Ai Weiwei et les voix du silence

l'idée de ce forum m'a été inspirée par l'action d'Ai Weiwei concernant les disparus du Sichuan, je vous propose d'y donner le nom de chacun des dissidents emprisonnés, disparus ou libérés dont vous aurez des nouvelles

Ai Weiwei et les voix du silence

Messagepar laoshi » 08 Juil 2011, 13:05

Le Monde du 27 juin 2011 a écrit:Dans le silence médiatique qui entoure la libération d'Ai Weiwei (seule l'agence de presse Chine nouvelle rapporte qu'il a été libéré sous caution après avoir "avoué ses crimes"), l'Internet chinois a répandu l'information en catimini, le plus souvent par des allusions ou des sous-entendus.

Sur Weibo, le fil de microblog du portail Sina, les recherches à partir des mots clés Ai Weiwei ou encore Ai Weilai (un jeu de mots qui signifie "celui qui aime le futur") font apparaître sur l'écran le message habituel de la censure : "les résultats de recherches sont inaccessibles selon les lois et les règlements en vigueur". Mais tout le monde comprend quand @shifeike écrit : "notre frérot rondouillard est sorti !"

@baipangbingkuailezhe s'est fondu d'un "Aishen [le Dieu Ai] est enfin dehors !". "Vous pouvez effacer nos messages, mais vous ne pouvez pas effacer notre joie !" a twitté sur Weibo, @songshinan. L'artiste @kuanglaowu se félicite que le "rondouillard soit sorti" mais relativise : "restons calmes, il n'y a pas de quoi se réjouir quand tant de gens sont toujours à l'ombre. La route vers le futur est encore longue !"

UNE ATTITUDE POSITIVE

Même les anti-Ai Weiwei s'expriment : constatant que l'artiste avait adopté une attitude positive en "reconnaissant son crime", @huxijin, le rédacteur en chef du très nationaliste Huanqiu shibao (Global Times) s'est félicité de ce que "la procédure suivie dans cette affaire traduit une avancée de la civilisation judiciaire chinoise, et non l'inverse". En réalité, Ai Weiwei a été mis au secret et n'a pas eu accès à un avocat. Sur le blog de l'Asia Law Institute de l'Université de New York, le spécialiste américain en droit chinois Jérôme Cohen note que Ai Weiwei n'a jamais été formellement arrêté ou mis en examen.

Ai Weiwei aurait promis de ne pas parler à la presse ni d'utiliser Twitter ou Weibo pendant un an. Il ne peut pas quitter Pékin sans permission, a confirmé le porte-parole du ministère des affaires étrangères chinois. Jeudi 23 juin, à midi, l'artiste s'est rendu dans un restaurant de fondue chinois, dans le nord-est de la capitale. L'internaute @ptoq a posé à ses côtés et a envoyé la photo sur Weibo. Le message a été retwitté 161 fois avant d'être effacé, selon l'auteur.

L'avocat Pu Zhiqiang, qui était aux côtés d'Ai Weiwei au Sichuan lors du procès d'un autre dissident en 2009, s'est inquiété du fait que l'artiste avait perdu 12 kilos. Le journaliste Yang Haipeng (de Shanghaï) s'est émerveillé qu'il existe un centre aussi efficace pour les régimes amaigrissants : "12 kilos en 80 jours, la compétence du centre d'amaigrissement de M. Fu, le chef de la Sécurité publique de Pékin, est indiscutable. Nous conseillons à M. le directeur de proposer un tel service VIP à Mao Xinyu." Mao Xinyu est le petit fils de Mao, lui-même en surpoids...
Brice Pedroletti


source : Le Monde
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Ai Weiwei, un artiste engagé

Messagepar laoshi » 24 Juil 2011, 10:26

L'artiste chinois Ai Weiwei, qui a participé à la conception du fameux "Nid d'oiseau" de Pékin (le stade olympique) est un artiste engagé. Il est reconnu de ses pairs, les artistes contemporains, comme en témoigne son exposition à la Tate Modern de Londres, mais aussi de la population chinoise qui l’a élu « artiste de l'année 2010 » le 21 février 2011 ; mais il était surtout bien connu des autorités qui voyaient en lui un dangereux porte-parole de la société civile chinoise : « L'après-midi même, son portrait était effacé » du portail portail Sina qui avait organisé le vote... En janvier, son atelier de Shanghai avait déjà été détruit par les autorités.

La goutte d'eau qui a fait déborder le vase est sans doute le message qu'il a posté sur son compte Twitter, le 24 février, en participant à une champagne en ligne visant à promouvoir dans les principales villes chinoises les "promenades du jasmin" inspirées par les rassemblements du Moyen-Orient :

Ai Weiwei a écrit:“dans un premier temps, je n’avais pas prêté attention au jasmin, mais les gens qui ont peur du jasmin nous ont montré combien le jasmin peut faire mal parfois, ce qui m’a fait réaliser que le jasmin est ce qu’ils redoutent le plus. Quel jasmin !»


