Petit panorama de la politique religieuse chinoise

Emmanuel Lincot explique, dans le MOOC (cours de la semaine 6), que la Chine est « le creuset de nouvelles spiritualités ». Il est vrai que la destruction de la culture chinoise par le régime communisme a laissé un immense vide spirituel dans le pays, vide qu'ont tenté de compenser les autorités dès le temps de l'Ouverture.
Mais ce syncrétisme ne signifie pas, malheureusement, que les fidèles des différentes religions aient la liberté de pratiquer leur culte en Chine. Je vous propose donc un petit panorama de la politique religieuse chinoise une petite synthèse réalisée à partir des informations que je collecte au jour le jour sur l'actualité chinoise.
LE FALUN GONG

Le besoin d’un « supplément d’âme » a en effet conduit les autorités chinoises à restaurer certaines croyances traditionnelles. Dès 1992, elles ont encouragé la pratique du Falun Gong (une école conjuguant la pratique du qigong et de la méditation) vers lequel les Chinois se sont tournés en masse jusqu’à ce que le nombre des pratiquants soit perçu comme un danger par le PCC. En 1999, Jiang Zemin a donc décidé d’éradiquer ce mouvement. Les adeptes du Falun Gong, arrêtés par centaines de milliers à l’époque, restent les principales victimes de la répression du PCC contre les « cultes pervers ». Ils figurent en bonne place dans le vivier des prisonniers de conscience dans le lequel puisent certains chirurgiens peu scrupuleux pour leurs transplantations d’organes.

Liao Yiwu, l’auteur de Dans L’Empire des ténèbres, dit avoir été témoin d'une de ces curieuses pratiques hospitalières au cours de ses quatre ans de détention : l'un de ses codétenus, extrait de sa cellule pour un prélèvement d'organes de son vivant, a été sauvé in extremis de la mort... les médecins s’étaient rendus compte à la dernière minute qu'ils avaient fait erreur sur la personne et qu'il n'était pas le donneur compatible qu'ils avaient choisi. Le Parlement européen a adopté une résolution exigeant la fin de cette pratique scandaleuse le 12 décembre 2013 mais l’opinion internationale semble relativement indifférente à ces persécutions… Je m’étonne toujours, quant à moi, que nous soyons si prompts à fermer les yeux sur les victimes quand elles ne correspondent pas à nos attentes ! Les avocats des adeptes du Falun Gong, comme Gao Zhisheng ou Jiang Tianyong par exemple, sont eux-mêmes victimes de la répression la plus féroce.
LE CHRISTIANISME
Après la voie du Falun Gong, c’est vers le christianisme, singulièrement vers les sectes évangélistes, que les Chinois en mal de spiritualité se sont tournés en masse et il n’était pas rare, au temps de l’Ouverture, de voir des municipalités financer la construction d’églises sur leur sol. Il en va bien autrement aujourd’hui et, depuis le lancement de la campagne de 2013 Trois rectifications et une démolition, la répression frappe durement les chrétiens : destruction de milliers de croix au Zhejiang, « messes trop fréquentées » frappées d’illégalité en 2015, et maintenant obligation d’installer des caméras dans les lieux de culte et à leurs abords, tout concourt à marginaliser les chrétiens, qu’ils appartiennent au mouvement des églises souterraines ou à l’église officiellement reconnue. Un fait divers tragique, survenu à Zhumadian au Henan le 19 avril 2016, pendant les travaux de démolitions de l’église, témoigne de la violence des autorités : comme le fameux "tank man", le pasteur et sa femme, Ding Cuimei, se sont avancés devant le bulldozer en espérant l'arrêter ; le chef de chantier a alors ordonné à son employé d'avancer en disant qu'il prenait sur lui la responsabilité des conséquences. Le pasteur, qui a réussi à se libérer des gravats, a appelé les secours. Curieusement, la police a mis beaucoup plus longtemps que de coutume avant d'arriver sur les lieux... Ding Cuimei est morte étouffée par le poids des terres....
Comme pour les adeptes du Falun Gong, les tribunaux ont la main lourde ; un exemple parmi d’autres : 14 ans de prison pour le pasteur Bao Guohua, 12 pour sa femme, Xing Wenxiang, en février 2016, sans compter la confiscation d'une somme exorbitante, 600,000 renminbi pour chacun des deux prévenus ; ils ne faisaient pas partie d'une église souterraine mais ils s'étaient opposés à la campagne de destruction des croix du Zhejiang, et, en particulier la croix de leur propre église.
L’ISLAM
La question de l’islam est évidemment compliquée par celle du terrorisme. Ursula Gauthier rapportait dans L’Obs du 18 novembre 2015 les vexations auxquelles étaient soumis les musulmans du Xinjiang.
Quelques exemples :
Cet article lui vaudra, vous le savez sans doute, d’être expulsée de Pékin !
Les choses ne se sont pas arrangées depuis lors, évidemment. La radicalisation des interdits, qui pousse les populations musulmanes à la surenchère, est régulièrement dénoncée par les intellectuels et les avocats des droits de l’homme. Bien qu’il n’ait jamais fait de prosélytisme pour la religion musulmane, l’universitaire Ilham Tothi, dont M. Lincot parle dans son cours, fait les frais de la politique répressive, il a été condamné à la prison à vie en 2014.
Quinze nouvelles règles sont entrées en vigueur le 29 mars après leur adoption par le Comité permanent du parlement régional :
L'article complet est malheureusement payant.
LE BOUDDHISME

