Ancien journaliste des syndicats chinois, Ma Jian a quitté Beijing pour Hong Kong en 1987, peu avant que ses livres soient interdits en Chine (ils le sont toujours aujourd'hui). Peintre, reporter, photographe et écrivain il vit aujourd'hui à Londres. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages remarqués tels que La Mendiante de Shigatze (Actes Sud, 2001) ou Nouilles Chinoises (Flammarion, 2006). Son roman Chemins de poussière rouge (Editions de l'aube, 2005) fustige l'autorité abusive et l'hypocrisie au pouvoir en Chine, lui valant ainsi l'admiration du prix Nobel Gao Xingjian qui voit en lui « une des voix les plus importantes et les plus courageuses de la littérature chinoise contemporaine ».
La Route sombre
Jeune paysanne née au cœur de la Chine rurale, Meili est mariée à Kongzi, l'instituteur du village, lointain descendant de Confucius. Ensemble, ils ont une fille, mais Kongzi, qui veut à tout prix un fils pour poursuivre la lignée de sa célèbre famille, met à nouveau Meili enceinte, sans attendre la permission légale. Lorsque les agents de contrôle des naissances envahissent le village pour arrêter ceux qui ont transgressé les règles, père, mère et fille fuient vers le fleuve Yangtze. Ils commencent alors une longue cavale vers le Sud, à travers les paysages dévastés de la Chine, trouvant de menus travaux au passage, parfois réduits à mendier et obligés de se cacher des forces de l'ordre. Alors que le corps de Meili continue d'être pris d'assaut par son mari et que l'Etat cherche à le contrôler, elle se bat pour reprendre en main sa vie et celle de l'enfant à naître. Avec La Route sombre, Ma Jian, célèbre dissident chinois, signe un roman bouleversant où la violence du contrôle social vous saisit de plein fouet.
Ma Jian vient d'accorder une interview au Nouvel Observateur en voici un extrait :
Ma Jian a écrit:
La réalité de l'horreur dépasse largement, en brutalité et en barbarie, tout ce que je décris. En 1991, dans la province du Xiangdong, les autorités ont décrêté que, pendant cent jours, aucun enfant ne pourrait voir le jour. On estime le nombre d'avortements forcés à environ 20000. Les hôpitaux ne pouvaient faire face et on a érigé des tentes dans les rues, où les opérations étaient pratiquées. Les fœtus étaient jetés dans des puits et l’odeur infecte a persisté pendant des mois. Les habitants parlent encre de cette année comme de celle du massacre des agneaux. Et c’est seulement un épisode. Ces massacres ont eu lieu dans toute la Chine, mais les autorités le cachent. L’avortement forcé, qui est le pire crime contre l’humanité qui soit, fait partie de la vie quotidienne. Il y a quelques semaines, un homme, furieux de ne pas avoir obtenu un permis de naissance, s’est rendu dans un bureau du planning familial et a tué deux fonctionnaires. Il a été exécuté aussitôt.
Ma Jian est très critique à l’égard de Mo Yan, qui a pourtant traité le même sujet dans Grenouilles, sans aucune complaisance pour le régime quoi qu’on en dise ! La différence est que Mo Yan vit en Chine et travaille à l’éveil des consciences de l’intérieur de la Chine. Le livre de Ma Jian, que je vais m’empresser de lire, est sans doute excellent, mais les Chinois n’ont aucune chance de le lire.