Dès que la révolution tunisienne a été baptisée "révolution de jasmin", j'ai pensé que les jeunes Chinois s'empareraient de cette chanson, que l'on chante en Chine dès l'école maternelle, pour en faire l'emblème de leur revendication de liberté. Un peu comme Le Temps des cerises a été l'hymne de la Commune de Paris (je sais que la Commune de Paris est au programme scolaire en Chine).
Comme je le pressentais, le gouvernement chinois a censuré le mot "jasmin" sur internet, la CCTV, télévision chinoise, a poussé le ridicule jusqu'à supprimer de ses émissions l'air de cette chanson qui accompagnait depuis des années la météo et je suis certaine que les instituteurs chinois n'osent plus la faire chanter à leurs élèves ! la magie d'un mot peut être plus grande que la force des armes !

En prêtant sa voix à tous ceux qui sont sans voix, Ai Weiwei a honoré sa mission d’intellectuel.

l’avocat Pu Zhiqiang a écrit:Dans l'affaire Yang Jia [condamné à mort pour le meurtre de policiers, en 2008], il a réclamé que justice soit faite. Après la catastrophe humaine du séisme au Sichuan, il a fait avancer les investigations. Quand Tan Zuoren [auteur d'une enquête sur les écoles du Sichuan] a été emprisonné, il a été molesté pour avoir voulu témoigner. Quand son assistante Liu Yanping a été arrêtée, il a volé à son secours. Quand des artistes ont été menacés d'expulsion, il s'est empressé de descendre dans la rue. Quand un incendie a ravagé une tour résidentielle rue Jiaozhou [à Shanghai], il s'est rendu sur place pour connaître la vérité. Quand Qian Yunhui a connu une fin tragique [paysan, pétitionnaire écrasé, sans doute volontairement, par un camion, en 2010], il a affronté les médias. Quand il était là, il semblait que cela ne changeait rien à la moralité et aux mœurs de notre société, et pourtant son absence change tout ! Quand demain il réapparaîtra, il me faudra le regarder en face ; aussi je ne peux pas me taire !


Je n'apprécie pas nécessairement les oeuvres d'Ai Weiwei au point de vue esthétique mais elles ont incontestablement une portée sociale et politique fort dérangeante pour les autorités chinoises :

En 2009, pour commémorer Qingming, jour du "nettoyage des tombes", Ai Weiwei a rassemblé sur son blog les noms des enfants morts sous les décombres de leurs écoles lors du tremblement de terre du Sichuan alors que les parents étaient « astreints à un deuil encadré, de crainte qu'ils ne manifestent » et que les noms des écoliers morts étaient « un secret d’Etat » !

Sur son blog, chaque enfant identifié (5182 en juin 2009) était symbolisé par une bougie. Donner un nom à ceux qui n’en ont pas, lutter contre l’oubli, n’est-ce pas « représenter », au sens le plus fort du terme, ceux que l’on veut réduire au silence ?

Le Monde a écrit:«De ce travail sur la responsabilité et la mémoire, dont les archives numériques ont probablement été confisquées par la police dimanche, quand celle-ci a saisi tout le matériel informatique de l'artiste, Ai Weiwei avait déjà tiré plusieurs performances artistiques marquantes. Ainsi, les internautes furent invités à prononcer à haute voix un nom de victime et à envoyer le fichier son à l'artiste, qui en fit un émouvant mémorial sonore, sur Internet, le jour d'anniversaire du séisme.
A Munich, quelques mois plus tard, il recouvrit toute la façade du Musée Haus der Kunst de sacs d'écoliers, détachant en idéogrammes chinois la phrase prononcée par une mère en pleurs : "Elle a vécu heureuse, en ce monde, pendant sept ans."»


Là où le bât blesse le gouvernement, qui renvoie la responsabilité du désastre aux autorités locales, c'est qu'Ai Weiwei met en évidence celle de l'Etat :

Ai Weiwei dans une interview à Courrier International a écrit:«Il fallait 500 yuans par mètre carré de bâti, le gouvernement central en allouait 250, les gouvernements locaux étaient censés compléter. Faute de moyens, ils ont construit au rabais ; ils devaient le faire pour respecter la loi et passer le cap des inspections. Les malfaçons dans les bâtiments scolaires se sont multipliées. La question de la fragilité des écoles relève donc de la politique générale.»


Je commenterai très rapidement pour finir quelques-unes de ses œuvres :

Lorsqu’Ai Weiwei écrit Coca-cola sur une poterie ancienne, fait-il autre chose que de dénoncer l’américanisation de la société chinoise qui brade son patrimoine culturel pour le clinquant de Disney-Land ? quand il se fait photographier brisant une poterie Han, quand il entasse des portes brisées, fait-il autre chose que de dénoncer le vandalisme d’Etat qui détruit à tour de bras les quartiers historiques de Pékin pour leur substituer des fast-food, des banques et autres grands magasins ? quand il met en scène l'écroulement d'un luminaire, fait-il autre chose que de lutter pour l'idéal des Lumières, aujourd'hui encore d'une formidable modernité en Chine ?

Quant aux doigts d'honneur pointés vers les symboles du pouvoir, ils équivalent à une interprétation psychanalytique du pouvoir politique : n'y a-t-il pas, dans tout pouvoir politique, une manifestation de la libido et, singulièrement, une affirmation de la puissance phallique ?



