J'allais justement signaler cet article sur le forum.
Superbe sujet bac philo ,cependant ,je crains fort que nos lycéens ne soient pas inspirés par cette actualité.
Brice Pedroletti, dans Le Monde, a écrit:
Pékin, correspondant. Deux ans après sa libération, le 22 juin 2011, après quatre-vingt un jours de détention secrète, le Chinois Ai Weiwei a pleinement repris son rôle d'artiste contestataire, avec une série de travaux exploratoires autour de son activisme passé et de l'épreuve qu'a constituée son emprisonnement. Fin mai, il avait montré au moment de la Biennale de Venise une reconstitution minutieuse en trois dimensions des scènes de sa détention au moyen de six dioramas, que les spectateurs découvrent en regardant par une ouverture percée dans un caisson en fonte.
Chacune des six pièces de l'installation, présentées sous forme de diorama (une reconstitution en volume) pèse 2,5 tonnes. Celles-ci ont été transportées en secret de Chine au Royaume-Uni, puis en Italie. Privé de passeport, Ai Weiwei n'a pas pu sortir de Chine. Mais sa mère, Gao Ying, veuve du célèbre poète chinois Ai Qing, le père d'Ai Weiwei, était présente lors de l'inauguration de l'exposition.
Pour l'anniversaire de sa libération samedi 22 juin, Ai Weiwei a sorti Divine comedy, un album entier de courtes chansons rock en collaboration avec le rocker chinois Zuoxiao Zuzhou. D'abord réduit au silence après sa libération, Ai Weiwei avait petit à petit révélé à la presse étrangère ce qu'il avait subi en dépit des mises en garde. L'enquête pour fraude fiscale déclenchée contre lui en novembre 2011 par les autorités chinoises lui avait également permis de redevenir un point de ralliement sur la blogosphère : des dizaines de milliers d'internautes avaient contribué financièrement à l'amende imposée à sa société.
Lire : L'artiste dissident chinois Ai Weiwei se lance dans le heavy metal
Lire aussi : Confirmation du redressement fiscal d'Ai Weiwei
Aujourd'hui, toujours privé de passeport et surveillé par Pékin, Ai Weiwei est de retour sur le front de "l'art-ivisme" : "Ils m'ont appelé pour que je ne sorte pas l'album. J'ai répondu que c'était trop tard. Avec ça, ils m'ont dit, "tu te replaces dans la situation où tu étais avant ta détention". J'ai dit que j'en assumais les conséquences", nous expliquait-il vendredi matin dans son atelier-studio du village d'artistes de Caochangdi, en périphérie de Pékin. L'album n'est disponible à la vente en ligne qu'en dehors de Chine.
MISE EN SCÈNE DE SA GARDE À VUE PROLONGÉE
Parmi les six morceaux de Divine Comedy, deux font l'objet de vidéoclips : Lao Ma Ti Hua montre des images de l'équipée d'Ai Weiwei dans le Sichuan en 2009 afin de soutenir le militant Tan Zuoren, arrêté pour subversion. "Pourquoi la police enfonce la porte ? Pourquoi la police me frappe ?", chante Ai Weiwei, qui avait été brutalement frappé sur le crâne par des policiers dans sa chambre d'hôtel. L'une de ses assistantes avait été enlevée, et l'artiste et ses avocats avaient tenté de demander des comptes à la police lors de scènes filmées qui avaient fait l'objet d'un documentaire passionnant.
Le clip de Dumbass (abruti), déjà distribué en mai sous forme de single, est celui dont le contenu est le plus explicite par rapport à la détention d'Ai Weiwei : on y découvre une mise en scène de la garde à vue prolongée de l'artiste, interrogé et constamment entouré de gardes dans la chambre d'hôtel qui a tenu lieu de prison et qu'il a reconstituée grandeur nature. "Quand je suis sorti, je me suis longtemps demandé ce que j'allais faire. Au début, je ne savais pas comment m'y prendre. Puis je me suis dit qu'il fallait reconstruire la situation, pour que les gens comprennent comment ça se passe réellement", nous a-t-il confié.
