不尊重,没有超时,没有逼供。他们的态度平和、理性,且时时流露出善意。6月23日,我被从监视居住处转到北京市公安局第一看守所,简称“北看”。在北看的半年时间里,我看到了监管上的进步。
1996年,我曾在老北看(半步桥)呆过,与十几年前半步桥时的北看相比,现在的北看,在硬件设施和软件管理上都有了极大的改善。特别是北看首创的人性化管理,在尊重在押人员的权利和人格的基础上,将柔性化的管理落实到管教们的一言一行中,体现在“温馨广播”、“悔悟”杂志、饭前音乐、起床睡觉的音乐中,这种管理,让在押人员感到了尊严与温暖,激发了他们维持监室秩序和反对牢头狱霸的自觉性,不但为在押人员提供了人性化的生活环境,也极大地改善了在押人员的诉讼环境和心态,我与主管我所在监室的刘峥管教有着近距离的接触,他对在押人员的尊重和关心,体现在管理的每个细节中,渗透到他的一言一行中,让人感到温暖。结识这位真诚、正直、负责、善心的刘管教,也可以算作我在北看的幸运吧。
正是基于这样的信念和亲历,我坚信中国的政治进步不会停止,我对未来自由中国的降临充满乐观的期待,因为任何力量也无法阻拦心向自由的人性欲求,中国终将变成人权至上的法治国。我也期待这样的进步能体现在此案的审理中,期待合议庭的公正裁决——经得起历史检验的裁决。
如果让我说出这二十年来最幸运的经历,那就是得到了我的妻子刘霞的无私的爱。今天,我妻子无法到庭旁听,但我还是要对你说,亲爱的,我坚信你对我的爱将一如既往。这么多年来,在我的无自由的生活中,我们的爱饱含着外在环境所强加的苦涩,但回味起来依然无穷。我在有形的监狱中服刑,你在无形的心狱中等待,你的爱,就是超越高墙、穿透铁窗的阳光,扶摸我的每寸皮肤,温暖我的每个细胞,让我始终保有内心的平和、坦荡与明亮,让狱中的每分钟都充满意义。而我对你的爱,充满了负疚和歉意,有时沉重得让我脚步蹒跚。我是荒野中的顽石,任由狂风暴雨的抽打,冷得让人不敢触碰。但我的爱是坚硬的、锋利的,可以穿透任何阻碍。即使我被碾成粉末,我也会用灰烬拥抱你。
亲爱的,有你的爱,我就会坦然面对即将到来的审判,无悔于自己的选择,乐观地期待着明天。我期待我的国家是一片可以自由表达的土地,在这里,每一位国民的发言都会得到同等的善待;在这里,不同的价值、思想、信仰、政见……既相互竞争又和平共处;在这里,多数的意见和少数的仪意见都会得到平等的保障,特别是那些不同于当权者的政见将得到充分的尊重和保护;在这里,所有的政见都将摊在阳光下接受民众的选择,每个国民都能毫无恐惧地发表政见,决不会因发表不同政见而遭受政治迫害;我期待,我将是中国绵绵不绝的文字狱的最后一个受害者,从此之后不再有人因言获罪。
表达自由,人权之基,人性之本,真理之母。封杀言论自由,践踏人权,窒息人性,压抑真理。
为践行宪法赋予的言论自由之权利,当尽到一个中国公民的社会责任,我的所作所为无罪,即便为此被指控,也无怨言。
谢谢各位 !
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Re: A lire absolument : Liu Xiaobo traduit en français

Messagepar mandarine » 09 Déc 2011, 14:19

merci pour cette lettre

l'optimisme et l'entêtement de liu Xiaobo sont dignes des premiers chrétiens dans la fosse aux lions !

il a vu des améliorations des conditions de détention et d'interrogations à son retour à la prison de pékin
mais
n'a-t-il pas bénéficié de conditions spéciales VIP ?
pas certain que tous les prisonniers aient eu ces mêmes avantages ......mais accordons crédit aux propos de L. X. c'est le moins que l'on puisse faire

par ailleurs , écrire quelque chose dans la constitution sans l'appliquer , n'est-ce pas simplement du cynisme ?
Les autorités de votre pays,qui elles aussi pensent forcément à leurs intérêts,ne manqueront pas de comprendre combien le type de célébrité que leur vaut la persécution de personnes telles que vous les dessert Vaclav Havel à Liu Xiaobo
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