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une prison de vélos
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Une poterie Han revisitée par Coca-Cola
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portes arrachées en arc de triomphe devant les buildings modernes
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portes arrachées aux démolitions des vieux quartiers
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portes arrachées aux démolitions des vieux quartiers
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le charbon, gloire économique et misère écologogique de la Chine moderne
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Lumières du Voyage


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Des Lumières pour la Chine
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Les Lumières assassinées
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le web, une araignée dans sa toile
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l'araignée lumineuse au coeur de la nuit
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doigt d'honneur pour la Maison Blanche
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un doigt d'honneur pour Tian'Anmen
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fuck Tian'Anmen
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NB : si les images ne s'affichent pas, faites un clic droit dans l'emplacement vide et sélectionnez "afficher l'image"
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Ai Weiwei sort du silence !

Messagepar laoshi » 30 Août 2011, 20:40

Ai Weiwei, fidèle à ses engagements militants (et non pas à ceux que lui ont imposés les autorités lors de sa libération), sort de son silence, à ses risques et périls. Je traduirai demain le texte qu'il a publié sur le site de Newsweek magazine ; je n'ai pas le temps maintenant.

Reuters a écrit:
BEIJING | Mon Aug 29, 2011 4:36am EDT

BEIJING (Reuters) - Dissident Chinese artist Ai Weiwei has launched his first scathing attack on the Chinese government since his release from secretive detention in late June, accusing officials of denying citizens their basic rights.

In a strongly worded commentary published late on Sunday on the website of Newsweek magazine, Ai -- whose detention sparked an international outcry -- said the capital Beijing was "a city of violence."

He criticized the government for rampant corruption, the judicial system and its policy on migrant workers -- issues that have inflamed social tensions in China.

Ai's commentary signals his growing impatience with the strict terms of his release from custody in late June after 81 days. It also presents Beijing with a direct challenge on how to handle the country's most famous social critic.

"Every year millions come to Beijing to build its bridges, roads, and houses.... They are Beijing's slaves," Ai wrote. "They squat in illegal structures, which Beijing destroys as it keeps expanding. Who owns houses? Those who belong to the government, the coal bosses, the heads of big enterprises. They come to Beijing to give gifts -- and the restaurants and karaoke parlors and saunas are very rich as a result."

Under the conditions of Ai's release, he is not allowed to be interviewed by journalists, meet foreigners, use the Internet or interact with rights advocates for a year, a source familiar with the events of Ai's detention told Reuters.

Despite this, the burly artist with flecks of grey in his beard has spoken out on his Twitter account on behalf of detained dissidents and his associates who were held during the time that he was and have since been released.

"... Beijing tells foreigners that they can understand the city... Officials who wear a suit and tie like you say we are the same and we can do business," he wrote in Newsweek. "But they deny us basic rights."

When contacted by Reuters on Monday, Ai confirmed that he had written the commentary, saying that it was one that is based on his impressions of living in Beijing, adding he did not know what the consequences, if any, would be.

He declined to elaborate, saying he was still restricted from speaking to journalists under the terms of his release.

The 54-year-old artist endured intense psychological pressure during secretive detention and still faces the threat of prison for alleged subversion, according to the source familiar with his detention.

In the commentary, Ai alluded to his time in detention, saying "the worst thing about Beijing is that you can never trust the judicial system."

"My ordeal made me understand that on this fabric, there are many hidden spots where they put people without identity," Ai wrote. "Only your family is crying out that you're missing. But you can't get answers from the street communities or officials, or even at the highest levels, the court or the police or the head of the nation.

"My wife has been writing these kinds of petitions every day (while he was in custody), making phone calls to the police station every day. Where is my husband? Just tell me where my husband is. There is no paper, no information."

Ai's detention ignited an outcry from many Western governments about China's tightening grip on dissent that started in February, when dozens of rights activists and dissidents were detained and arrested.

The artist, famed for his work on the "Bird's Nest" Olympic Stadium in Beijing, was the most internationally well-known of those detained, and his family has repeatedly said he was targeted by authorities for his outspoken criticism of censorship and Communist Party controls.

When Ai was released on bail, the Chinese government said he remained under investigation for suspicion of economic crimes, including tax evasion. Ai told Reuters earlier that he had not received a formal notice from the authorities to explain the allegation of suspected economic crimes.

In the Newsweek article, Ai wrote that none of his art represents Beijing.

"The Bird's Nest -- I never think about it," he wrote. "After the Olympics, the common folks don't talk about it because the Olympics did not bring joy to the people."

He wrote about the "secretive way" people came up to him in a park last week, giving him a thumbs up or patting him on the shoulder.

"No one is willing to speak out. What are they waiting for? They always tell me, 'Weiwei, leave the nation, please.' Or 'Live longer and watch them die,'" Ai wrote.

He previously had said he would never emigrate, but the latest article left that in question.

"Either leave, or be patient and watch how they die," he wrote. "I really don't know what I'm going to do."