Comme chaque année le 28 mars, les Chinois viennent de célébrer la Journée d’émancipation des serfs du Tibet en souvenir du 28 mars 1959, date où Zhou Enlai a proclamé la fin du Gouvernement du Tibet. Elle apparaît bien plutôt aux Tibétains d’aujourd’hui comme la date inaugurale d’une nouvelle forme de servage, celle de la mise sous tutelle de la culture tibétaine, de sa langue et de la religion bouddhiste. La volonté de "faire du passé table rase", chère au PCC, ne se dément pas au Tibet. En dépit de l'inscription des sites concernés au patrimoine mondial de l'UNESCO, les autorités chinoises, sous couvert de modernisation, sont en train de détruire méthodiquement les fondements architecturaux de la culture tibétaine.
Pour les Tibétains, sous couvert de rénovation, c’est Lhassa qu’on assassine comme en témoigne déjà cet article du Monde daté 2013. Bien que l'article soit un peu long, je vous conseille vivement de prendre le temps de le lire in extenso.
La destruction de Larun Gar, dont vous trouverez un compte rendu dans Le Monde et dans le New York Times est le dernier avatar de cette politique de la pelleteuse qui complète le dispositif répressif de plus en plus violent mis en oeuvre en Chine.

Emmanuel Lincot a écrit:La Chine c’est aussi peut-être l’éveil de nouvelles spiritualités, de nouvelles formes de syncrétisme religieux comme nous l’avons dit par ailleurs, entre le christianisme et le confucianisme, mais aussi entre le lamaïsme tibétain et les cultures taoïstes chinoises.
Mais ce syncrétisme ne signifie pas, malheureusement, que les fidèles des différentes religions aient la liberté de pratiquer leur culte en Chine. Je vous propose donc un petit panorama de la politique religieuse chinoise une petite synthèse réalisée à partir des informations que je collecte au jour le jour sur l'actualité chinoise.
LE FALUN GONG

Le besoin d’un « supplément d’âme » a en effet conduit les autorités chinoises à restaurer certaines croyances traditionnelles. Dès 1992, elles ont encouragé la pratique du Falun Gong (une école conjuguant la pratique du qigong et de la méditation) vers lequel les Chinois se sont tournés en masse jusqu’à ce que le nombre des pratiquants soit perçu comme un danger par le PCC. En 1999, Jiang Zemin a donc décidé d’éradiquer ce mouvement. Les adeptes du Falun Gong, arrêtés par centaines de milliers à l’époque, restent les principales victimes de la répression du PCC contre les « cultes pervers ». Ils figurent en bonne place dans le vivier des prisonniers de conscience dans le lequel puisent certains chirurgiens peu scrupuleux pour leurs transplantations d’organes.

