Gao Zhicheng, 高智晟

l'idée de ce forum m'a été inspirée par l'action d'Ai Weiwei concernant les disparus du Sichuan, je vous propose d'y donner le nom de chacun des dissidents emprisonnés, disparus ou libérés dont vous aurez des nouvelles

Gao Zhicheng, 高智晟

Messagepar laoshi » 16 Juil 2011, 10:54

Amnesty International a écrit:

On ne sait pas où se trouve actuellement Gao Zhisheng, un avocat défenseur des droits humains. Amnesty International croit qu’il est détenu contre son gré par les autorités chinoises et le considère comme un prisonnier d’opinion. Depuis 2006, il a été, à de nombreuses reprises, soumis à la torture et, depuis 2007, il a été plusieurs fois détenu au secret. Le risque qu'il subisse à nouveau des actes de torture ou d'autres formes de mauvais traitements reste élevé.

Gao Zhisheng était illégalement assigné à résidence depuis décembre 2006 lorsqu’il a été condamné à une peine de trois ans d’emprisonnement avec sursis pour «incitation à la subversion». Le contrôle exercé sur lui par les autorités allait bien au-delà des restrictions prévues par la loi à l’encontre de personnes condamnées à des peines avec sursis. Le Code pénal chinois requiert, notamment, que ces personnes informent quotidiennement les autorités de leurs activités et prévoit que celles-ci doivent obtenir une autorisation avant de pouvoir se déplacer mais la loi n’autorise pas la mise en place d’une surveillance constante ni le recours à un harcèlement ou à une détention arbitraire. Gao Zhisheng a reçu des décharges électriques et a été forcé à manger de la nourriture jetée par terre devant ses enfants alors qu’il se trouvait illégalement assigné à résidence.

Des policiers sont venus le chercher à son domicile dans la province de Shanxi le 4 février 2009 où il était illégalement assigné à résidence. Quatorze mois plus tard, fin mars 2010, Gao Zhisheng est apparu à Pékin après que les autorités eurent été soumises à une pression au niveau national et international exigeant que des informations concernant son sort soient révélées. À cette époque, des rumeurs sur son éventuel décès aux mains des autorités avaient commencé à circuler. Ces rumeurs se sont avérées fausses lorsque Gao Zhisheng a donné un entretien télévisé à l’Associated Press, le 7 avril 2010, dans une maison de thé à Pékin. Dans cet entretien, Gao Zhisheng a dit : «Je n’ai pas la force de continuer le combat. D’un côté, il y a tout ce que j’ai vécu et cela a fait beaucoup de mal à mes proches. Ce que je recherche le plus, après avoir bien réfléchi, est de trouver la paix et le calme».

Deux semaines plus tard, entre le 9 et 12 avril 2010, des personnes ont vu Gao Zhisheng quitter son appartement à Pékin et entrer dans un véhicule garé devant son immeuble. Il portait un sac à dos lorsqu’il est parti. C’est la dernière fois qu’on l’a vu ou qu’on a entendu parler de lui.

À cette époque, l'Associated Press avait précisé que Gao Zhisheng avait refusé d’évoquer, durant l’entretien, les circonstances de sa disparition ainsi que le traitement qui lui a été réservé en détention. Cependant, en décembre 2010, l’Associated Press a publié de nouvelles informations sur le calvaire subi par Gao Zhisheng, en disant qu’ils avaient accepté, à la demande de Gao Zhisheng, de ne pas rendre ces informations publiques à moins qu’il ne soit porté disparu ou qu’il ne soit «en lieu sûr» aux USA ou en Europe.

Selon les informations publiées par l’Associated Press en décembre 2010, au cours de ces quatorze mois, Gao Zhisheng a été détenu dans des hôtels, des fermes, des appartements et des prisons à Pékin, dans sa province natale de Shanxi et dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang, où vivent ses beaux-parents. À plusieurs reprises au cours de ces quatorze mois, il a été cagoulé, attaché à l’aide de ceintures, a été contraint de rester assis immobile durant 16 heures. On lui a également dit que ses enfants avaient fait une dépression nerveuse. Des policiers en civil, qui le détenaient, l’ont menacé de le tuer et de jeter son corps dans une rivière.