(Reporting by Sui-Lee Wee; Editing by Ken Wills and Nick Macfie)


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Ai Weiwei dans le journal de France Culture

Messagepar laoshi » 31 Août 2011, 06:44

Une analyse de France Culture dans le Journal de France Culture
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Ai Weiwei sort du silence ! traduction

Messagepar laoshi » 31 Août 2011, 13:11

Comme promis, je traduis l'article de l'Agence Reuters pour ceux qui ne maîtrisent pas l'anglais. Visiblement, les propos d'Ai Weiwei ont d'abord été traduits, fort maladroitement, en anglais ; je les traduis en respectant autant que possible l'esprit du texte :

l'Agence Reuters a écrit:L’artiste et dissident chinois Ai Weiwei vient de lancer sa première attaque cinglante contre le Gouvernement chinois depuis sa libération, à la fin du mois de juin ; après avoir été détenu et mis au secret, il accuse les autorités de priver les citoyens de leurs droits fondamentaux.

Dans un article où il ne mâche pas ses mots, publié dimanche soir sur le site Web de Newsweek Magazine, Ai - dont l’incarcération avait déclenché de vives protestations internationales -, a affirmé que la capitale, Pékin, était une « ville de violence ».

Il accuse le gouvernement de corruption rampante, il dénonce le système judiciaire chinois et la politique chinoise à l’égard des travailleurs migrants, des problèmes qui ont déterminé la flambée des tensions sociales en Chine.

Ai Weiwei dit l'irritation croissante qu'il ressent face aux conditions très strictes auxquelles il est soumis depuis sa libération après 81 jours de prison, en juin. Cet article témoigne du défi que doit relever Pékin pour endiguer la critique sociale du plus célèbre de ses dissidents :

"Chaque année, des millions [de travailleurs migrants] viennent construire ses ponts, ses routes, ses immeubles. Ce sont les esclaves de Pékin", écrit-il. "Ils squattent des structures sans existence légale que Pékin détruit au fur et à mesure qu'il s'étend. Et qui sont les propriétaires des immeubles ? Ceux qui appartiennent au gouvernement, les patrons des mines de charbon, les dirigeants des grandes entreprises. Eux viennent à Pékin pour distribuer des "cadeaux" - résultat : les restaurants, les karaokés et les saunas s'enrichissent considérablement."

Selon les termes de sa mise en liberté provisoire, a révélé à Reuters une source connaissant bien les dessous de sa détention, Ai Weiwei n'est autorisé ni à accorder des interviews, ni à rencontrer des étrangers, ni à utiliser internet, ni à prendre contact avec des avocats des droits civiques. Cela n'a pas empêché l'artiste, ce gros costaud à la barbe poivre et sel, de communiquer haut et fort sur Twitter à propos des dissidents et de ses assistants détenus pendant sa propre incarcération et depuis sa libération.

"Pékin raconte aux étrangers qu'ils peuvent comprendre la ville... Des officiels portant costume et cravate, comme vous, affirment qu'il n'y a aucune différence entre eux et vous et que nous pouvons faire des affaires ensemble", a-t-il écrit dans News Week, mais nous, ils nous privent de nos droits fondamentaux."

Contacté ce lundi par Reuters, Ai a confirmé qu'il était bien l'auteur de cet article, il a ajouté qu'il se fondait simplement sur ses impressions d'habitant de Pékin et qu'il ne savait pas quelles pourraient être les conséquences de ses propos, s'il y en avait.

Il n'a pas voulu apporter plus de précisions, du fait des restrictions auxquelles il est soumis dans son régime de liberté surveillée.

Cet artiste de 54 ans a subi d'intenses pressions psychologiques au cours de sa mise au secret et il est toujours exposé à la menace de la prison sous prétexte de subversion, toujours selon la même source.

Ai fait allusion, dans son article, à la période de détention : "la chose la plus grave, affirme-t-il, c'est qu'on ne peut jamais faire confiance au système judiciaire".

"Cette épreuve m'a fait comprendre, écrit-il, que, pour ce genre d'affaire, il y a de nombreux endroits clandestins où ils retiennent les détenus sans qu'on puisse les identifier. Votre famille s'acharne à crier que vous avez disparu mais il n'y a personne, ni parmi les gens ordinaires, ni parmi les autorités, ni même, au plus haut niveau, au sein des autorités judiciaires, policières, voire étatiques, qui puisse leur répondre.

Ma femme a écrit ce genre de requêtes tous les jours [pendant ma détention], elle a téléphoné quotidiennement à la police : "Où est mon mari ? Dites-moi seulement où est mon mari. Je n'ai aucun document, aucune information".


L'arrestation d'Ai Weiwei avait déclenché de vigoureuses protestations des gouvernements occidentaux condamnant l'aggravation de la répression qui a débuté au mois de février avec l'arrestation et l'incarcération de dizaines de dissidents.

L'artiste, que sa participation à la conception du Nid d'oiseau , dans le Parc Olympique de Pékin, a rendu internationalement célèbre, est le plus connu de tous les détenus politiques ; sa famille ne cesse de répéter que les autorités l'ont pris pour cible en raison de son franc-parler, de sa critique de la censure et de sa dénonciation de la domination du Parti communiste.

