Xie Yang, avocat des droits de l’homme, témoigne de ses conditions de détention avec un courage exemplaire alors même qu’il est toujours derrière les barreaux. On n’ose se demander dans quel état l’auront mis ses gardiens après ces révélations.
La soif, la fumée des cigarettes et la chaise instable, trois techniques de torture utilisées par les geôliers de Xie Yang :
« je vais te torturer jusqu’à ce que tu deviennes fou », lui dit l’un de ses tortionnaires, n’imagine pas que tu pourras reprendre ton travail d’avocat en sortant d’ici, tu ne seras plus qu’un déchet humain. »
Le document, qui transcrit les déclarations de Xie Yang à ses avocats, date du début janvier, il circule sur les réseaux sociaux depuis jeudi. Chen Jiangang, l’un des deux avocats nommés dans le document, a confirmé son authenticité à China Real Time, en précisant que ses défenseurs avaient décidé de le publier quand il est devenu évident que leur client ne serait pas relâché à l’occasion de congés du Nouvel An, qui commencent la semaine prochaine. « C’est la première fois que je vois un prisonnier politique torturé de cette façon, dit Chen Jiangang. Le gouvernement chinois prétend qu’il punira quiconque utilise la torture pour obtenir des aveux conformément à la loi qui interdit de telles pratiques mais, dans les faits, il en va tout autrement. » Le récit détaillé de Xie Yang éclaire d’un jour sombre le cas d’un autre avocat, Li Chunfu, rendu aux siens, le 12 janvier, dans un état psychique catastrophique. Les membres de sa famille ont déclaré qu’il avait des accès de paranoïa et qu’il souffrait de schizophrénie. « Li Chunfu est tellement anéanti qu’il ne peut dire ce qui lui est arrivé », rapporte un militant des droits de l’homme basé à Hong Kong…
Xie Yang a défendu plusieurs activistes arrêtés lors de diverses campagnes de répression contre les avocats, il a aussi représenté la famille d’un pétitionnaire tué dans des conditions suspectes par la police dans le nord-est de la Chine. Plusieurs des avocats qui se sont occupés de ce cas sont devenus des cibles de la répression.
Xie Yang a été arrêté le 11 juillet 2015 au matin puis détenu par la police dans un hôtel du Hunan, dans la Chine centrale ; de là, il a été transféré à Changsha et maintenu au secret dans un centre de détention « résidentielle »… Pendant sept jours, les interrogatoires se sont enchaînés pratiquement sans interruption, Xie yang n’a jamais pu dormir plus de 3 heures de suite et était régulièrement privé d’eau.
Les enquêteurs voulaient qu’il renonce à défendre les droits de l’homme et qu’il dise les raisons pour lesquelles il avait choisi tel ou tel cas. « Pour chaque affaire que tu as traitée, tu as le choix entre trois motivations : tu l’as fait soit pour la gloire, soit pour le profit, soit parce que tu es antiparti et antisocialiste ». Xie Yang refusant ces trois motivations, les tortionnaires l’asphyxiaient littéralement en lui soufflant dans les yeux la fumée de cigarettes allumées par poignées puis le battaient à coups de pied et de poing (voire à coups de tête) en dehors du champ de la caméra.
Mais la torture la plus pénible est celle de la « chaise instable » faite d’un empilement de tabourets en plastique sans accoudoir et sans dossier ; juché sur ce siège de telle sorte que ces pieds ne touchent pas terre et que ses jambes ballent dans le vide, Xie Yang devait se tenir droit : « si tu bouges, on considérera que tu as attaqué un officier de police et on pourra prendre n’importe quelle mesure pour en finir avec toi. On représente le Parti dans la gestion de ton affaire, lui dit un officier. Même si tu meurs, il n’y aura aucune preuve. » « J’étais assis là-dessus, avec les pieds ballant dans le vide, 20 heures par jour. D'abord, mes jambes me faisaient mal, puis elles s’engourdissaient, puis elles se mettaient à enfler. »
Les menaces contre la famille des détenus font évidemment partie de la panoplie du parfait tortionnaire : ses gardiens suggéraient régulièrement à Xie Yang que « sa femme ou son enfant pourraient mourir dans un accident de la circulation ».
« J’étais dans une situation pire que la mort, dit Xie Yang. Au bout de trois jours, j’étais brisé, je me suis effondré. Mon esprit était complètement en miettes ! » A la mi-août, Xie Yang a signé des aveux sous la torture mais il a toujours refusé d’impliquer quiconque dans ses confessions forcées, comme les enquêteurs l’exigeaient de lui.
Mais la torture ne s’arrête pas à la fin de l’enquête en Chine. Inculpé d’incitation à la subversion de l’Etat, Xie Yang a depuis lors été incarcéré de manière officielle. Livré à la torture de ses codétenus, selon une technique parfaitement mise en évidence par Liao Yiwu dans Dans L'Empire des Ténèbres, Xie Yang continue à endurer le pire.
En déposant une plainte contre ses tortionnaires et en désignant nommément 10 officiers de police, Xie Yang et ses avocats témoignent d’un courage exceptionnel. « Je vous dis maintenant que mon esprit est libre. Je déclare que moi, Xie Yang je suis innocent ».
Le courage des avocats qui prennent en charge cette plainte est exemplaire : Jang Tianyong, disparu depuis le 21 novembre après avoir essayé de le rencontrer à la prison de Changsha, l'a appris à ses dépens.