Dans l’entretien qu’il a accordé à l’Associated Press, Gao Zhisheng a précisé que «durant 48 heures, sa vie a pendu à un fil» en faisant référence à la semaine du 25 septembre 2010 durant laquelle il a été soumis à des brutalités. Ces violences ont atteint leur point culminant lorsque trois policiers se sont, durant deux jours et deux nuits, pour le frapper avec des armes de poing placées dans leur étui et le soumettre à d’autres traitements que Gao Zhisheng s’est refusé à décrire dans son entretien. Il a été déshabillé et, lorsque les policiers avaient besoin d’une pause pour reprendre leur souffle, ils ont attaché ses bras et ses jambes avec des sacs en plastique et l’ont jeté à terre.

Gao Zhisheng était l’un des avocats spécialisés dans la défense des droits humains les plus respectés en Chine. En 2001, le ministère de la Justice l’avait nommé «l’un des 10 meilleurs avocats du pays» pour le travail qu’il avait effectué bénévolement au titre de service public.

Il a défendu des militants des droits humains et il s’est chargé d’autres affaires considérées comme politiquement sensibles impliquant notamment des pratiquants du Fa Lun Gong ainsi que d’autres affaires pour lesquelles l’accusé encourait la peine de mort.

Fin 2005, le Bureau des affaires judiciaires de la municipalité de Pékin lui a retiré son autorisation d’exercer et a suspendu les activités de son cabinet d’avocats à Changzhi. Cette décision a fait suite à la publication par Gao Zhisheng de lettres ouvertes adressées au gouvernement appelant les autorités à mettre un terme aux persécutions religieuses, notamment à l'encontre des pratiquants du Fa Lun Gong. Ses lettres ont été publiées dans de nombreux sites Internet en langue chinoise basés à l’étranger.

En février 2006, Gao Zhisheng a organisé une campagne de grèves de la faim destinée à attirer l’attention sur la persécution de militants des droits humains en Chine. Peu après la fin de cette action de protestation, les autorités ont arrêté Gao Zhisheng et l’ont détenu sans inculpation du 22 août au 21 septembre 2006, date à laquelle il a été inculpé d’«incitation à la subversion», une infraction formulée dans des termes vagues. Il est resté en détention jusqu’à ce qu’un tribunal le condamne, le 22 décembre 2006, à la suite d’un procès à huis clos, à une peine de trois ans d’emprisonnement, suspendue pendant cinq ans, et assortie d’une privation des droits politiques pour une durée d’un an. Son avocat n’a pas été autorisé à assister au procès de son client. Gao Zhisheng a pu regagner son domicile quelques jours après l’annonce de cette sentence mais lui et sa famille ont été maintenus illégalement en résidence surveillée.

En avril 2007, Gao Zhisheng a indiqué à d’autres militants qu’il avait été torturé au cours de sa détention préventive. Il a précisé qu’il avait été menotté et forcé à rester assis sur une chaise métallique ou en tailleur pendant de longues périodes et des lumières éblouissantes auraient été braquées sur son visage. Il a également affirmé qu’il avait été contraint de passer aux aveux après que des agents de la sécurité de l’État l’eurent menacé, à plusieurs reprises, de s’en prendre à sa famille. Lorsque les autorités ont appris qu’il avait révélé ces informations, ils ont amplifié leur harcèlement à son encontre et à l’encontre de sa famille.

Le 13 septembre 2007, une lettre ouverte adressée par Gao Zhisheng au Congrès américain a été publiée par le journal Epoch Times, édité aux États-Unis. Dans cette lettre, il attirait l’attention sur la dégradation de la situation des droits humains en Chine et il indiquait également qu’il ne soutenait pas la tenue des Jeux olympiques dans son pays en 2008. Le 22 septembre 2007, un groupe de policiers en civil sont venus chez lui, l’ont déshabillé et l’ont roué de coups jusqu’à ce qu’il perde connaissance. Il a ensuite été arrêté et détenu au secret pendant près de six semaines.
Au cours de cette détention, des policiers ont violemment battu Gao Zhisheng et lui ont infligé des décharges électriques de manière répétée sur les parties génitales. Ils ont, en outre, placé des cigarettes allumées près de ses yeux durant plusieurs heures ; ce traitement l’a rendu partiellement aveugle pendant plusieurs jours. Après sa libération, des amis l’ont décrit comme un «homme brisé» physiquement et mentalement.