Lorsque Ai a été libéré sous caution, le gouvernement chinois a précisé qu'il restait sous le coup d'une inculpation pour suspicion de "crimes économiques" , entre autres pour "fraude fiscale" mais Ai affirme quant à lui qu'il n'a reçu aucun acte d'accusation formel des autorités appuyant ces allégations de crimes économiques.

Ai ajoute encore, dans cet article au News Week, qu'aucun de ses travaux [actuels] ne représente Pékin. "Le Nid d'oiseau, je n'y pense jamais ! Après les Jeux Olympiques, les gens du peuple n'en ont plus parlé, parce que les Jeux Olympiques ne leur ont apporté aucune joie" . Il rapporte encore comment des gens sont venus "discrètement" [ou "de manière mystérieuse" (1)] vers lui, la semaine dernière, dans un parc, comment ils l'ont abordé en levant le pouce ou en lui donnant une tape sur l'épaule. Aucun d'entre eux ne veut parler à visage découvert. Mais qu'est-ce qu'ils attendent ? Ils ne cessent de lui dire : "Weiwei, va-t-en, quitte la Chine, s'il te plaît. ou bien, "longue vie à toi, et regarde les mourir !".

Ai Weiwei a toujours dit qu'il n'émigrerait pas mais ce dernier article semble laisser ouverte la possibilité d'un exil. "Ou bien partir, ou bien attendre pour voir comment ils vont disparaître, écrit-il. Je ne sais vraiment plus quoi choisir"


NB : 1 - s'agit-il de sympathisants ou d'agents des services secrets faisant pression sur lui ? je crois que le texte est ambigü sur ce point ; le journaliste de France Culture semble pencher pour la deuxième solution mais, encore une fois, les propos d'Ai Weiwei ont été recueillis par un chinois et traduits du chinois en anglais, avec tous les contresens que cela peut entraîner... sans compter les miens !
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Ai Weiwei sort du silence dans Marianne

Messagepar laoshi » 31 Août 2011, 16:24

Un article de Marianne beaucoup plus parlant et beaucoup plus complet :



Marianne a écrit: Détenu au secret pendant 80 jours dans les geôles chinoises, l'artiste-dissident chinois Ai Weiwei libéré à la condition de se montrer discret, s'était montré plutôt modéré envers les autorités dans ses premières déclarations. Mais dans un texte sur Pékin publié par le Magazine Newswek, il décrit la violence et le caractère carcéral de la modernité urbaine chinoise, l'aliénation mentale des individus enfermés dans cette cité interdite du pouvoir communiste.

Revenu « calmé », disait-on, d’un séjour dans les geôles du pouvoir chinois, détenu au secret pendant 80 jours, Ai Weiwei était sorti de prison après avoir confessé des infractions d’évasion fiscale alors qu’il s’apprêtait à prendre un avion pour Hong-Kong.

Selon Reuters, l’artiste aurait été interrogé plus de cinquante fois, alors qu’il était censé être détenu dans deux endroits secrets. Ces interrogatoires répétés, en plus d’être une source importante de stress pour l’artiste, n’étaient pas du tout axés sur ce qui était censé être la raison de sa détention, à savoir ses fraudes économiques, mais sur sa participation à un projet artistique : Jasmine Revolution. Surveillé 24h sur 24 par deux policiers qui ne le laissaient jamais avoir une once d’intimité, contraint de porter une cagoule, il doit supporter le regard pesant de ces deux hommes, même pendant son sommeil, qui l’empêchaient de parler et à qui il devait demander l’autorisation d’aller aux toilettes ou de boire. Il était même tenu de dormir les deux mains bien en évidence posées sur sa couverture.

L’artiste Ai Weiwei, connu pour sa participation à la conception du stade national olympique de Pékin et populaire par ses sorties intempestives contre le régime et sa campagne pour rassembler les noms des 5026 enfants décédés lors du tremblement de terre survenu en 2008 dans la province du Sichuan, voit sa liberté de parole limitée, comme condition de sa libération.


Les esclaves de Pékin

Ai Weiwei n’aura pas tenu sa langue très longtemps. Prudent, dans un premier temps, il fait acte de contrition dans une interview au quotidien officiel Global Times le 9 août: «Renverser le régime par une révolution radicale ne peut résoudre les problèmes de la Chine. Le plus important, c’est un système politique scientifique et démocratique».

Une fausse piste pour mieux brouiller les esprits du parti. Le lendemain sur twitter, alors que son compte est scruté par les autorités, il dénonce les conditions de détention de quatre de ses collègues emprisonnés avec lui et réclame « équité et justice ».

Toujours sous la menace d’un emprisonnement pour « incitation à la subversion », l’ancêtre du « crime d’Etat », Ai Weiwei s’est confié pour la première fois au journal Newsweek prenant pour cible Pékin, ville symbole d’une Chine moderne et développée, un chantier permanent, cassé morceau par morceau, débarrassé sans préavis de ses quartiers traditionnels. « Une prison, un asile de fous » selon ses propres mots.

