Liu Xiaobo, 刘哓波 écrivain, ancien professeur d'université, avait déjà connu la prison après le mouvement démocratique de Tian'anmen de 1989 : incarcéré pendant vingt mois en pour avoir participé aux événements, il a été condamné en 1996 à trois ans d’emprisonnement dans un camp de « rééducation par le travail » pour avoir « fomenté régulièrement des troubles et provoqué des atteintes à l'ordre public ».
Il purge aujourd'hui une nouvelle peine de prison pour avoir été l’un des principaux initiateurs de la Charte 08. « Inspirée par la "Charte 77", célèbre pétition des dissidents tchécoslovaques dans les années 1970, la "Charte 08" appelle notamment au respect des droits de l'homme et de la liberté d'expression et à l'instauration d'élections démocratiques pour un "pays libre, démocratique et constitutionnel", précisait Le Monde du 9 décembre 2010. Arrêté le 8 décembre 2008, « deux jours avant la publication en ligne du document, écrivait Le Monde du 12 décembre, Liu Xiaobo s'est vu signifier le crime dont on l'accuse après un an de détention : incitation à la subversion de l'Etat. » Jugé à huis-clos par un tribunal de Pékin, il risquait un maximum de 15 ans de prison pour ce "crime majeur" et a été condamné à 11 ans de détention.
Bien que la constitution chinoise garantisse officiellement la liberté d’expression, le rapport d'enquête affirme que Liu Xiaobo "s'est livré avec d'autres à l'acte criminel majeur de rédiger la Charte 08"… Devant l’émoi que ce déni de justice a suscité à l’étranger, les autorités chinoises ont évidemment parlé d’ « ingérences » insupportables dans les « affaires intérieures de la justice chinoise» et en ont appelé au respect de la « souveraineté » nationale : "La Chine est un pays de droit, la justice gère ce cas de manière indépendante", affirmait alors le ministère des affaires étrangères.
Comme l’écrivait Wei Jingsheng dans Le Monde du 1° janvier 2010, « il s'agit d'un message clair à l'adresse de tous ceux qui demandent de la retenue à une Chine dotée d'une puissance toute neuve, et qui occupe désormais une place de premier rang dans les réunions de la gouvernance mondiale : « Puisque vous avez réclamé à grand bruit la libération de Liu après son arrestation, nous le punirons encore plus sévèrement. » Que la nouvelle ait été annoncée le jour de Noël 2009, fête occidentale par excellence, n’est sans doute pas un hasard... cette annonce est d'ailleurs d’autant plus symbolique qu’elle intervenait au lendemain de la visite officielle de François Fillon à Pékin.
Après la calamiteuse campagne orchestrée contre la flamme olympique, le pays des Droits de l’homme a capitulé en rase campagne et montré, encore une fois, qu’il y a de « certains arrangements », sinon « avec le ciel », du moins avec l’universalité proclamée des valeurs qui sont les siennes et qu'il vend pour quelques sous...
Voici deux liens sur cette affaire, le premier sur France Info, le second sur Rue 89 :
François Fillon en Chine pour une mission de réconciliation
M. Fillon connaissez-vous le dissident chinois Liu Xiobao ?
Liu Xiaobo n’est pas le seul a pâtir de cette curieuse conception de la liberté d’expression. L’organisation non-gouvernementale Gongmeng, qui regroupait de nombreux avocats des droits de l’homme, a été démantelée en juillet 2009 ; Huang Qi a été condamné le 23 novembre 2009 à trois ans de prison pour avoir relayé sur son site web un appel des familles des enfants qui ont péri dans l’effondrement de leurs écoles après le tremblement de terre du Sichuan : attendu du verdict « divulgation de secrets d'Etat »....