Tout au long de la détention de Gao Zhisheng et après qu’il eut regagné son domicile à Pékin en novembre 2007, ses proches ont été soumis à un harcèlement permanent et ont été illégalement assignés à résidence. Leurs amis et d’autres défenseurs des droits humains ont tenté à plusieurs reprises d’entrer en contact avec les membres de sa famille mais ils n’ont jamais pu parler librement avec eux, les lignes téléphoniques de la famille ayant été coupées et leur domicile encerclé par la police.

Sa famille a fui la Chine en raison de harcèlements constants des autorités et est arrivée aux USA le 11 mars 2009. Les autorités chinoises avaient empêché ses enfants d’aller à l’école depuis l’été 2008 et les comptes bancaires de sa famille avaient été gelés. Suite à ces épreuves, sa fille, âgée de quinze ans, a tenté de suicider. En octobre 2010, sa fille a écrit une lettre ouverte au président des États-Unis d’Amérique. Dans cette lettre, elle écrivait : «Président Obama, en tant que père de deux filles, je vous prie de demander au président chinois Hu Jintao de dire à sa fille où se trouve son père».
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des nouvelles de l'avocat aux pieds nus

Messagepar laoshi » 23 Déc 2011, 08:10

On a enfin des nouvelles de Gao Zhisheng, "l'avocat aux pieds nus" que les autorités chinoises ont soumis à d'horribles tortures et maintenu illégalement en détention, au secret, pendant des années, avant de l'enlever en avril 2010 au mépris de toute procédure judiciaire. Accusé d'avoir "gravement violé à plusieurs reprises les règles de sa libération conditionnelle", Gao Zhisheng vient d'être condamné à trois ans de prison supplémentaires, officiellement cette fois, par un tribunal de Pékin. Faut-il s'en réjouir ? Oui, si l'on considère que cette nouvelle incarcération permettra au moins de savoir, peut-être, ce qu'il advient de Gao Zhisheng.
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Re: Gao Zhicheng, 高智晟

Messagepar mandarine » 23 Déc 2011, 12:26

pas de trêve de Noel en chine , encore un pied de nez à la FRANCE ?
Les autorités de votre pays,qui elles aussi pensent forcément à leurs intérêts,ne manqueront pas de comprendre combien le type de célébrité que leur vaut la persécution de personnes telles que vous les dessert Vaclav Havel à Liu Xiaobo
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pour "ne pas perdre la face"

Messagepar laoshi » 26 Déc 2011, 21:18

Oui, c'est tout à fait ça, sinon "pied de nez à la France", du moins un pied de nez à l'Europe qui, très récemment, s'était émue du sort de Gao Zhisheng, provoquant la réponse habituelle des autorités chinoises sur sa "souveraineté" et sur le principe de non-ingérence des pays étrangers dans les affaires intérieures de la Chine. Reste que cette réponse fait "réapparaître" l'avocat disparu depuis plus d'un an, signe de l'embarras du PCC dans cette affaire et de l'efficacité, envers et contre tout, des actions des défenseurs des droits de l'homme. Pour ne pas "perdre la face", les autorités chinoises bricolent une solution judiciaire qui ne trompe personne et qui donne raison, en dernière analyse, aux Etats qui interviennent bel et bien pour rappeler à la Chine les principes constitutionnels qu'elle foule régulièrement aux pieds :

Xinhua du 23/12/2011 a écrit:Aucun pays n'a le droit d'intervenir dans les affaires internes de la Chine( porte-parole) Liu Weimin, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, a déclaré vendredi qu'aucun pays n'a le droit d'intervenir dans les affaires internes et la souveraineté judiciaire de la Chine

Le porte-parole s'est ainsi exprimé lors d'une conférence de presse en réponse à un communiqué de l'Union européenne (UE) concernant un cas judiciaire en Chine.

M. Liu a espéré également que la partie européenne procédera selon l'intérêt général des relations sino-européennes et contribuera davantage à promouvoir la confiance mutuelle et la coopération.