Dans cette tribune, Ai Weiwei dénonce ce modèle de développement kafkaïen et la violence sociale de cette course à la modernité : « Pékin est double. Une ville de pouvoir et d’argent où les gens ne se soucient pas de leurs voisins et une ville de désespoir. Chaque année, des millions de personnes arrivent à Pékin pour y construire les ponts, les routes et les habitations. Ce sont les esclaves de Pékin» écrit Ai. « Ils squattent dans des structures illégales, que la ville détruit à mesure qu'elle s'étend. A qui appartiennent ces habitations? Aux membres du gouvernement, aux magnats de l'industrie du charbon, à des dirigeants de grandes entreprises ».

A Pékin « vous verrez les écoles de migrants que l'on ferme. Vous verrez les hôpitaux où l'on pose des points de suture à des patients, à qui on les retire aussitôt en se rendant compte qu'ils n'ont pas d'argent ».

Pékin est un cauchemar permanent

Ai Weiwei n’épargne pas le système judiciaire qui ne lui inspire aucune confiance : « sans confiance, vous ne voyez rien, comme dans une tempête de sable. Une ville est un endroit qui peut offrir un espace de liberté maximal. Pékin n’a pas ces espaces de coexistence. Aucune de mes œuvres ne représentent Pékin. Je ne pense jamais au stade nid d’oiseau pour la simple raison que les Jeux Olympiques n’ont apporté aucune joie particulière aux gens ordinaires ».

Dans Newsweek, l'artiste évoque l' « épreuve » subie. « Il y a beaucoup d'endroits cachés où ils mettent les personnes sans identité. Sans nom, seulement un numéro. Seule votre famille hurle que vous êtes manquant. Mais vous n'obtiendrez aucune réponse des communautés de quartier ou des responsables ou même, aux niveaux plus élevés, du tribunal, de la police ou encore du président ».

Ai Weiwei poursuit sa diatribe par une référence au roman inachevé de Kafka, Le Château dans lequel l’auteur décrit les aventures de K., le héros du roman, tente d’entrer en contact avec les fonctionnaires inaccessibles du village qui résident au château. Kafka y traite notamment de l'aliénation de l'individu face à une bureaucratie rigide qui a coupé tout contact avec la population. Telle Pékin en Cité interdite du pouvoir communiste : « Cette ville n'est pas bâtie sur des personnes ou des bâtiments ou des rues, mais sur votre structure mentale. Les villes sont des maladies mentales. Pékin est un cauchemar. Un cauchemar permanent ».
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Ai Weiwei sort du silence dans Libération

Messagepar laoshi » 31 Août 2011, 17:09

Voici l'article complémentaire de Libération
Libération du 29 août 2011 a écrit:
Ai Weiwei: Pékin, un «cauchemar permanent»
L’artiste et dissident chinois, s’en prend au pouvoir, dans un texte publié sur le site internet de l’hebdomadaire «Newsweek».



L'opposant chinois est sortie de son silence, depuis sa libération, le 22 juin. Selon lui, Pékin est une capitale kafkaïenne, un «cauchemar permanent» qui broie les pauvres et aliène ses habitants, les privant de leurs droits fondamentaux, dénonce l’artiste chinois Ai Weiwei dans un texte susceptible de lui attirer à nouveau les foudres du régime communiste. «C’est une ville de violence» dans laquelle «vous devenez comme fou», écrit Ai, récemment détenu au secret pendant trois mois, dans cette tribune publiée par le magazine américain Newsweek.

«Pékin est constituée de deux villes. L’une est formée de pouvoir et d’argent. Des gens qui se fichent de leurs voisins; qui ne vous font pas confiance. L’autre ville est celle du désespoir. Je vois des gens dans les autobus et je ne vois aucun espoir dans leurs yeux», confie Ai Weiwei. «Chaque année des millions (de migrants) affluent à Pékin pour y construire ses ponts, ses routes, ses habitations. Chaque année ils édifient à Pékin une surface équivalente à la ville en 1949. Ce sont les esclaves de Pékin. Ils squattent dans des structures illégales, que Pékin détruit au fur et à mesure de son avancée».

Dans cette capitale «en perpétuel changement», où toute mémoire est effacée et où il devient impossible de se raccrocher à quelque chose, les responsables «nous privent des droits fondamentaux», constate le plasticien, devenu la bête noire des autorités pour avoir trop souvent tenu ce genre de propos. A Pékin «vous verrez les écoles de migrants que l’on ferme. Vous verrez les hôpitaux où l’on pose des points de suture à des patients, à qui on les retire aussitôt en se rendant compte qu’ils n’ont pas d’argent», écrit Ai Weiwei.

Lui-même a été détenu au secret de début avril à fin juin, ce qui a soulevé une vague d’indignation à travers le monde. Il vit depuis sous surveillance, sans pouvoir quitter Pékin. Dans Newsweek, il évoque l’«épreuve» subie. «Il y a beaucoup d’endroits cachés où ils mettent les personnes sans identité. Sans nom, seulement un numéro». «Seule votre famille hurle que vous êtes manquant. Mais vous n’obtiendrez aucune réponse des communautés de quartier ou des responsables ou même, aux niveaux plus élevés, du tribunal, de la police ou encore du président».

