Je n'ai pas vu le tous les épisodes de ce feuilleton, que j'ai pris en route vers le 10° épisode, mais dont j'ai regardé le tout premier épisode sur Internet. Intitulé Les Années de fer, il est dédié aux quelque 140 000 000 d'ouvriers chinois.
Le héros principal, Tielong (littéralement Dragon de fer), est un vétéran de l'Armée populaire de libération. L'histoire commence en 1948, avec la naissance du petit Jinhu, que son père a tout juste le temps de voir naître avant de partir pour le front. Il y se retrouve face à un officier du Guomindang, comme lui originaire du Shandong, Yang Shoushan, qui tient l'usine sidérurgique de Anshan. Comme de bien entendu, Tielong parvient à s'emparer de l'usine sans détruire le précieux appareil de production et à obtenir le ralliement de Yang Shoushan.
Blessé à la tête, laissé pour mort sur le champ de bataille, Tielong "ressuscite" comme par miracle tandis que l'on annonce sa mort à sa jeune femme, Maicao. Venue chercher sa dépouille sur place, un an plus tard, celle-ci rencontre Yang Shoushan, veuf et père d'une petite fille, et l'épouse.
A la suite de péripéties que je n'ai pas vues, tous se retrouvent à Anshan, où plus de 360 Japonais sont restés après la "Guerre de libération" comme techniciens pour reconstruire l'appareil de production de la "nouvelle Chine". Les instructeurs soviétiques sont là, eux aussi, pour coopérer à la renaissance du pays.
Les deux familles, Tielong et son fils Jinhu d'un côté, Yang Shoushan de l'autre avec son épouse (qui est aussi l'ex-femme de Tielong) et sa fille Men, habitent "la cour du Bonheur", pratiquement porte à porte. Cette cour et ses habitants seront le microcosme d'où l'on observera, comme à la loupe, les événements qui secouent l'histoire de la Chine communiste : l'enrôlement de la population dans le projet communiste avec la promotion des "ouvriers modèles", le dixième anniversaire de l'avènement de Mao au pouvoir et le triomphe du culte de la personnalité, la coopération sino-soviétique (avec la visite de Zhu De et d'un ministre russe), le retour au pays des Japonais laissés sur place, le Grand Bond en avant dans les villes industrielles (avec la construction des petits haut-fournaux à Anshan) et dans les lointaines provinces (avec l'installation de Jinhu et de Men dans une "ferme modèle", une zone de défrichement à Beidahuang, dans le Heilongjiang, la lointaine Mandchourie)...
Omniprésentes dans le feuilleton, les scènes de repas (pas un épisode où l'on ne voit une ou deux familles à table devant des plats variés et abondants) semblent réfuter d'avance toute famine, voire toute pénurie alimentaire. Certes, le Grand Bond en avant ne fait pas l'unanimité, quelques habitants disent parfois leurs doutes, au risque de passer pour défaitistes et de risquer la critique des cadres de l'usine mais c'est l'ancien officier du Guomindang qui "lance des spoutniks" (autrement dit qui annonce des résultats falsifiés) tandis que Tielong, l'authentique communiste, parvient à produire son quota de fonte d'acier par la seule force de son enthousiasme politique et de son savoir-faire sidérurgique. Comme on l'entend à plusieurs reprises dans le feuilleton, "on ne peut obtenir de la blancheur de la farine à partir de la noirceur de charbon", autrement dit, "les chats ne font pas des chiens", on ne peut faire que des traitres avec les suppôts du nationalisme, fussent-ils, comme Yang Shoushan, des nationalistes repentis.
Même prudence en ce qui concerne le Heilongjiang : certes, on y mange du pain de sorgho et les jeunes gens enthousiastes qui se sont enrôlés dans ce projet se mutinent parce qu'ils veulent du riz, certes les hommes y traînent la charrue en lieu et place des chevaux ou des boeufs pour des "labours profonds" auxquels renâclent les pionniers mais les meneurs sont d'authentiques héros de l'Armée de libération et on ne va pas chipoter pour si peu, n'est-ce pas ? Apparemment, on ne va pas s'appesantir sur la question et, là encore, il ne sera question ni de famine ni de surmortalité. La scène de labour reprend pratiquement trait pour trait des images d'archives concernant les camps de rééducation par le travail que l'on voit par exemple dans La Grande Famine de Mao, mais ici, miracle, les hommes de trait sont des volontaires enthousiastes (malgré les ampoules horribles qu'ils se font sur les épaules), cela fait toute la différence (en réalité Beidahuang est l'un des hauts lieux du goulag chinois) !...
Malgré sa volonté d'édulcorer la réalité, la série en dit long sur le contrôle du PCC sur les moeurs. Pas question pour un membre du Parti d'épouser l'adorable Japonaise qu'il aime ! Entre son devoir et son bonheur, Tielong choisira son devoir, comme on pouvait s'y attendre. Plus curieux, l'obsession des cadres concernant les "amours précoces", interdites au pays du "mariage tardif" : Jinhu et Men, qui ne sont pourtant que des enfants, sont impitoyablement séparés l'un de l'autre à la suite de "l'enquête" et de la dénonciation de leur professeur ! Le feuilleton promeut évidemment le contrôle des naissances et la stérilisation volontaire des hommes...
Les rapports entre les femmes et les hommes sont pleins de contradictions : promues les égales des hommes, les femmes gardent leur nom dans le mariage, elles occupent des postes prestigieux dans les usines (elles peuvent conduire des machines, comme Maicao qui pilote le pont roulant de l'aciérie, ou être ingénieurs comme Kayo, la jolie Japonaise devenue chinoise de coeur) mais elles font la double journée de travail sans que leurs époux semblent le moins du monde s'en inquiéter...
Etrangement, le feuilleton fait de Tielong un père d'une sévérité à la fois cruelle et bornée (en général, les enfants sont plutôt adulés dans les séries télévisées) : pour briser la volonté de son fils, coupable d'aimer la petite Men malgré son tout jeune âge, il n'hésite pas à l'enfermer et à le priver de nourriture (ce qui, évidemment, nous choque d'autant plus que les enfants de cette époque ont été les premiers à mourir de faim).
Voilà tout ce que je peux vous dire pour le moment de cette série que vous pouvez voir sur le site de CCTV.
"La suite au prochain numéro" comme on disait dans les feuilletons radiophoniques de mon enfance...