Marie Holzman, dans La Lettre d’information de la Commission Enquête Chine, a écrit:
Dans l’antiquité chinoise, l’empereur et les mandarins n’hésitaient pas à punir ceux qu’ils considéraient comme des criminels dangereux, on parlerait aujourd’hui de « tentative de subversion de l’Etat », motif d’inculpation suffisamment vague pour pouvoir impliquer tout citoyen actif, en s’attaquant aux ascendants et aux descendants des personnes concernées. Ainsi, au lieu de condamner les seules personnes concernées par l’objet du litige, il pouvait y avoir des exécutions en masse, et l’extermination de tout un clan familial.
On n’en est plus tout à fait là en Chine aujourd’hui, mais l’affaire du fils de Wang Yu, Bao Zhuoxuan, reste dans la logique de la punition d’un crime par les liens du sang. Madame Wang Yu, avocate défenseure des droits civiques, comme on appelle les avocats chinois qui acceptent de défendre les causes politiquement sensibles telles les paysans expropriés de leur maison, les minorités ethniques telles que les Tibétains et les Ouighours, ou les pratiquants de mouvements spirituels non reconnus par les autorités, tel le mouvement Falungong, etc. etc., a fait partie de la rafle de quelque 300 avocats durant le mois de juillet 2015.
Sur ces trois cent personnes interpellées 19 ont été inculpées et retenues en détention, pendant que les autres étaient relâchées les unes après les autres. Certains ont été dûment condamnés, d’autres simplement « retenus » durant des mois ou plus d’une année.
Grâce à un ouvrage qui vient de paraître aux USA, diffusé sur Amazon, nous savons maintenant un peu mieux ce qui est arrivé à toutes ces personnes victimes de punitions arbitraires. Les témoignages ont été rassemblés par Michael Caster, et l’ouvrage est préfacé par Teng Biao, lui-même victime du même genre de traitement en 2008, mais actuellement en exil aux USA.
Le jour même du départ de son fils Bao Zhuoxuan vers l’Australie, où il devait poursuivre des études supérieures, Wang Yu a été kidnappée dans son propre domicile à Pékin, en plein milieu de la nuit. Alors que Wang Yu se faisait du souci parce que son mari, qui devait accompagner leur fils dans son périple, ne lui avait pas envoyé de nouvelles de l’aéroport pour lui dire que tout s’était bien passé durant cette soirée du 8 au 9 juillet 2015, la police a forcé la porte de son domicile vers 4 heures du matin. Une douzaine de personnes se sont précipitées sur elles avant qu’elle puisse seulement enfiler une robe de chambre, lui ont mis les menottes aux poignets, une cagoule sur la tête et l’ont jetée dans une camionnette pour l’emmener vers un lieu non identifiable, où elle allait passer un mois, à subir humiliations, tortures physiques et psychologiques avant d’être transférée dans une auberge « Beijing Tongda Hostel », qui était en fait une prison déguisée, puis dans une autre, et ainsi de suite pendant une année.
A sa sortie de prison, un an plus tard, Wang Yu, son mari et leur fils ont été transférés en Mongolie, dans la ville de Ulan Hot, où ils sont tous trois assignés à résidence. Bao Zhuoxuan a maintenant 18 ans, et ses parents ont de nouveau tenté de le faire partir en Australie, où l’Université de Melbourne avait retenu sa candidature. Ce lundi 13 novembre, les autorités chinoises ont de nouveau empêché le jeune homme de prendre un vol à l’aéroport de Tianjin sous prétexte que « sa présence à l’étranger était une menace potentielle pour la sécurité de la nation ». Ils ont même découpé les bords de son passeport pour le rendre inutilisable…
Il est plus probable qu’il s’agit en fait d’une mesure de rétorsion contre sa mère, Wang Yu, suite à la publication de l’ouvrage cité ci-dessus, où l’avocate décrit les deux premiers mois de son arrestation en 2015. Si le cas de Wang Yu était exceptionnel, il pourrait à la rigueur passer pour anecdotique. Hélas, cette façon de punir les lanceurs d’alerte chinois est devenue systématique. Le cas de Mme Rebiya Kadeer, la personnalité Ouighoure la mieux connue en Occident depuis son arrivée en exil aux USA, est l’un des plus extrêmes : selon elle, une trentaine de membres de sa famille, frères, sœurs, enfants, petits-enfants et cousins éloignés ont été arrêtés durant ces quelques derniers mois. Sans doute pour l’empêcher de s’exprimer en public ? En effet, la Présidente du World Uyghur Congress n’a jamais manqué de dénoncer les violences exercées contre les Ouighours en Chine auprès des plus hautes instances démocratiques, que ce soit à Washington, Bruxelles, Paris ou dans toutes les capitales. Comment s’étonner si, petit à petit, les nouvelles « gênantes » en provenance de Chine commencent à se tarir ?
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