Le fils de Wang Yu privé de passeport
Publié: 15 Nov 2017, 10:47
Selon le New York Times, Le fils de Wang Yu, avocate des droits de l’homme et, en particulier, de Cao Shunli, morte en prison faute de soins, vient d’être empêché de quitter la Chine ce lundi ; selon son père, la police lui a signifié qu’il représentait une menace pour la sécurité nationale à l’étranger.
La famille de Bao Zhuoxuan, qui n’a que 18 ans, considère cette interdiction de voyager comme une mesure de représailles à l’encontre de sa mère. Wang Yu, qui était initialement spécialisée dans le droits des affaires et de la propriété intellectuelle, s’est en effet retrouvée impliquée dans des procès politiques délicats (elle a défendu, entre autres, Ilham Tohti et les cinq féministes) et elle a été la première à subir la répression qui s’est depuis lors généralisée en Chine contre les avocats des droits de l’homme.
Selon Bao Longjun, le mari de Wang Yu, leur fils, Bao Zhuoxuan, avait prévu de faire un voyage de 15 jours au Japon pour fêter son succès à l’examen donnant droit à étudier à l’étranger. La famille avait été autorisée à rentrer à Pékin après deux ans passés en régime strict de résidence surveillée dans la région autonome de Mongolie intérieure. Les autorités avaient rendu son passeport au jeune homme et il avait obtenu son visa pour le Japon. Mais il a été arrêté lundi à l’aéroport de Tianjin alors qu’il passait par le service d’émigration. Les coins de son passeport ont été coupés, ce qui l’invalide : « ils disent que mon fils représente un danger contre la sécurité de l’Etat, déclare son père, il a 18 ans, comment pourrait-il compromettre la sécurité nationale ? ».
Les appels téléphoniques au Ministère de la Sécurité publique de Mongolie intérieure sont restés sans réponse mardi après-midi.
En 2015, M. Bao et son fils avaient été arrêtés à l’aéroport de Pékin alors qu’ils s’apprêtaient à se rendre en Australie où Bao Zhuoxuan voulait poursuivre ses études supérieures. La nuit même, les autorités fracassaient la porte de leur appartement à Pékin et arrêtaient sa mère. Elle a rendu compte de cette expérience dans un chapitre de son dernier livre : La République populaire des disparus : histoires vues de l’intérieur du système chinois des disparitions forcées.
Plus tard, la même année, des policiers en civil s’étaient emparés de son fils dans une chambre d’hôtes en Birmanie, où il avait réussi à s’enfuir, et d’où il comptait partir pour les Etats-Unis.
Wang Yu et son mari ont été officiellement arrêtés en 2016. Elle a été inculpée de subversion du pouvoir d’Etat – ce qui implique la possibilité d’une peine de prison à vie – et son mari, avocat stagiaire, d’incitation à la subversion du pouvoir d’Etat, ce qui est une charge moins lourde. Tous deux ont été remis en liberté après les aveux télévisés de Wang Yu, son refus du Prix international (le Prix Ludovic-Trarieux) qu’elle venait de se voir décerner et ses déclarations affirmant qu’elle avait été incitée à s’impliquer dans des procès concernant les droits de l’homme par des groupes étrangers. Ses amis affirment qu’ils ne croient pas à l’authenticité de ces aveux. Ses aveux ont été diffusés sur chaîne Phoenix Television, le 1er aout 2016.
L’interdiction faite à leur fils de se rendre à l’étranger montre qu’ils restent toujours sous la contrainte malgré leur libération, affirme Patrick Poon d’Amnesty International : « il est incompréhensible qu’un jeune homme de 18 ans qui se prépare à étudier à l’étranger soit accusé de compromettre la sécurité nationale, écrit-il dans un mail. Il est évident que cette interdiction est une mesure de représailles contre le travail de ses parents au service des droits de l’homme, en particulier parce qu’ils ont apporté leur soutien à Li Yuhan, l’avocate de Wang Yu, détenue depuis le 9 octobre. »
Zhou Fengsuo, l’un des organisateurs des manifestations de Tian’anmen, exilé aux Etats-Unis, affirme que les autorités chinoises s’inquiètent toujours de ce que Wang Yu et son mari pourraient dire s’ils étaient libres de parler. « C’est une provocation du gouvernement, déclare-t-il. C’est avant tout le signe qu’ils restent obsédés par ce qu’ils leur ont fait subir. Ils sont terrifiés à l’idée que le monde extérieur apprenne la vérité. »
La semaine dernière, un autre avocat des droits de l’homme, Tang Jitian, a été empêché de quitter la Chine pour Hong Kong, où, selon le reporter de la radio hongkongaise RTHK, il devait se faire soigner. Tang Jitian s’est vu retirer sa licence professionnelle après avoir défendu un adepte du Falun Gong, le mouvement spirituel interdit, il avait déjà été arrêté en 2011 pour éviter qu’il ne s’implique dans les manifestations pro-démocratie. Selon un rapport officiel des Nations Unies sur la torture, il a contracté la tuberculose en 2014 du fait des mauvais traitements endurés pendant sa détention. Tang Jitian a déclaré samedi au RTHK qu’il était sain et sauf mais il n’a pas précisé s’il était ou non en détention. Il a été impossible de le joindre par téléphone mardi.