Le détenu avait mémorisé les dimensions et les nombreux détails de son lieu d'enfermement, comme le papier recouvrant les murs, les ampoules, les produits dans les toilettes, ou les sandales en plastique bleu (qui apparaissent dans les dioramas et dans la vidéo). En détention, la présence permanente de deux garde-soldats [appartenant à la Police armée du peuple] à ses côtés, notamment la nuit durant laquelle la lumière restait allumée, faisait régner une drôle de tension : impassibles, figés, robotiques, ceux-ci étaient astreints, dit-il, à une discipline de fer.
Scène de la garde à vue d'Ai Weiwei que l'artiste chinois a reconstituée pour la Biennale de Venise.
Or, un jour, l'un des gardes lui susurra de chanter une chanson. "Il faut imaginer la situation. Il y a une très forte tension. Ils suivent les règles de manière très stricte. J'ai été touché. Mais je n'ai rien pu chanter. Je ne connaissais que des chansons révolutionnaires !", explique Ai Weiwei. Cet épisode lui a donné l'idée de transposer en version rock cette épreuve qui, le temps d'un rêve ou d'un fantasme, se renverse au profit du rocker et du contestataire : le prisonnier prend la place des gardes, houspille ses interrogateurs, revient avec des filles. Puis défile lui-même habillé en femme, le crâne et les sourcils rasés. "Monter au front comme un abruti, dans un pays qui se comporte comme une pute", scande Ai Weiwei sur la musique haletante de Zuoxiao Zuzhou.
"VOUS NE POUVEZ PAS VOUS BATTRE CONTRE LA MACHINE"
En prison, le dissident avait assez vite pris le parti de suivre à la lettre les règles qu'on lui a imposées. "Je crois que ça fait longtemps que je me préparais à ça", explique-t-il. "Quand j'ai quitté la Chine en 1981, la peur d'être arrêté avait beaucoup joué, c'est l'époque où Wei Jinsheng avait été emprisonné. Et quand je suis rentré en Chine en 1993 car mon père était malade, les amis me disaient que j'étais la dernière personne qui, selon eux, pouvait revenir. J'ai toujours pensé depuis que ça pouvait m'arriver de me retrouver en prison."
Après son arrestation à l'aéroport de Pékin, le 3 avril 2011, il n'a pas le droit de passer le moindre coup de téléphone, ni à sa famille ni à un avocat. Ces méthodes dignes de "la mafia ou d'une prise d'otage" sont toujours ressenties par lui comme un "choc" : "Je ne pouvais pas imaginer qu'un Etat se sente aussi puissant au point d'utiliser ce genre de tactiques et de vous placer dans une situation aussi vulnérable. Et je me dis toujours : s'ils peuvent se comporter ainsi avec moi, imaginez ce qu'ils peuvent faire aux gens ordinaires."
Le cogestionnaire de la société d'Ai Weiwei, un autre artiste qui sera lui aussi placé en détention, ne supportera pas d'avoir à refaire plusieurs fois son lit en portefeuille : il tombera raide sur le matelas, frappé d'une attaque d'apoplexie dont il eut beaucoup de mal à se remettre. "Vous ne pouvez pas vous battre contre la machine", poursuit Ai Weiwei.
Ses interrogateurs lui laissent comprendre qu'il encourait treize ans de prison pour incitation à la subversion. Ils étaient courtois, assure Ai Weiwei, mais aussi d'une formidable arrogance : "Ils savent qu'ils violent les lois, ils ont même mentionné Liu Shaoqi [l'ancien président chinois mort en détention durant la Révolution culturelle], comme quoi même lui était mort avec la Constitution dans sa main." L'artiste leur a fait remarquer qu'il se retrouvait dans la même situation que son père, le poète Ai Qing, emprisonné par le Kuomintang. Ses interrogateurs, dit-il, n'étaient pas insensibles à ce qu'il leur disait, ils cherchaient un moyen de l'inculper. Au lieu de rester muré dans le silence, il n'a cessé de s'expliquer. Ce qui lui a peut-être sauvé la mise.
