Ma Jian : Nouilles chinoises

Ma Jian, dont nous avons déjà parlé à propos de Beijing Coma, dévoile, dans Le Donneur de sang professionnel - la deuxième nouvelle de Nouilles chinoises -, les contraintes bureaucratiques qui s’imposent aux écrivains chinois. Il raconte comment « le secrétaire du Parti du syndicat des Ecrivains local » impose non seulement un sujet à l’un des poulains mais encore un canevas narratif :
« le Comité central du Parti [ayant] décidé que la campagne nationale ‘Mettons-nous à l’Ecole de Lei Feng’ - l’héroïque soldat de l’ALP qui a voué sa vie à servir la cause de la Révolution et les besoins du peuple – devait atteindre son sommet en mars », le secrétaire du Parti lui enjoint de relayer cette campagne au niveau qui est le sien :
Dans ce système infantilisant, qui transforme les écrivains en porte-voix dociles du régime, il faut avoir l’échine suffisamment souple pour se plier aux inflexions de la propagande officielle ! Le pauvre romancier se fait vertement tancer pour avoir suivi la ligne officielle de l’année précédente qui promouvait les jeunes cadres réformateurs contre la vieille garde conservatrice :
Sifflet de Pigeon, que j’ai longuement commenté dans l’ère post-maoïste en feuilleton, mettait déjà en évidence non seulement le culte de Lei Feng mais encore les revirements imposés aux auteurs de revue : « la littérature des cicatrices » avait fait son temps, disait un cadre appartenant sans doute lui aussi au Syndicat des écrivains ; il fallait désormais promouvoir « un nouveau réalisme » au service de la société socialiste de marché. Yanping, le jeune instruit revenu de Beidahuang, 北大荒 (haut lieu du laogai), un camp forestier du Heilongjiang où il avait passé dix ans, voyait ainsi échouer ses aspirations littéraires tandis que sa rédactrice en chef était limogée pour avoir publié un « livre piraté »…. On comprend que Liu Xiabao se soit montré si sévère sur l’évolution de la littérature chinoise dans sa conférence de 1986 dont j’ai fait ici le résumé….
« le Comité central du Parti [ayant] décidé que la campagne nationale ‘Mettons-nous à l’Ecole de Lei Feng’ - l’héroïque soldat de l’ALP qui a voué sa vie à servir la cause de la Révolution et les besoins du peuple – devait atteindre son sommet en mars », le secrétaire du Parti lui enjoint de relayer cette campagne au niveau qui est le sien :
Ma Jian dans Le Donneur de sang professionnel a écrit:
Trouve-moi un Lei Feng contemporain […]. Quelqu’un d’aujourd’hui qui a la conscience socialiste qu’avait Lei Feng dans les années 60. Recherche la vérité dans les faits, comme dit notre Premier ministre. Donne-lui vie sur la page, et qu’à la fin il meure en essayant de sauver un camarade. […]
Le Parti t’a entraîné à manier la plume et ton heure est venue de la manier. Tu comprends ? ‘Pendant mille jours nous entraînons nos troupes, pour les utiliser dans une seule bataille,’ comme on dit. Il est temps de payer ta dette au Parti. Je te laisse le choix des détails.
Dans ce système infantilisant, qui transforme les écrivains en porte-voix dociles du régime, il faut avoir l’échine suffisamment souple pour se plier aux inflexions de la propagande officielle ! Le pauvre romancier se fait vertement tancer pour avoir suivi la ligne officielle de l’année précédente qui promouvait les jeunes cadres réformateurs contre la vieille garde conservatrice :
Ma Jian a écrit: Eh bien cette année ça a changé, n’est-ce pas ? Maintenant c’est plus on est vieux, plus on est réformiste. ‘Les vagues du Yangzi sont poussées par derrière’, comme on dit. […]
Tandis que nous parlons, tous les syndicats d’écrivains du pays se préparent à cette campagne. Ils mettent leurs meilleurs auteurs sur le coup. Fais attention à ne pas rater le coche. […] Si tu fais une bonne histoire sur un nouveau Lei Feng, les organes du Parti t’enverront un formulaire de demande pour entrer dans le Grand Dictionnaire des Ecrivains chinois.
Sifflet de Pigeon, que j’ai longuement commenté dans l’ère post-maoïste en feuilleton, mettait déjà en évidence non seulement le culte de Lei Feng mais encore les revirements imposés aux auteurs de revue : « la littérature des cicatrices » avait fait son temps, disait un cadre appartenant sans doute lui aussi au Syndicat des écrivains ; il fallait désormais promouvoir « un nouveau réalisme » au service de la société socialiste de marché. Yanping, le jeune instruit revenu de Beidahuang, 北大荒 (haut lieu du laogai), un camp forestier du Heilongjiang où il avait passé dix ans, voyait ainsi échouer ses aspirations littéraires tandis que sa rédactrice en chef était limogée pour avoir publié un « livre piraté »…. On comprend que Liu Xiabao se soit montré si sévère sur l’évolution de la littérature chinoise dans sa conférence de 1986 dont j’ai fait ici le résumé….