Le Sorgho rouge, un beau roman d'éducation

Publiez ici vos impressions de lecture concernant les romans (ou les bandes dessinées)

Le Sorgho rouge, un beau roman d'éducation

Messagepar laoshi » 11 Déc 2013, 18:51

:ec19: C’est un petit livre que j’ai découvert par hasard en fouinant dans une librairie : Le Sorgho rouge de Ya Ding (Le Livre de Poche, 6€50).

Largement autobiographique, ce roman très émouvant est un roman d'éducation. Il raconte l’histoire d’un petit garçon de neuf-dix ans qui découvre les coutumes ancestrales d’un village perdu au fin fond de la Chine du Nord, Xin-Zhouan, à la veille de la Révolution Culturelle et de la campagne de destruction des « quatre vieilleries ». Son père, nommé préfet du district, a été nommé là pour éradiquer la « superstition » du christianisme, premier obstacle à l’émancipation communiste….

La première originalité de ce livre, c’est d’abord son style. Ya Ding, qui écrit en français, donne à sentir la structure même du chinois à travers son écriture : on y entend que la langue chinoise préfère la parataxe (la juxtaposition des propositions) à la syntaxe, qu'elle est beaucoup moins discursive, beaucoup plus synthétique que le français, une spécificité que l’auteur a rendue par l’emploi fréquent des phrases nominales.

Autre originalité : le point de vue adopté par Ya Ding, celui de l’intériorité d’un enfant, dont nous partageons les doutes, les émerveillements, les angoisses et les émois alors que la psychologie n’a pas bonne presse dans la culture maoïste, comme en témoigne le credo officiel du Parti tel que le définit le directeur de l’école dont dépend la mère du petit Liang :


Ya Ding, dans Le Sorgho rouge, a écrit: Pourquoi notre Parti est-il grand ? […] Parce que c’est un Parti qui n’admet jamais les relations privées. Tous les sentiments sont des sentiments de classe. On s’aime parce qu’on est tous de la classe prolétarienne. […] normalement, si jamais ton père a quelque chose à dire à ta mère, il doit me le dire d’abord ; ensuite, c’est à moi de le répéter à ta mère.[…]


Liang vient de la ville, il ne connaît ni les jeux du village comme le jeu des disques de terre ni les coutumes funéraires, ni les divinités traditionnelles, comme le Seigneur et la grand-mère de la cheminée que remplace bientôt dans tous les foyers le culte de Mao. Il ne connaît pas non plus le sens de ce « dix » qui surmonte l’étrange bâtiment où se réunit le Parti, ni la musique de « la messe » (un mot que lui apprend son ami Tian) ni les prières que marmonnent les paysans. Et puis il y a ce cri mystérieux qu’on entend dans la campagne et qui semble terrifier tout le monde : le cri de Wen-Meng…. Ce qu’il connaît, c’est l’idéal communiste de ses parents.

Vouant une admiration sans bornes à son père, qui croit pouvoir convertir les paysans au maoïsme en les aidant à irriguer leurs terres arides, Liang se donne corps et âme à la Révolution Culturelle qui va détruire sa famille... et ses certitudes.
laoshi
Avatar de l’utilisateur
laoshi
Administrateur
 
Messages: 3912
Inscrit le: 06 Juil 2011, 06:23

Retour vers romans et autres fictions

Qui est en ligne ?

Utilisateur(s) parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 1 invité

cron