Lire aussi : Ai Weiwei, l'art de la dissidence
Agence France-Presse de Stockholm a écrit:Festival du film en Suède: chaise vide en l'absence d'Ai Weiwei
Quand le Festival du film de Stockholm commencera mercredi, on comptera parmi les jurés l'artiste chinois - mondialement célèbre - Ai Weiwei, représenté non par lui-même mais par une chaise vide.
M. Weiwei, qui n'est pas autorisé à quitter la Chine, a dessiné la chaise qui a été transportée depuis Pékin jusqu'à la capitale suédoise, à l'occasion du festival qui dure 12 jours.
«Je suis très heureux de faire partie du jury, parce que pour moi, c'est toujours important d'être impliqué», a t-il dit à l'AFP par téléphone.
«Le modèle original vient d'une chaise classique», a-t-il dit, en ajoutant que ce modèle s'inspirait du style de l'époque de la dynastie Ming (ndlr: de 1368 à 1644).
La principale différence c'est qu'il est impossible de s'assoir dessus, car une canne courbée y a été fixée en diagonale.
Le réalisateur a affirmé à l'AFP que c'était une manière ironique d'illustrer le fait qu'on lui interdise d'en faire usage.
Nommé comme l'un des artistes les plus importants du monde par le magazine Artreview, l'artiste chinois visionnera et jugera les films depuis chez lui.
Dans la mesure où la liberté est le thème du festival cette année, la nomination d'Ai parmi les six jurés est un signal fort.
«Nous voulions mettre à l'honneur les réalisateurs, artistes, auteurs et journalistes qui n'ont pas la possibilité de s'exprimer dans leurs pays», a souligné la directrice du festival Git Scheynius.
Ai Weiwei a expliqué à l'AFP qu'il avait créé la chaise pour la liberté et tout simplement parce qu'il avait la possibilité de le faire.
«Je peux encore fabriquer un objet qui exprime mon anxiété et ma frustration», a-t-il dit.
M. Weiwei, accusé d'évasion fiscale par les autorités chinoises, a confié à l'AFP qu'il n'était pas certain de la raison pour laquelle les autorités ne lui avaient pas permis de sortir du pays.
Mme Scheynius a dit d'Ai Weiwei qu'il était «un artiste fantastique et l'un des seuls qui parvient à vraiment lier l'art à un message».
«Bien qu'il soit en Chine et que ses chances de s'exprimer sont limitées, il y parvient toujours», a-t-elle remarqué.
Jeudi dernier, les organisateurs du festival ont protesté pacifiquement devant l'ambassade de Chine à Stockholm, en portant des t-shirts où était écrit «Nous souhaitons que tu sois là».
En 2010, une autre chaise vide avait eu une retombée internationale quand le lauréat du Prix Nobel de la Paix Liu Xiaobo - qui avait été récompensé pour sa lutte prolongée et non-violente en faveur des droits de l'homme en Chine - n'avait pas pu se rendre à la cérémonie de la remise du prix à Oslo car il était en prison.
Le réalisateur iranien Mohammad Rasoulof, à l'origine du film Les manuscrits ne brûlent pas à propos des écrivains et des militants tués dans les années 1980-1990 sera aussi absent quand son film sera diffusé à Stockholm. Les autorités iraniennes détiennent son passeport depuis son retour d'Allemagne, d'après les organisateurs du festival.
La chaise de M. Weiwei sera dévoilée au public au cinéma Skandia pendant le festival, du 6 au 17 novembre. Quelque 180 films en provenance de 50 pays seront diffusés.
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