Pan yu liang, de Marie-Laure de Shazer

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Pan yu liang, de Marie-Laure de Shazer

Messagepar laoshi » 13 Juin 2013, 14:45

Disons-le d'emblée, je n'ai pas beaucoup aimé Pan yu liang (la femme peintre qui savait unir l'Orient et l'Occident) (éditions Edilivre, 2010). Je pense que la langue maternelle de l'auteur, Marie-Laure de Shazer, n'est pas le français (elle réside en Amérique, dit la quatrième de couverture, est professeur de français, d'espagnol et de mandarin). Cette biographie romancée, peut-être inspirée de [huà hún] (littéralement "l'âme de la peinture"), le livre que Shi Nan a consacré à Pan Yuliang en 1984, n'en apporte pas moins quelques précisions intéressantes sur la vie de cette artiste exceptionnelle.

Les parents de Pan Yuliang étaient de modestes artisans de Yang Zhou (dans la province du Jiangsu) : le père fabriquait des chapeaux et la mère était brodeuse. La famille aurait été ruinée, en 1899, par un escroc venu de Shanghai qui, se faisant passer pour un envoyé de l'Empereur, aurait emporté tout le stock de la petite échoppe en promettant un prompt règlement impérial qui ne vint évidemment jamais…. Quelques mois plus tard naissait une petite fille que ses parents nommèrent
Xiùqīn, "pureté florissante" ou "gracieuse pureté"…. Wikipédia donne une autre date de naissance, 1895, et un autre nom de naissance, Chén et non pas Zhāng. La petite fille aurait appris la broderie dès l'âge de cinq ans ; son père serait mort un an plus tard et sa mère alors qu'elle n'avait que douze ans.

Recueillie par son oncle maternel, un marchand de tissus cynique, opiomane et violent, l'adolescente, vendue à un bordel de Wuhu, dans la province de l'Anhui, à l'âge de 14 ans (13 ans selon Wikipédia), n'aurait pas été violée, comme dans le film de Zhang Yimou et Huang Shuqin, mais elle aurait été rouée de coups, séquestrée et privée de nourriture pendant plusieurs jours à la suite d'une tentative d'évasion. La rencontre avec Pan Zanhua n'est pas très différente (si ce n'est qu'elle arrive vierge chez son riche protecteur). Cependant, Pan Zanhua aurait déjà été père du petit Niu (dans le film, c'est Pan Yuliang qui, rendue stérile par un breuvage absorbé au bordel, aurait fait revenir l'épouse de celui-ci à Shanghai pour qu'elle lui donne un fils).

Selon Marie-Laure Shazer, convaincu que le respect des "rites" ne vaut pas la garantie des lois, que les femmes sont les égales des hommes et qu'elles aussi ont droit à l'éducation, Pan Zanhua l'aurait dit haut et fort lors d'une conférence dénonçant la corruption régnante et appelant ses concitoyens à relever le défi de la modernité et du progrès social…. Un client du bordel, assistant par hasard à la conférence, l'aurait dénoncé dans une lettre anonyme adressée à un journal à sensation. Epinglé par ceux-là mêmes à qui il faisait la leçon, l'imprécateur, acculé à la démission, aurait dû annoncer publiquement son mariage avec la petite prostituée et quitter Wuhu pour Shanghai. Selon Marie-Laure de Shazer, c'est Pan Zanhua qui aurait alors donné à Xiùqīn le joli prénom de "Yuliang", qui signifie "douceur de jade", pour la laver de son passé.

Les démêlés de Pan Yuliang avec les autorités académiques sont beaucoup plus développés dans le livre de Marie-Laure de Shazer que dans le film. Son tableau de concours, un bouquet d'anémones dans un vase chinois, unissait déjà l'Orient et l'Occident de manière originale mais, contre toute attente, il aurait été refusé par le jury. Le professeur Hong, stupéfait de voir que ses collègues refusaient une élève aussi brillante, aurait choisi deux autres toiles dans son atelier, se serait rué chez le directeur de l'Institut et aurait obtenu haut la main l'inscription de Pan Yuliang, au grand dam de ses collègues, ulcérés à l'idée qu'une ancienne prostituée puisse "souiller" leur école !