Liao Yiwu, l’auteur de Dans L’Empire des ténèbres, dit avoir été témoin d'une de ces curieuses pratiques hospitalières au cours de ses quatre ans de détention : l'un de ses codétenus, extrait de sa cellule pour un prélèvement d'organes de son vivant, a été sauvé in extremis de la mort... les médecins s’étaient rendus compte à la dernière minute qu'ils avaient fait erreur sur la personne et qu'il n'était pas le donneur compatible qu'ils avaient choisi. Le Parlement européen a adopté une résolution exigeant la fin de cette pratique scandaleuse le 12 décembre 2013 mais l’opinion internationale semble relativement indifférente à ces persécutions… Je m’étonne toujours, quant à moi, que nous soyons si prompts à fermer les yeux sur les victimes quand elles ne correspondent pas à nos attentes ! Les avocats des adeptes du Falun Gong, comme Gao Zhisheng ou Jiang Tianyong par exemple, sont eux-mêmes victimes de la répression la plus féroce.
LE CHRISTIANISME
Après la voie du Falun Gong, c’est vers le christianisme, singulièrement vers les sectes évangélistes, que les Chinois en mal de spiritualité se sont tournés en masse et il n’était pas rare, au temps de l’Ouverture, de voir des municipalités financer la construction d’églises sur leur sol. Il en va bien autrement aujourd’hui et, depuis le lancement de la campagne de 2013 Trois rectifications et une démolition, la répression frappe durement les chrétiens : destruction de milliers de croix au Zhejiang, « messes trop fréquentées » frappées d’illégalité en 2015, et maintenant obligation d’installer des caméras dans les lieux de culte et à leurs abords, tout concourt à marginaliser les chrétiens, qu’ils appartiennent au mouvement des églises souterraines ou à l’église officiellement reconnue. Un fait divers tragique, survenu à Zhumadian au Henan le 19 avril 2016, pendant les travaux de démolitions de l’église, témoigne de la violence des autorités : comme le fameux "tank man", le pasteur et sa femme, Ding Cuimei, se sont avancés devant le bulldozer en espérant l'arrêter ; le chef de chantier a alors ordonné à son employé d'avancer en disant qu'il prenait sur lui la responsabilité des conséquences. Le pasteur, qui a réussi à se libérer des gravats, a appelé les secours. Curieusement, la police a mis beaucoup plus longtemps que de coutume avant d'arriver sur les lieux... Ding Cuimei est morte étouffée par le poids des terres....
Comme pour les adeptes du Falun Gong, les tribunaux ont la main lourde ; un exemple parmi d’autres : 14 ans de prison pour le pasteur Bao Guohua, 12 pour sa femme, Xing Wenxiang, en février 2016, sans compter la confiscation d'une somme exorbitante, 600,000 renminbi pour chacun des deux prévenus ; ils ne faisaient pas partie d'une église souterraine mais ils s'étaient opposés à la campagne de destruction des croix du Zhejiang, et, en particulier la croix de leur propre église.
L’ISLAM
La question de l’islam est évidemment compliquée par celle du terrorisme. Ursula Gauthier rapportait dans L’Obs du 18 novembre 2015 les vexations auxquelles étaient soumis les musulmans du Xinjiang.
Quelques exemples :
une série de prénoms musulmans traditionnels sont désormais prohibés, ceux qui les portent doivent en changer... Les restaurants ouïgours sont maintenant tenus d’offrir à leur clientèle de l’alcool et des cigarettes... Les fonctionnaires sont tenus de manger publiquement pendant le ramadan… Tout barbu est bien entendu suspect d’extrémisme religieux, ainsi que toute femme portant le foulard islamique... Et maintenant, est suspecté d’extrémisme tout jeune qui arrête le tabac ou qui refuse de boire une bière…
Cet article lui vaudra, vous le savez sans doute, d’être expulsée de Pékin !
Les choses ne se sont pas arrangées depuis lors, évidemment. La radicalisation des interdits, qui pousse les populations musulmanes à la surenchère, est régulièrement dénoncée par les intellectuels et les avocats des droits de l’homme. Bien qu’il n’ait jamais fait de prosélytisme pour la religion musulmane, l’universitaire Ilham Tothi, dont M. Lincot parle dans son cours, fait les frais de la politique répressive, il a été condamné à la prison à vie en 2014.
Quinze nouvelles règles sont entrées en vigueur le 29 mars après leur adoption par le Comité permanent du parlement régional :
Le Monde a écrit:
Télévision d’Etat obligatoire
Certaines de ces règles en recoupent d’autres qui existent déjà, et ont par le passé été expérimentées à l’échelle de localités. Par exemple, dans la région de Kashgar, des patrouilles de fonctionnaires ouïgours accompagnées de policiers se livrent déjà régulièrement à des inspections vestimentaires à domicile ou dans la rue. De même, elles peuvent vérifier le contenu des bibliothèques, des ordinateurs ou des téléphones portables en quête de tout contenu « illicite ». Cette nouvelle législation s’appliquera désormais dans l’ensemble de la région autonome. La qualification reste floue d’une barbe « anormalement longue » ou d’un voile trop couvrant ou intégral – les veuves ouïgoures en portent un en laine qui recouvre traditionnellement l’ensemble du visage – qui attesteraient d’un « comportement radical ». La décision est laissée à l’appréciation d’un système judiciaire sous contrôle. Une autre règle désigne comme « radical » le « refus de regarder la télévision d’Etat ou écouter la radio d’Etat ». Enfin, ne pas réduire le champ du halal à la seule nourriture...
L'article complet est malheureusement payant.
LE BOUDDHISME