D'après des rapports, le Haut représentant de l'UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité Catherine Ashton a appelé le gouvernement chinois à libérer l'ancien avocat Gao Zhisheng et à rendre publique sa situation.

La Chine a publié des informations concernant le cas de M. Gao, un ancien avocat condamné pour avoir tenté de renverser l'Etat. Il a été renvoyé en prison.

Gao Zhisheng, un homme de 47 ans, a été condamné le 22 décembre 2006 à trois ans de prison et cinq ans de mise à l'épreuve, avec privation de ses droits politiques pendant un an.

Un communiqué du premier Tribunal populaire de seconde instance de Beijing a indiqué qu'il avait gravement violé à plusieurs reprises les règles de sa libération conditionnelle, ce qui a amené le tribunal à révoquer cette dernière.

M. Gao, qui possède un permis de résidence dans la ville d'Urumqi, dans le Xinjiang, fut avocat à Beijing avant sa condamnation.

Il devrait purger sa peine de prison durant les trois prochaines années, ajoute le communiqué.
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Gao Zhicheng, exilé dans le Xingjiang

Messagepar laoshi » 01 Jan 2012, 22:37

On a des nouvelles - tristes nouvelles - de l'avocat aux pieds nus, réprimé pour avoir défendu des chrétiens et des membres du falungong persécutés par le régime : "J'ai reçu la lettre contenant la décision ce matin, qui disait que Gao Zhisheng est à la prison de Shaya dans le Xinjiang", a déclaré son frère Gao Zhiyi. Le document émane d'un tribunal de Pékin, a-t-il ajouté.
On se croirait revenu au temps de l'Empire quand les victimes de l'ire impériale se retrouvaient aux frontières du monde "barbare". Il s'agit en effet, visiblement, d'un exil intérieur, le Xingjiang étant une lointaine province de la Chine où peu de monde aura la possibilité de se rendre pour communiquer avec lui. Reste que, là encore, cette officialisation du lieu de détention de Gao Xingjiang montre que le PCC ne peut pas purement et simplement fouler aux pieds les demandes réitérées des défenseurs des Droits de l'homme dont le principe est, je le rappelle, inscrit dans la Constitution chinoise depuis 2004.
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Re: Gao Zhicheng, 高智晟

Messagepar mandarine » 02 Jan 2012, 10:28

nos potentats royaux ont fait de même voici ...... bien des années ,puis plus près de nous , Napoléon , Victor Hugo ...,

c'est , à mon avis, la révélation d' une preuve d'impuissance et de peur que d'isoler quelqu'un de cette façon ,( sans même aborder la question des tortures )

comme le disait Vaclav Havel , cette persécution dessert l'image de la chine aux yeux du monde entier
,
Les autorités de votre pays,qui elles aussi pensent forcément à leurs intérêts,ne manqueront pas de comprendre combien le type de célébrité que leur vaut la persécution de personnes telles que vous les dessert Vaclav Havel à Liu Xiaobo
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qu'est devenu Gao Zhicheng ?

Messagepar laoshi » 14 Fév 2012, 14:38

Selon Le Monde, la femme du dissident Gao Zhisheng dit craindre pour la vie de son mari. Ses proches, qui se sont rendus à l'endroit où il est censé être détenu, dans le Xingjiang, n'ont pas été autorisés à le voir !
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Gao Zhicheng, l'avocat-courage de la Chine

Messagepar laoshi » 01 Mai 2012, 10:44

L'affaire Chen Guangcheng me rappelle, évidemment, le cas Gao Zhicheng qui, lui aussi, a tenté de faire valoir l'Etat de droit en Chine. J'ai enfin retrouvé un article du Nouvel Observateur de 2010 décrivant la carrière de cet avocat-courage, aujourd'hui exilé au Xinjiang, dans des conditions préoccupante.

Ursula Gauthier dans le Nouvel Observateur du 13-09-2010 a écrit:L'avocat courage de la Chine

As du barreau converti au christianisme, Gao Zhisheng était devenu la providence des sans-droits victimes des pouvoirs locaux ou de persécutions religieuses. Aujourd'hui enfermé, torturé, celui dont l'existence avait commencé comme une «success story» à la chinoise est maintenu au secret par les autorités.