Les autorités chinoises ont affirmé qu’Ai Weiwei avait été libéré sous caution après avoir «confessé» des infractions d’évasion fiscale. Son arrestation est intervenue dans le contexte d’une répression majeure lancée en février par Pékin contre les dissidents et les militants des droits de l’Homme.

(Source AFP)

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Sous le soleil de Mao: "la cuisinière et le mangeur d'hommes

Messagepar laoshi » 01 Sep 2011, 14:48

Le Monde Magazine du 20 mai 2011 proposait une analyse intéressante de quelques oeuvres d'Ai Weiwei.

Toutes fonctionnent sur le mode de la métaphore et font écho, de manière dérisoire, à l'idéologie officielle du maoïsme :

AI tournesol.jpg
Les graines de tournesol, une métaphore de la destruction de l'individualité par le communisme


Les graines de tournesol, d'abord, dont le commentateur nous explique qu'elles symbolisent le mouvement d'automate par lequel tout Chinois devait se tourner vers Mao comme les héliotropes se tournent sans réfléchir vers le soleil ; il ne faut pas oublier, ajouterai-je, que le prénom de Mao Zedong est associé à une symbolique solaire : "Zedong" signifie "potentiel de l'Est", l'Orient étant le lieu du soleil levant... le soleil, c'est la "grande étoile" qui guide les pas des marins, des paysans et des bergers... Mais les graines de tournesol, c'est aussi le symbole du petit peuple, qui grignote ordinairement cette graine comme une gourmandise, et du peuple chinois tout entier, réduit, par la toise égalitariste, à l'indifférenciation absolue : entre les Chinois de l'ère maoïste, tous semblables dans leur bleu de chauffe et les graines de tournesol, rigoureusement indiscernables, il y a une évidente et tragique parenté.

Parmi les oeuvres proposées, figurent également deux photographies insuffisamment commentées : Ai Weiwei occupant la place de la viande dans une marmite :
AI cuisinier 1.jpg
Ai Weiwei, victime sacrificielle d'un repas cannibale


Ai Weiwei baignant dans la vapeur de cuisson, tel un cuisinier diabolique préparant un monstrueux repas de fête.

AI cuisinier 2.jpg
Ai Weiwei et la cuisine du diable


Je crois que la symbolique de ces deux oeuvres, complémentaires, doit être expliquée.

La cuisinière est un personnage emblématique du communisme : "Chaque cuisinière, se plaisait à répéter Lénine, doit se préparer à gouverner l'Etat." Mais la langue de bois de Mao n'a rien à envier aux formules toutes faites de Lénine. Les Chinois dont chacun connaît les raffinements culinaires, ont ainsi vu l'un de leurs proverbes les plus célèbres, "Une bonne cuisinière ne peut cuisiner sans nourriture", se transformer du jour au lendemain, pendant la famine suscitée par le Grand Bond en avant, en ce slogan maoïste : "Une bonne cuisinière peut cuisiner sans nourriture". Un tout petit mot à changer et le tour était joué, le slogan le plus cyniquement aliénant du monde s'imposait grâce à la mémoire collective du proverbe mais contre lui... Avoir déclaré "crier vive le grand bond en avant ne remplira pas nos estomacs" était alors suffisant pour être taxé de "bœuf-serpent", méritant, comme il se doit, les rigueurs du camp d'internement.

Mais il faut aller plus loin encore car la question du cannibalisme est une question récurrente dans l'histoire du maoïsme. Sa résurgence fut, d'une part, la conséquence catastrophique du Grand Bond en avant, qui fit des dizaines de millions de mort, et, d'autre part, une technique de terrorisation des victimes et des bourreaux : pendant la Révolution culturelle encore, les Chinois enrôlés dans la dénonciation des crimes prétendus des réactionnaires et autres "véhicules du capitalisme" furent contraints de manger les viscères de ceux qui étaient tombés sous leurs coups, comme on le voit dans le livre bouleversant de M Jian, Beijing Coma, dont Faustula vous a déjà parlé et dont je vous reparlerai plus tard !



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Re: Ai Weiwei et les voix du silence

Messagepar laoshi » 05 Sep 2011, 16:16

Courrier International vient de publier un article sur la dernière censure dont a été victime Ai Weiwei après ses propos courageux sur "le cauchemar de Pékin", espérons que les autorités ne s'en prendront pas physiquement à lui...

