Il fut un temps où la France était le pays des Droits de l'homme, un temps où les intellectuels se battaient pour les dissidents soviétiques, pour Soljenitsyne, pour Leonid Pliouchtch, avec Lech Wałęsa pour la liberté et la démocratie en Pologne, pour les prisonniers politiques du monde entier, pour Mandela contre l'apartheid, contre les Pinochet et autres sinistres guignols sanguinaires d'Amérique latine, pour les boat people, contre les massacreurs de Sabra et Chatila.... Aujourd'hui, elle se tait.
Aucun message de soutien des autorités et des personnalités médiatiques ou politiques à Liu Xiaobo et à Liu Xia, aucune information ni avant-hier, ni hier au 20 h d'Antenne 2. Je ne peux pas faire grand-chose pour pour mobiliser les consciences autour de Liu Xiaobo et de Liu Xia mais je pense, encore et toujours, que chacun doit faire ce qui dépend de soi ; j'ai donc écrit à Emmanuel Macron, à Anne Hidalgo, à Carine Petit (députée du 14°), à Christiane Taubira, qui est, pour moi, une grande voix, à Antenne 2, à tous les journalistes qui s'occupent de la Chine et que j'ai pu joindre par Twitter... un seul m'a répondu, Stéphane Lagarde, dont j'ai plusieurs fois cité les articles ici, qu'il en soit remercié (je l'ai déjà fait en message privé évidemment).
Voici la le texte de la lettre ouverte que j'ai écrite à Madame Hidalgo, Maire de Paris, les autres sont des variantes. Peut-être d'autres que moi auront-ils envie de s'en inspirer. Paris, le 27 juin 2017
Chère Madame Hidalgo,
Si mes souvenirs sont bons, la Mairie de Paris avait clairement affiché son soutien à Liu Xiaobo lors de la cérémonie au cours de laquelle le Prix Nobel de la Paix lui a été décerné devant une chaise vide. C’était en 2010. Les années ont passé et la Chine, qui s’affirme désormais comme une puissance économique mondiale, a réussi à museler les défenseurs des droits de l’homme un peu partout dans le monde. Il serait dramatique que Paris garde le silence sur le sort qui lui est aujourd’hui réservé.
Liu Xiaobo, qui purgeait une peine de onze ans de prison pour avoir exercé son droit constitutionnel à la liberté d’expression en participant à la rédaction de la Charte 08, vient d’être admis à l’hôpital de Shenyang, dans le Liaoning, pour traiter un cancer du foie en phase terminale. Mais, loin d’être « libre », comme on a pu le lire ici ou là, il reste sous surveillance étroite des autorités dans cette lointaine province, proche de la Corée du Nord.
Sa femme, la poétesse Liu Xia, dont le seul crime est d’être l’épouse d’un dissident et qui vit depuis 2010 en résidence surveillée (un régime proche, en Chine, de la séquestration pure et simple), a pu se rendre à son chevet.
Bien que les autorités chinoises affirment surveiller la santé de leurs prisonniers et les soigner le cas échéant, Liu Xia se demande pourquoi le cancer de Liu Xiaobo n’a été diagnostiqué, officiellement, que le 23 mai, et pourquoi son hospitalisation a été aussi tardive. Alors que ce cancer, conséquence probable d’une hépatite B contractée en détention, ne peut être ni opéré, ni traité par les rayons ou la chimiothérapie, mériterait d’être pris en charge par les meilleurs spécialistes, Liu Xiaobo vient de se voir refuser d’être soigné à Pékin.
Liu Xia affirme que les autorités ont refusé à maintes reprises de lui transmettre le dossier médical de son mari et dit maintenant mettre tout son espoir dans un traitement à l’étranger. Encore faudrait-il que l’un et l’autre soient autorisés à quitter la Chine.
En militant pour les droits de l’homme dans son pays, Liu Xiaobo défendait les valeurs universelles qui sont les nôtres. Les prisonniers politiques chinois sont aussi prisonniers de notre silence. Si vous pouviez initier un mouvement de solidarité mondiale en faveur de Liu Xiaobo et de Liu Xia en affichant leurs portraits géants sur la façade de la Mairie, vous leur apporteriez un soutien inestimable dans la nouvelle épreuve qu’ils traversent et vous démontreriez, une fois encore, l’attachement de la Ville de Paris à la liberté et aux idéaux auxquels cet homme courageux a sacrifié son bonheur et, peut-être, sa vie.
En espérant que cet appel ne restera pas vain,
Béatrice Desgranges, citoyenne de Paris