La dernière fois qu'il a été vu en public, en avril dernier, Gao Zhisheng n'était plus que l'ombre de lui-même. Il venait de refaire surface après quatorze mois d'une disparition totale entre les mains de la police secrète. Les amis qui l'ont rencontré lors de cette brève parenthèse décrivent un homme méconnaissable, physiquement cassé et moralement brisé. Celui qui fut « la conscience de la Chine », la plus fameuse « grande gueule » du barreau, la terreur des fonctionnaires corrompus avouait qu'il n'avait plus la force de continuer le combat. Il déposait les armes, dans l'espoir d'échapper aux centres de détention où des tortionnaires d'Etat pratiquent des supplices abominables censés « réformer l'esprit » des récalcitrants. Plus tard, quand il aurait donné par sa conduite suffisamment de gages, peut-être obtiendrait-il l'autorisation de rejoindre sa femme et ses deux enfants réfugiés aux Etats-Unis depuis janvier 2009. Mais les autorités en ont décidé autrement. Le 21 avril, deux ou trois semaines après sa réapparition, Gao Zhisheng était de nouveau enlevé par ses geôliers. L'absence totale d'information sur son sort, ou même sur le lieu de sa détention, laisse présager le pire.

Terrible punition pour celui qui fut, pendant quinze ans, la figure emblématique d'un groupe engagé appelé «weiquan» (défenseurs des droits civiques). Ce mouvement « légaliste » composé d'avocats, de militants et de journalistes se bat non pas pour un changement de régime, mais pour contraindre le gouvernement à respecter les lois qu'il a lui-même promulguées. Au nom des droits reconnus par la Constitution, les avocats weiquan défendent les victimes d'abus, dont le nombre ne cesse d'augmenter. En 2009, de l'aveu même des autorités, ces exactions ont déclenché 100.000 protestations collectives et 12 millions de «pétitions» individuelles adressées au gouvernement central par des citoyens réclamant justice contre l'iniquité des pouvoirs locaux. Au tournant des années 2000, Gao Zhisheng était devenu la providence de ces pauvres gens, qui parcouraient des milliers de kilomètres pour le supplier à genoux de les défendre : victimes d'expropriations illégales, de catastrophes écologiques dues à la négligence des industriels, de bavures médicales, de persécutions religieuses, d'emprisonnements abusifs, ils savaient que cet as du barreau avait remporté des procès fameux contre les administrations - comme cette indemnité de 100.000 dollars arrachée à un hôpital au profit d'un enfant qui avait perdu l'ouïe suite à une erreur de traitement.

Les déshérités savaient aussi que Gao consacrait un tiers de son temps à des dossiers «pro bono», qu'il plaidait gratuitement et avec feu. «Tous les avocats weiquan défendent des cas difficiles, explique Teng Biao, ami et collègue de Gao, qui a, lui aussi, ferraillé pour des causes célèbres. Mais, en général, nous prenons la précaution de ne pas «dépasser les bornes». Gao, lui, en faisait une brûlante obligation. Il acceptait un nombre très élevé d'affaires, sans se soucier de déplaire aux autorités.» Sa générosité et son dévouement au bien public étaient tels que le ministère de la Justice l'avait nommé, à 34 ans, parmi les dix meilleurs avocats de Chine. C'était en 2001. Gao Zhisheng était alors la preuve vivante que la «réussite pour tous», serinée par le pouvoir communiste, n'était pas un vain slogan. Dans un livre publié en 2007 (1), l'avocat raconte une vraie «success story» aux couleurs de la Chine. Né en 1966 dans une famille très pauvre du Shaanxi, il passe son enfance dans une maison troglodyte sans électricité ni chauffage et, souvent, sans manger à sa faim. Son père, mineur, meurt à 40 ans, laissant six orphelins. L'intelligence et la soif de savoir du petit Gao lui valent d'être engagé par l'Armée populaire de Libération, qui paie à ses recrues des études jusqu'au bac et leur octroie la carte de membre du Parti communiste - sésame indispensable à tous les ambitieux. Plus tard, revenu à la vie civile, il tombe sur une coupure de journal qui annonce le recrutement de 150.000 avocats - plusieurs décennies après l'abolition de la profession par Mao. «Deng Xiaoping déclarait que la Chine allait dorénavant être soumise au règne de la loi. Je l'ai cru», écrit-il.

