Le Pays du Cerf blanc, de Chen Zhongshi

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Le Pays du Cerf blanc, de Chen Zhongshi

Messagepar laoshi » 18 Juin 2014, 12:12

Je viens de terminer Le Pays du cerf blanc, un très gros roman (plus de 1000 pages) de Chen Zhongshi 陈忠实 ; le titre chinois, 白鹿原, est un jeu de mots : 白 [bái], « blanc », et 鹿 [lù] « cerf », évoquent tout à la fois l’apparition fantastique d’un cerf blanc sur le plateau qui domine le village et les noms des deux clans dont le roman raconte l’histoire croisée. D’un côté, les Bai, les nantis du village, de l’autre, les Lu, moins fortunés, jouisseurs, animés par le ressentiment social. Mais les frontières se brouillent avec les individus et les générations ; Lu Shan, domestique exemplaire des Bai, renie son fils Noiraud, enrôlé aux côtés des bandits de la réforme agraire puis de la guérilla communiste ; le patriarche des Bai, qui partage le travail de son valet à égalité, renie l’un des siens, coupable de rompre avec les principes de la morale confucianiste et de se livrer sans frein à la sexualité, au jeu et à l’opium. Comme les Bai et les Lu, les nationalistes et les communistes s’opposent avec une égale cruauté au lieu de s’unir, pour le meilleur et pour le pire, contre l’invasion japonaise, et de sceller cette réconciliation dont le titre du roman est l’emblème.

La description des traditions « féodales » court en filigrane dans le roman, scandé par de scènes érotiques au statut ambigu et que j’ai trouvées, pour ma part, complaisantes : emblème d’une liberté individuelle corsetée par la tradition mais aussi germe de corruption.

Si le roman est en Chine un immense best-seller, il le doit peut-être à cette « audace » inspirée de Moravia et de DH Lawrence, dont l’auteur revendique l’influence…. Gabriel García Marquez est aussi passé par là (en particulier dans l’épisode de la peste ou du choléra qui décime mystérieusement le village).

Chen Zhongshi est entré au parti communiste en 1966 et ses romans me semblent suivre l’évolution idéologique du Parti. Le personnage le plus exemplaire du roman, maître Zhu, inspiré d’un personnage réel, est significativement un confucéen idéal, à l’image de la « société harmonieuse » que prônait, en son temps, Hu Jintao. J’attends donc le roman du « rêve chinois » de Xi Jinping.

Le Pays du Cerf blanc a valu le prix Mao Dun à son auteur ; personnellement, vous l’aurez compris par ces quelques lignes, je n’ai pas été vraiment convaincue. Comparé au talent critique de Mo Yan, dont j'ai lu toutes les traductions françaises, celui de Chen Zhongshi me semble bien fade. Mais ce n'est évidemment qu'un jugement subjectif, fondé sur une traduction qui plus est. J'ai l'habitude de lire chaque roman deux fois avant d'en faire un compte rendu, cette fois, je me suis contentée d'une lecture, ceci explique peut-être aussi cela.
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