Comme chaque année le 28 mars, les Chinois viennent de célébrer la Journée d’émancipation des serfs du Tibet en souvenir du 28 mars 1959, date où Zhou Enlai a proclamé la fin du Gouvernement du Tibet. Elle apparaît bien plutôt aux Tibétains d’aujourd’hui comme la date inaugurale d’une nouvelle forme de servage, celle de la mise sous tutelle de la culture tibétaine, de sa langue et de la religion bouddhiste. La volonté de "faire du passé table rase", chère au PCC, ne se dément pas au Tibet. En dépit de l'inscription des sites concernés au patrimoine mondial de l'UNESCO, les autorités chinoises, sous couvert de modernisation, sont en train de détruire méthodiquement les fondements architecturaux de la culture tibétaine.
Destruction, le 7 Mai 2013, dans l'effroi le plus total des populations tibétaines, de l'un des plus précieux monastères du Tibet. Le monastère Kathok Gonpa - Kathok Dorje Den - édifié il y a 840 ans, aux environ de 1159-1162, dans la province du Kam - Pour comparaison, la cathédrale Notre-dame à Paris fête ses 850 ans, et, c'est à un symbole semblable que s'en prirent les autorités chinoises en y mettant le feu - hébergea en son sein, et, dans ses alentours immédiats quelques 180.000 moines et pratiquants. Kathok Gonpa est considéré dans le bouddhisme tibétain comme le plus sacré des monastères. Sa renommée et sa préciosité inégalées en font un trésor à l'image de Bodh Gaya en Inde.
Pour les Tibétains, sous couvert de rénovation, c’est Lhassa qu’on assassine comme en témoigne déjà cet article du Monde daté 2013. Bien que l'article soit un peu long, je vous conseille vivement de prendre le temps de le lire in extenso.
La destruction de Larun Gar, dont vous trouverez un compte rendu dans Le Monde et dans le New York Times est le dernier avatar de cette politique de la pelleteuse qui complète le dispositif répressif de plus en plus violent mis en oeuvre en Chine.