Vendeur de quatre-saisons le jour, Gao étudie donc le droit en autodidacte la nuit. Grâce à sa mémoire prodigieuse, il apprend le Code par coeur. Après avoir débuté sa carrière, en 1995, dans un coin reculé du Xinjiang, il devient rapidement une star du barreau, à la tête d'un prestigieux cabinet privé qu'il a fondé et qui emploie une vingtaine d'avocats dans la capitale.

Comment cette brillante trajectoire s'est-elle transformée en quelques années en une véritable descente aux enfers ? De plus en plus audacieux, Gao subit de nombreuses menaces de mort et plusieurs arrestations ponctuelles dont il refuse de tenir compte. Après une tentative d'assassinat maquillée en accident de la route en 2006, la machine d'Etat entreprend de l'écraser : lors de deux longs emprisonnements, il est soumis à d'effrayantes tortures qu'il osera, malgré une interdiction formelle, décrire publiquement une fois libéré. Enlevé finalement par des agents de la sécurité d'Etat en février 2009, il est maintenu au secret - excepté la courte parenthèse d'avril 2010 -, les autorités ne daignant donner aucun indice sur son sort ni même indiquer s'il est toujours vivant. Une «disparition» aussi longue est tout à fait inhabituelle, même compte tenu de la rudesse de la répression chinoise.

Quelle est la raison d'un tel acharnement ? La réponse tient sans doute à la radicalisation progressive d'un esprit libre qui refuse de se cantonner dans le rôle anecdotique que le système judiciaire chinois concède à ses 200.000 avocats. Gao, lui, croyait vraiment aux idéaux de droit et de légalité. «Cet homme était une force de la nature, se souvient un ami. Carrure de taureau, voix de stentor, une énergie capable de déplacer des montagnes, une combativité prodigieuse. Surtout, il a pris au mot la loi de 1989 qui permettait pour la première fois à tout citoyen de poursuivre l'Etat en justice.» Bataillant sans cesse aux quatre coins du pays, a-t-il cru que les honneurs et les relations le protégeraient contre l'ire d'un régime exaspéré par ses défis ? Il s'était mis à collectionner les cas «sensibles» : un pasteur indépendant accusé de diffuser des Bibles qu'il avait fait imprimer, les propriétaires de puits de pétrole confisqués par le gouvernement local, un village en conflit avec ses propres dirigeants, des avocats arrêtés et torturés pour avoir contesté l'arbitraire des pouvoirs locaux... Gao n'hésite pas à protester en pleine rue, interpellant nommément les responsables et mobilisant l'opinion publique naissante qui s'agite sur les forums citoyens du Net. Une stratégie qui se solde parfois par la victoire, mais qui lui attire l'inimitié personnelle de nombreux potentats.

C'est pourtant seulement en 2003 qu'il franchit une «frontière» implicite et se retrouve dans le camp des «ennemis du régime». Sollicité par un adepte du Falun Gong (mouvement spirituel chinois fondé au début des années 1990) condamné sans procès à trois ans de camp de travail, Gao découvre qu'aucun tribunal n'accepte le dossier au motif que le gouvernement interdit de juger ces questions. Scandalisé par ce déni de droit, il se lance alors dans la bataille - tout en la sachant perdue d'avance. Il n'ignore pas en effet que, parmi la multitude de questions « sensibles », certaines sont carrément taboues : celles qui touchent aux religions indépendantes (catholiques « souterrains» ou «Eglises domestiques» protestantes) et, plus encore, aux « séparatismes » ethniques (Tibet, Xinjiang) et aux « sectes hérétiques », au premier rang desquelles le Falun Gong.

Depuis 1999, les adeptes de ce puissant mouvement religieux sont férocement pourchassés par Pékin, qui les soupçonne de fomenter un soulèvement contre le PC. Des centaines de milliers sont enfermés pendant des mois dans des «centres de lavage de cerveau». Trois mille d'entre eux y auraient trouvé la mort. Ceux qui survivent sont envoyés dans des camps de travail où les conditions sont à peine plus humaines. Selon les chercheurs qui étudient le goulag chinois, le Falun Gong fournirait au moins la moitié de la population carcérale.