Courrier International du 5 septembre 2011 a écrit:Ai Weiwei censuré dans l'édition chinoise de Newsweek

Le dernier numéro de l'hebdomadaire américain Newsweek est paru dans les kiosques à Pékin, mais la dernière page du magazine a été déchirée par les inspecteurs du bureau de censure, selon le quotidien de Hongkong Apple Daily. La page enlevée concerne la tribune publiée par l'artiste chinois Ai Weiwei. Dans ce texte également publié sur The Daily Beast, le site de Newsweek, le dissident, qui avait détenu de avril à juin, qualifie Pékin de "cauchemar". "Pékin a deux visages. C'est une ville de puissance et d'argent, où les habitants ne se soucient pas de leurs voisins et ne leur font aucune confiance. Mais c'est aussi une ville de désolation. Je vois les gens dans les bus, leur regard sans espoir. Ils n'imaginent pas pouvoir un jour s'acheter une maison. Ils viennent de villages très pauvres, sans électricité. Ils n'ont jamais vu de papier toilette. Chaque année, des millions d'entre eux arrivent pour bâtir des ponts, des routes et des immeubles. Chaque année, ils construisent l'équivalent d'une ville de la taille de Pékin en 1949. Ce sont des esclaves ", écrit l'artiste, qui vit toujours en Chine depuis sa libération sous caution. "Cette ville ne se distingue pas par ses habitants, ses immeubles ou ses rues, mais par l'état mental qu'elle génère. Il suffit pour le comprendre de se souvenir du roman de Kafka, "Le Château". Les villes s'associent à un état mental. Pékin est un cauchemar. Un éternel cauchemar", écrit-il en conclusion de son texte poignant.

Newsweek a exprimé ses regrets, et appelé ses lecteurs chinois aller lire l'article sur son site web.
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Ai Weiwei pornographe ?

Messagepar laoshi » 24 Nov 2011, 18:41

Après avoir accusé Ai Weiwei de fraude fiscale pour justifier a posteriori sa détention arbitraire, les autorités chinoises s'en prennent à nouveau à l'artiste sous prétexte de « pornographie » ! Elle s'attaquent à une photo de 2007 dans laquelle Ai Weiwei pose nu (en cachant pudiquement son sexe) en compagnie de quatre femmes également nues et également pudiques (une seule laisse deviner son pubis) ! Comme le note une avocate de Shanghai, beaucoup de sites réellement pornographiques font pourtant florès sur la toile chinoise en toute impunité !

weiweinu0.jpg
vous avez dit pornographie ?
weiweinu0.jpg (20.82 Kio) Consulté 4721 fois


Pour soutenir l'artiste, les internautes chinois, après avoir récolté la somme de 8.45 millions de RMB pour lui permettre d'interjeter appel de la décision de redressement fiscal de 15 millions de RMB par laquelle les autorités tentaient de "le briser" (cette somme correspond au profit annuel des chemins de fer chinois !), entament une campagne de mise en ligne de nus originaux et politiquement très incorrects !

Sur un blog intitulé "Ecoute, gouvernement chinois, la nudité n'est pas la pornographie", les uns posent nus avec la photo d'Ai Weiwei en guise de cache-misère :

soutienaiweiwei.JPG
la nudité n'est pas la pornographie
soutienaiweiwei.JPG (46.44 Kio) Consulté 4721 fois


Zola fait mieux encore en posant dans l'attitude du David de Michel-Ange, renvoyant ainsi les autorités à leur ignorance crasse en matière artistique :

zuola.jpg
Zola, le David chinois
zuola.jpg (24.83 Kio) Consulté 4721 fois


Cette campagne de mise en ligne de photographies en rappelle d’autres, en particulier celle dans laquelle les internautes chinois ont posé avec des lunettes de soleil en hommage à Chen Guangcheng, l'avocat dissident aveugle détenu chez lui à Linyi (en violation de la législation chinoise même) depuis des mois et après avoir purgé sa peine...

L'actualité télévisuelle officielle, celle que diffuse CCTV, résonne ironiquement avec cet assaut de pudibonderie contre la dissidence ! Parfum enivrant, le feuilleton que diffuse actuellement CCTV, réhabilite justement le nu artistique ! Dans l'épisode diffusé hier, un haut fonctionnaire, en visite dans la filiale que Chez Maxim’s vient d’ouvrir à Pékin, intervient pour empêcher qu’un tableau de nus mythologiques et érotiques (les amours des dieux et des déesses a toujours été pour les peintres un alibi contre la censure) soit retiré de la salle : ceux qui ont pris cette décision, explique-t-il, n’ont pas compris « l’évolution de la société chinoise » ! La scène est pourtant censée se passer en 1983, peu de temps après la fin de la Révolution culturelle. Même réhabilitation du nu dans un autre feuilleton, La joyeuse famille des Wan, qui se passe dans le lointain et très rural Heilongjiang. L’un des personnages, un riche parvenu, a acheté une reproduction de La Source d’Ingres. Tous les villageois défilent chez lui pour regarder le tableau avec des pensées égrillardes, incapables qu’ils sont de le voir selon de simples critères esthétiques. Le chef du village croit devoir condamner la toile mais l’instituteur fait une analyse très pertinente du tableau. La pudibonderie est clairement mise au compte de l’ignorance et du retard idéologique ou culturel dans les deux séries.

Les autorités devraient regarder les feuilletons qu’elles utilisent pour l’édification des foules, car, comme le disait ailleurs Mandarine, nul doute en effet que toute série télé doive obtenir l’aval des censeurs du PCC avant sa diffusion voire sa production ! oui mais voilà, on ne peut pas penser à tout, penser que la libéralisation du nu artistique pourrait entrer en contradiction avec le prétexte invoqué pour condamner Ai Weiwei !
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