Voilà donc Pan Yuliang inscrite dans la classe du professeur Chang. Mauvais joueur, celui-ci s'acharne contre son travail, l'accable de son mépris quand il ne la couvre pas d'injures évoquant son passé de prostituée. Poussée à bout, elle ose un jour répliquer en dessinant un nu qu'elle lui donne en disant : "Voilà, ce dessin vous plaît ? Prenez-le ! il représente la condition de la femme dans notre société !" Tandis que toute la classe s'esclaffe devant cette toile impudique, le directeur vient encore une fois au secours de Pan Yuliang : il compare sa toile à l'Olympia de Manet, loue sans réserve son art de la synthèse entre l'Orient et l'Occident et fait taire les envieux en attribuant lui-même une excellente note à la toile. L'année suivante, c'est un professeur épris de modernité occidentale, le professeur Wang Jiyuan (en chinois
[wáng jìyuǎn]), qui succède à l'ombrageux Chang…. C'est la classe de celui-ci que l'on voit saccager dans le film.

La version que Marie-Laure de Shazer donne de ce saccage est sensiblement différente de celle de Zhang Yimou et de Huang Shuqin. Selon elle, Pan Yuliang a vingt-deux ans lorsqu'elle est invitée, comme tous les élèves de l'Institut, à présenter une œuvre au public. Dans cette Chine où règne la pudibonderie confucéenne, elle a l'audace de présenter un nu pour lequel elle a fait poser un modèle privé. Elle s'inspire, à nouveau, de l'Olympia de Manet, une toile qui est pour elle l'emblème de sa propre destinée. Olympia est une toute jeune fille comme elle l'était elle-même quand la mère Li a voulu vendre sa virginité. Nue, allongée sur un lit aux draps de satin, la prostituée de Manet regarde insolemment le spectateur - qu'elle renvoie ainsi à son propre voyeurisme -, tandis qu'une servante noire lui apporte le somptueux bouquet qu'un riche client vient de lui faire envoyer. Sa main, posée sur son sexe, dérobe aux regards ce que les hommes sont si avides de voir et réaffirme l'interdit qu'ils violent allègrement dans les bordels du Second Empire en prêchant la vertu aux femmes comme il faut. Sur le lit, un chat noir aux prunelles d'émeraude redouble le regard de défi d'Olympia et rappelle à la jeune femme les propos par lesquels l'une de ses compagnes l'avait préparée à la défloration : "l'homme te grimpera dessus comme un chat et puis c'est tout" (l'omniprésence des chats, dans la vie et dans l'œuvre de Pan Yuliang, a peut-être aussi quelque chose à voir avec cet épisode fondateur). Mais la toile de Manet ne se conçoit pas seule : ce chat démoniaque, au poil hérissé, fait écho au chien bien sage, symbole de fidélité conjugale, que le Titien avait glissé auprès de la jeune mariée, nue elle aussi, de sa Vénus d'Urbin. La servante noire apportant le bouquet faisait pendant, quant à elle, à la domestique rangeant les habits de la mariée dans le coffre des noces. Inspirée de cette toile du Titien et de la Maja nue de Goya, l'Olympia de Manet était donc porteuse, aux yeux de Pan Yuliang, de l'opposition entre la femme vertueuse et la putain qui structure la société chinoise comme la société bourgeoise dans laquelle vivait Manet. La toile de Pan Yuliang ne conservait de son modèle, semble-t-il, que la figure d'une jeune femme défendant son sexe contre la défloration tarifée et le regard renvoyant le client à son hypocrisie. C'était un véritable manifeste pour la liberté artistique venue d'Occident, contre l'oppression des femmes chinoises et contre la prostitution dont elle avait été elle-même victime. Après un échange de coups entre les défenseurs de la vertu confucéenne et les jeunes modernistes, la toile aurait été confisquée par la police.

C'est à la suggestion du directeur de l'Institut des Beaux-Arts de Shanghai que l'artiste serait ensuite partie pour la France, d'abord pour Lyon (en 1921), puis pour Paris (1923) où elle découvrit le fauvisme qui mêle en effet son influence à l'impressionnisme dans les toiles que l'on peut voir sur Internet. La toile qu'elle présenta au concours de l'Ecole des Beaux-Arts et pour laquelle elle reçut la médaille d'or était elle aussi inspirée de l'Olympia de Manet : elle représentait deux femmes nues, une femme blanche, aux cheveux blonds, assise sur un peignoir oriental rouge et noir jeté sur une chaise, et une femme noire, elle aussi assise sur une chaise, tenant un bouquet de fleurs blanches. Derrière elles, une Vénus peinte soulignait la signification vénale de la scène. Marie-Laure de Shazer ne dit rien de la bourse du Prix de Rome (1925) ni du séjour à Rome où Pan Yuliang exposa en 1926. La toile, exposée en 1939 sous le titre "un contraste entre le noir et le blanc" lui vaudra un succès mondial.