Pourquoi Gao Zhisheng, qui n'est pas un adepte du Falun Gong, s'est-il engagé de toutes ses forces dans ce bras de fer inégal ? «Gao est de ces avocats qui s'impliquent émotionnellement avec leurs clients», répond Teng Biao. Un autre de ses amis juristes ajoute : «Il a un côté Don Quichotte qui lui vient de son enfance défavorisée, une capacité à s'émouvoir des malheurs d 'autrui héritée de sa mère, fervente bouddhiste d'une générosité folle, et qui a été encore amplifiée par sa nouvelle foi chrétienne.» En effet, comme beaucoup d'avocats weiquan, Gao Zhisheng, qui cherchait une spiritualité cohérente avec ses choix philosophiques, s'est converti au christianisme il y a cinq ans, adhérant à une « Eglise domestique » (groupe protestant informel qui se réunit au domicile d'un de ses membres). «Du coup, son empathie pour les gens persécutés à cause de leur foi n'a plus eu de bornes», explique le juriste. En 2005, Gao va jusqu'à adresser une lettre ouverte au président Hu Jintao et au Premier ministre Wen Jiabao : «Bien que vous ne soyez pas responsables du déclenchement de cette catastrophe, le fait que vous n'y mettiez pas fin vous rend complices de ces crimes.» La sanction ne se fait pas attendre : son cabinet est fermé dès le lendemain.

Refusant de se laisser intimider, Gao sème les agents chargés de le surveiller et part à la rencontre des adeptes du Falun Gong dans les régions où la persécution est la plus sévère. «Le coeur et la plume tremblants, écrira-t-il dans son livre (1), je recueillais des récits d'une inconcevable brutalité, des sommets de cruauté inhumaine comme jamais aucun gouvernement n'en a exercé sur ses propres citoyens.» Il a l'impression de parler à des spectres «déjà morts plusieurs fois». Et pourtant, «leur courage indomptable» et «leur capacité à pardonner à leurs tortionnaires» sont à ses yeux «l'espoir d'une Chine qui a perdu tout sens moral».

Profondément ébranlé, Gao publie une seconde lettre ouverte aux dirigeants, plus véhémente encore. Il y dévoile - pour la première fois en Chine - l'existence du Bureau 610 : une sorte de Gestapo occulte créée à la fin des années 1990 pour mener la répression contre le Falun Gong dans une totale impunité. Révulsé, Gao démissionne du Parti communiste, qu'il qualifie publiquement de «cruel, inhumain et malfaisant», en concluant : «Ceci est le jour de ma vie dont je suis le plus fier.»

Impardonnable. En août 2006, il est enlevé par une bande de nervis, saucissonné de ruban adhésif, aveuglé par une capuche noire et sommé de reconnaître son crime d'«incitation à la subversion». Torturé pendant dix jours, il finit par signer des aveux et une lettre de repentance. Mais, dès sa libération, Gao brise la loi du silence imposée par ses geôliers. Dans un témoignage clandestin filmé en 2007 (2), il raconte, la voix brisée, les tourments et les humiliations physiques endurées et les menaces incessantes faites à sa famille.Trois agents se relaient désormais pour ne jamais perdre de vue son fils de 3 ans, une dizaine d'autres sont affectés à sa fille de 12 ans suivie jour et nuit. Malgré tout, Gao trouve encore la force de s'élever contre les JO de Pékin, au nom des expropriations et des abus qu'ils occasionnent. En septembre 2007, dans une lettre ouverte adressée cette fois au Congrès américain, il fustige la tyrannie du régime «fasciste » de Pékin et demande que les persécuteurs du Falun Gong - dont l'ex-président Jiang Zemin - soient jugés pour crimes contre l'humanité. Nouveau sacrilège aussitôt puni. Gao est de nouveau enlevé en septembre 2007 et emmené devant un tortionnaire en chef qui lui hurle à la figure : « Tu accuses le Parti de pratiquer des tortures horribles ? Eh bien, aujourd'hui, on va te faire la totale. Tu avais raison de dire que nous torturions les adeptes du Falun Gong. Les douze méthodes que nous allons te servir ont été peaufinées sur eux.»