De retour en Chine après avoir gagné la reconnaissance de ses pairs, Pan Yuliang retrouve Pan Zanhua en pleine déroute financière. Considéré comme un "ennemi du peuple" pour avoir fait ses études au Japon alors que les Japonais ont envahi la Chine, il a perdu non seulement son travail mais encore tous ses appuis et a sombré dans l'alcoolisme. Pan Yuliang, croyant pouvoir assurer la subsistance du foyer pas son travail, donne plusieurs expositions dont Marie-Laure de Shazer ne dit rien. Elle ne dit rien non plus de son enseignement à Nankin. Elle reprend son récit aux nouveaux ennuis de Pan Yuliang avec le professeur Chang à Shanghai où elle est nommée professeur doyen de l'art occidental en 1929. Ce serait une jeune étudiante, appelée Mei, qui aurait brisé sa carrière. Ayant surpris par hasard la conversation de deux collègues de Pan Yuliang, ulcérés de voir une femme leur ravir la place qu'ils convoitaient, la jeune fille aurait organisé le boycott des cours de son professeur. Pan Yuliang, privée d'élèves (il ne lui en reste que trois), accusée d'avoir monnayé ses prix et son poste contre ses charmes, aurait alors décidé de retourner en France après avoir écrit à la femme de Pan Zanhua pour lui demander de prendre soin de l'homme qu'elle-même n'avait jamais cessé d'aimer.

Pan Zanhua mourut en 1966, c'est alors seulement que Pan Yuliang aurait fait son portrait (ce qui infirme la version donnée dans le film). Elle observe de loin et avec consternation les événements qui se déroulent en Chine où les gardes-rouges s'acharnent contre les professeurs d'art qui osent enseigner l'impressionnisme aux étudiants chinois et conspuent son nom. Ayant toujours refusé la nationalité française que De Gaulle et son ministre de la Culture la pressaient d'adopter, elle lègue néanmoins les 4000 toiles qu'elle laisse dans sa cave au gouvernement chinois.
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376 messages d'insultes plus tard...

Messagepar laoshi » 05 Juil 2014, 12:27

Suite à la publication de cet article, j’ai reçu, à ce jour, 376 messages d’insultes de l’auteur qui ne se contente pas d’avoir usurpé mon identité, d’avoir fait des faux grossiers, de les avoir publiés sur internet, de les avoir envoyés au lycée et à la mairie de la commune….

Je tiens à affirmer ici :

- que l’antisémitisme, la xénophobie et le racisme me sont absolument étrangers

- que je n’ai jamais écrit aucun message antisémite ou raciste et que je serais fondée à porter plainte pour usurpation d'identité, diffamation, faux et usage de faux contre quiconque m'imputerait de tels messsages

- que je n’ai jamais mis en doute les compétences linguistiques, orthographiques, syntaxiques ou lexicales de l'auteur.

- que je n’ai jamais mis en doute ses compétences de professeur de FLE (français langue étrangère) dont je ne vois pas comment ni de quel droit je pourrais les évaluer !

J'ajoute :

- qu’on accepte, en publiant, de laisser à ses lecteurs le droit d’exprimer leur jugement

- que les informations de la quatrième de couverture étant publiées par l'auteur, leur reproduction ne peut en aucune manière nuire à sa réputation.

- que j'ai proposé d'emblée un droit de réponse à l'auteur qui préfère, selon ses propres termes, me "détruire" ....
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Re: Pan yu liang, de Marie-Laure de Shazer

Messagepar mandarine » 05 Juil 2014, 14:50

Les bras m'en tombent

Je ne sais que faire pour vous aider .
Peut-être qu'un lecteur du forum aura une idée.

C'est effrayant.
Les autorités de votre pays,qui elles aussi pensent forcément à leurs intérêts,ne manqueront pas de comprendre combien le type de célébrité que leur vaut la persécution de personnes telles que vous les dessert Vaclav Havel à Liu Xiaobo
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Re: Pan yu liang, de Marie-Laure de Shazer

Messagepar mandarine » 05 Juil 2014, 15:00

Si je compte bien , voilà une année que cela dure !
Les autorités de votre pays,qui elles aussi pensent forcément à leurs intérêts,ne manqueront pas de comprendre combien le type de célébrité que leur vaut la persécution de personnes telles que vous les dessert Vaclav Havel à Liu Xiaobo
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