Après sa libération, l'avocat mettra par écrit le récit de ce calvaire de 54 jours pendant lesquels il a cru - et voulu - mourir. Les « oncles » des services occultes lui « enfument » les yeux avec des cigarettes jusqu'à ce qu'il ne puisse plus les ouvrir. Ils le battent à coups de bâtons électriques, appliquent des électrochocs sur ses parties intimes, percent ses organes génitaux avec des cure-dents, l'arrosent d'urine, le privent de sommeil et de nourriture... Au bout de dix jours, quand il retrouve la vue, il s'aperçoit que sa peau a viré au noir. « Ils ont commis d'autres actes abominables, écrit Gao, qui m'ont montré jusqu'où les chefs du PC étaient prêts à aller pour sauvegarder leur pouvoir dictatorial. Mais ces actes sont si ignobles et dégoûtants que je souhaite les taire à jamais. »

Malgré sa nomination en 2008 pour le prix Nobel de la Paix, Gao est placé en résidence surveillée et sa famille harcelée. Sa femme et sa fille, qui résistaient à leur escorte, sont molestées. Les « services » interdisent à l'adolescente d'aller en classe ; elle fait plusieurs tentatives de suicide. Début janvier 2009, l'épouse de Gao Zhisheng et ses deux enfants se volatilisent à la barbe des dizaines de flics qui ne les lâchent pas d'une semelle. Dix jours plus tard, ils refont surface aux Etats-Unis avec un statut de réfugiés. On apprendra que leur évasion a été orchestrée par des réseaux clandestins (sans doute le Falun Gong ou d'autres Eglises souterraines) capables de tromper la formidable machine répressive. A peine un mois plus tard, les services se vengeaient en condamnant Gao à un purgatoire dont on ignore tout.
« Gao Zhisheng a été le premier à oser défendre un pratiquant du Falun Gong, explique Teng Biao. Il l'a payé très cher, mais son courage a ouvert une brèche dans la muraille du non-droit. Nous sommes aujourd'hui de plus en plus nombreux à plaider ce type de dossiers, même si les autorités n'ont pas renoncé à nous intimider. »

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Gao Zhicheng enfin libéré !

Messagepar laoshi » 07 Août 2014, 17:49

Gao Zhisheng, l'avocat courage de la Chine, a été libéré cet après-midi après trois ans de détention (et ce n'était pas la première fois qu'il était incarcéré, évidemment !). Mais on ne sait pas encore si cette libération sera suivie ou non d'une assignation à résidence. Pour le moment, il est à Urumqi, dans la province du Xinjiang, où il était détenu, et réside chez son beau-père.

Selon Hu Jia, il devrait y faire soigner ses dents, en très mauvais état, avant de rejoindre sa province du Shaanxi. Sa femme, exilée aux Etats-Unis, craint un nouvel acharnement de l'Etat chinois


Maya Wang, de l’ONG Human Rights Watch, a écrit:
Etant donné qu’il a été soumis dans le passé à de longues périodes de "disparition" forcée, nous sommes inquiets de ce qui pourrait lui arriver une fois qu’il sera rentré chez lui...


Espérons que cette nouvelle détention n'aura pas fini de briser cet homme remarquable, déjà épouvantablement torturé par le passé.

Le Monde et Libération ont relayé la nouvelle. Amnesty International lui a consacré un dossier mais ne mentionne pas encore sa libération...
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Re: Gao Zhicheng, 高智晟

Messagepar mandarine » 12 Août 2014, 13:40

Petit communiqué de l'Ambassade de France à Pékin.
C'est quand même à souligner !



Chine - Libération de l’avocat Gao Zhisheng

La France a appris avec satisfaction la libération le 7 août 2014 de l’avocat GAO Zhisheng. La France et ses partenaires européens avaient appelé à plusieurs reprises à sa libération.




http://www.ambafrance-cn.org/Chine-Libe ... avocat-Gao
Les autorités de votre pays,qui elles aussi pensent forcément à leurs intérêts,ne manqueront pas de comprendre combien le type de célébrité que leur vaut la persécution de personnes telles que vous les dessert Vaclav Havel à Liu Xiaobo
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